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quinta-feira, 13 de outubro de 2011

Le passage-Divaldo Pereira Franco

 

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Le passage

De Divaldo Pereira Franco

Dicté par l’Esprit Otilia Gonçalves

INTRODUCTION

D'au-delà de la mort arrivent, sans cesse, les caravanes innombrables d'émigrés de la Terre.

Venant des régions les plus différentes de la planète, ils portent dans leur Esprit les marques profondes reflétant les derniers instants du séjour sur Terre.

Ils arrivent au grand continent de l'Erraticité, chargés du bagage des faits accumulés pendant leur passage dans le monde physique. Ils n'étaient ni des Anges, ni des Démons, mais des Hommes, des Hommes qu'ils continuent d'être. La désincarnation ne leur changea ni les habitudes, ni les cou­tumes ; elle ne leur apporta ni titres, ni conquêtes, elle ne leur enleva ni mérites, ni réalisations. Chacun se présente tel qu'il a toujours vécu. Il n'y a pas de miracle ni de changement pour ceux qui atteignent le grand port...

Rares sont ceux qui se réveillent la conscience nette, après la traversée inévitable. La grande majorité attachée farouchement aux sensations abrutissantes, s'astreignent aux souvenirs de l'objet de leur plaisir matériel et s'attardent, malheureux, par bandes, comme des maraudeurs fous, vaguant autour du domicile de chair jusqu'à ce que la Loi excellente les remette sur la voie de la renaissance.

Un grand nombre, comme des malades en longue convalescence, sont recueillis dans des Colonies Spirituelles que des missionnaires dévoués ont érigées à proximité de la planète. Là, ils se rétablissent et recouvrent des forces, pour recommencer à réapprendre et à s'exercer à la marche ascendante vers des stades plus heureux.

De la même façon que sur Terre fourmillent les intercessions affectueuses, au-delà de la mort, les manifestations de l'Amour se poursuivent en échanges, établissant les liens forts de protection et de secours.

Partout l'Amour est l'Ame de l'Univers, manifestation de Dieu. Même les Esprits endurcis, persécuteurs invétérés de beaucoup d'autres Esprits, semant, malheureux en eux-mê­mes, le malheur dont ils sont porteurs, ne comptent pas moins sur l'aide de Dieu à travers les envoyés dévoués qui veillent sur eux, les assistent, les soutiennent.

Partout et sans cesse, le dévouement des bons traduit la providence Divine et paternelle.

Mourir, loin de constituer un repos dans les manoirs célestes ou une punition éternelle dans les zones infernales, consiste purement et simplement en un recommencement de la vie...

Naturellement, le Ciel ou l'enfer "ad æternitatem" trouvent une correspondance soit dans des zones de souffrances où les consciences endurcies s'épurent en vue de futures renaissances dans une structure physique où elles seront rajustées et recomposées ; ou au contraire dans des régions de lumière où se plaisent et se réunissent les héros anony­mes du devoir, les missionnaires des labeurs modestes pas­sés sous silence, les prêtres des tâches apparemment sans valeur, les parents, les frères et les amis riches de dévouement désintéressé ; ceux qui maintiennent le bien et l'ordre, sans arrêter leur travail d'évolution incessante...

Après chaque éparpillement cellulaire, la conscience commande les chemins de l'Esprit, et la valeur des vibrations, par affinité, se charge de fixer chacun dans la situation des besoins de l'évolution.

Toutefois, il y a toujours, sur Terre, ceux qui créent des obstacles, et qui refusent de telles affirmations.

Nous ne pensons pas convaincre cet apprenti-ci, ni cet apprenti-là en cours d'expérience libératrice.

Tous ceux qui demeurent sur Terre rencontreront maintenant, ou plus tard, les réalités spirituelles ; ils les connaîtront "de visu" d'après leur propre évolution, ce qui les amè­nera à rectifier des opinions, discipliner des observations, entreprendre des essais.

La mort nous attend tous et la vie est la grande réponse à toutes les énigmes.

Il nous faut absolument nous entraîner à ces événements inéluctables, personne n'y échappe.

C'est en pensant à cela que notre sœur Otilia réunit dans des pages qu'elle adresse à sa fille, des notes sur son expérience personnelle, tant qu'elle se trouve encore quelque peu attachée à son enveloppe charnelle. Nous présentons ces notes offrant considérations et avertissements, répétées d'ailleurs depuis le début des temps, ayant atteint la plus haute expression dans l'Evangile, ou encore dans la Codifi­cation de Kardec — à l'intention de ceux qui se désintéressent de tels sujets, et de ceux qui cherchent consolation et force dans la doctrine des Esprits.

L'auteur ne pense pas présenter quelque chose de nou­veau « puisqu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil », la révélation étant toujours la même à travers les âges, parais­sant aujourd'hui et réapparaissant demain, sous une apparen­ce, un caractère ou des habits neufs.

On trouve au Brésil comme au Portugal ou ailleurs, des renseignements excellents sur la vie au-delà de la mort. On en a beaucoup dit et il y a encore beaucoup à dire. Il faut, cependant, répéter, diffuser, habituer les gens aux sujets spirituels.

L'expérience de l'auteur est une expérience personnelle ; la récolte individuelle, aussi, peut suggérer des leçons et permettre des réflexions au lecteur intéressé.

En aucun moment cette amie spirituelle n'a voulu faire de la littérature, cela pour des raisons très compréhensibles. Elle a dicté ces pages au cours de séances hebdomadaires du Cercle Spirite "Caminho da Redençâo", entre mars 1958 et août 1959, presque toujours en présence de celle à qui elles sont adressées

En diffusant cet ouvrage, nous voulons aussi rendre hommage au Maître lyonnais Allan Kardec à l'occasion du centenaire prochain de "La Genèse" qui traite de sujets transcendants passionnants et actuels, à la lumière et dans la ligne de la science et de la raison.

Le message consolateur des "Voix du Ciel" doit être reçu en priorité et, devant les perspectives attirantes de l'ave­nir avec Jésus, nous formons des voeux de paix accompagnés de nos excuses sincères à ces Esprits vaillants, perspicaces et studieux qui ne trouveraient pas ici ce qu'ils aimeraient trouver pour l'accroissement de leur culte ou l'élargissement de leur connaissance.

En suppliant le Seigneur de nous donner à tous sa béné­diction, à nous autres qui cherchons à devenir les disciples sincères de Jésus-Christ, je suis très humblement,

JOANNA DE ÂNGELIS

Salvador, le 17 juillet 1967.

PREFACE

Léon Denis dans son livre "le Problème de l'Être et de la Destinée", souligne à la page 172 : "La connaissance des conditions variées de la vie dans l'au-delà a été exposée par les esprits eux-mêmes, à l'aide des moyens de communica­tion dont ils disposent, leurs indications recueillies et consignées en des volumes entiers de procès-verbaux, servent de bases précises à la conception que nous pouvons nous faire actuellement des lois de la vie future".

A la page 173, il dit : "En réalité les mots sommeil et mort sont impropres. Quand nous nous endormons à la vie terrestre, nous nous réveillons à la vie de l'esprit".

L'esprit, c'est être ce que l'on pense, et cela se confir­me dans ce livre "Le passage", que dicte l'esprit de Otilia Gonçalves au médium Divaldo Pereira Franco. C'est essen­tiellement la situation de l'Esprit après la mort, qui n'est que la conséquence directe de ses penchants, soit vers la recher­che du beau et du bien, soit l'immobilisation sur des plans inférieurs, qui les plus lourds, les plus grossiers continuent à résider autour de la planète terre.

C'est Swedenborg qui a dit : "Le ciel est là où l'homme a placé son coeur" ; ainsi, tout est conforme a ce que tout un chacun trouvera dans l'au-delà. Nous sommes les fruits de nos oeuvres. Il y a des lois qui gouvernent les esprits, dans les centres d'accueil qui existent pour ceux d'entre eux qui sont encore mal délivrés du fardeau matériel qui les enveloppaient et qui les tient prisonniers d'un réseau de pensées et d'images.

Prendre conscience de son état mental, avant de progresser spirituellement en s'initiant à la grande loi d'Amour du Divin, c'est ce que le lecteur va découvrir au fil de cette oeuvre médiumnique, car les lois de la pesanteur existent encore pour les âmes qui ne se sont pas totalement affranchies de la matérialité. Cela se traduit par des souffrances réellement ressenties, mais soulagées par des Esprits chargés sur ordre Divin de pourvoir aux soins spirituels nécessaires à ces âmes en détresse.

Le mot "plan astral" n'est qu'un terme servant à désigner les différents états de l'âme des esprits, mais en réalité il n'y a pas de plans réels, ce sont tout simplement les esprits qui, par l'attraction de leurs affinités, de leur densité, se groupent, échangent leurs conceptions, s'entendent entre eux pour un travail à exécuter en commun, et créent autour d’eux une ambiance qui leur est particulière.

L'Esprit a ceci de particulier qu'il est un dynamisme de pensées et de vibrations éternelles ; son action est multiple, rayonnante, et bien souvent pour certains, sans limite, comme le Christ. Il est entouré d'une enveloppe fluidique semi matérielle que l'on nomme périsprit, ce qui veut dire "autour de l'Esprit". Il conserve cette enveloppe en quittant la terre, ce qui lui permettra de garder le contact avec nous, habitants de la terre.

Les pensées sont des vibrations, et nos sens sont trop grossiers pour les saisir sans le secours du son, mais cette difficulté n'existe plus chez les esprits dont les sens plus subtils peuvent les capter avec beaucoup plus de rapidité que nos paroles ; ils peuvent même projeter à de très grandes distances leurs vibrations captées sitôt émises, par ceux à qui elles sont destinées.

Le lecteur aura le loisir de découvrir dans ce livre les lois qui gouvernent les esprits, qui ne visent du reste que le bien général, et ceux qui en sont tributaires ne cherchent nullement à les enfreindre, car ce sont les lois générales de l'univers. Les Esprits ouverts à la spiritualité, malgré les défauts qui les encombrent encore, ont une facilité de vie que les humains incarnés sur la terre n'ont plus. En effet, ils ont une liberté qui sait respecter celle des autres, et une entraide fraternelle, qui manque sur notre terre où l'égoïsme règne. Il serait pourtant puéril de croire que du fait d'avoir quitté le plan terrestre, l'être devient omnipotent, possédant tous les pouvoirs ; il n'en est rien, car il emporte avec lui ses qualités, résultant de ses efforts. Quant à ses défauts, il comprend mieux, dans le milieu spirituel où il se trouve, l'intérêt pour lui de chercher à s'en défaire, en vue d'une future réincarna­tion sur terre, qui sera une nouvelle épreuve. Comme on pourra le découvrir dans ce livre, il y a dans le monde spirite des êtres plus ou moins avancés, qui montent pas à pas les degrés de la spiritualité.

Certes ce livre n'est pas unique, ni inédit dans la des­cription du monde des Esprits ; Newille Randall décrit lui aussi dans son livre : "La Mort ouvre sur la Vie" le monde spirituel ; Chico Xavier dans son oeuvre médiumnique "Notre demeure" en fait autant, ce qui prouve, qu'il n'y a en l'occurrence, ni compétition, ni concurrence quelconque à partir du moment où tous ces écrits venus d'horizons différents confirment la même et unique vérité.

Nous souhaitons aux lecteurs qu'ils puissent tirer les le­çons des situations décrites, qui ont pour objectif de nous montrer où peuvent nous conduire les passions sans frein, et le manque de courage à lutter contre nous-mêmes, car il ne s'agit pas d'une fantaisie créée par l'imagination qui met en scène ces situations, mais surtout et essentiellement une action charitable pour nous éviter de tomber dans les mêmes travers. Ce sont en fait les conseils que viennent nous donner les instructeurs du monde spirite, avec douceur et bonté pour devenir des êtres bons, fraternels, seuls moyens pour évoluer pour nous-mêmes et les autres sur la voie du bonheur sans fin de l'âme.

L'UNION Spirite Française et Francophone

ECLAIRCISSEMENTS OPPORTUNS

"Je vis bientôt que chaque Esprit, en raison de sa position personnelle et de ses connaissances, m’en dévoilait une phase, absolument comme on arrive à connaître 1' état d'un pays, en interrogeant les habitants de toutes les classes et de toutes les conditions, chacun pouvant nous apprendre quelque chose, et aucun individuellement, ne pouvant nous apprendre tout"

Oeuvres Posthumes. Allan Kardec

Au fur et à mesure que je reprenais le calme Au-delà de la mort ; lorsque les vibrations de la chair se diluaient dans le grand océan de l'oubli, loin des impressions plus fortes de la vie physique, je voulus rencontrer les êtres chers restés derrière, pour leur raconter mon expérience.

Ayant, cependant, examiné mes limites, je compris très tôt l'impossibilité de la réalisation de mon dessein. Sans cul­ture intellectuelle, habituée uniquement aux problèmes de l'humble foyer domestique, toujours très éloignée des belles lettres, je n'avais pas disposé, tant que j'étais sur Terre, des lumières du Savoir. Je souhaitais, pourtant, parler aux com­pagnons d'activités, leur apporter des avertissements, leur montrer les surprises de la vie spirite, leur offrir mes im­pressions personnelles, en les incitant au travail rénovateur que le Spiritisme offre à tous dans le champ béni des réali­sations impérissables.

Bien que renseignée par la Doctrine Spirite sur le fait que la vie se poursuit après la mort du corps physique, mise au courant par l'oeuvre d'André Luiz que j'avais beaucoup aimée étant incarnée, je me heurtais, quand même, à des surprises et à des inquiétudes, comme le touriste étourdi ayant dans sa poche le guide de la ville, mais qui cherche dans la grande métropole des adresses qu'il ne retrouve pas...

Combien d'angoisses et de remords, combien de crain­tes et d'anxiétés ont visité mon âme après le tombeau, je ne saurais le dire.

Je constatai que la vie continue sans de grands chan­gements, en offrant à chaque âme, dans le creuset évolutif, les satisfactions ou les sanctions qu'elle mérite.

Ceux qui étaient tourmentés par le sexe, continuent dans l'anxiété.

Ceux qui étaient des esclaves du plaisir, continuent de l'être.

Ceux qui étaient les esclaves de la haine continuent d'être affligés.

Ceux qui étaient les copains de l'illusion continuent d'être trompés.

Les menteurs sont perturbés par des images désordonnées.

Les amateurs de l'ignorance marchent en proie au trouble de ne rien savoir.

Il n'y a que les âmes éclairées et expérimentées dans la bataille rédemptrice qui avancent en liberté, jouissant du don de l'espoir parmi des sourires des réalisations.

Je compris le véritable sens de la Foi. Au lieu d'être la simple acceptation passive d'une croyance religieuse, il s'agit plutôt d'un programme d'ascension et de renouvellement intérieur.

Porter la pure lumière du Christianisme dans la pensée et dans le coeur correspond à un bienfait du Ciel que personne n'enfreindra impunément.

J'ai donc décidé d'écrire quelques pages sans souci littéraire, ni celui de présenter des solutions à la transcen­dance métaphysique, aux vieux problèmes de l'âme si bien étudiés et discutés depuis longtemps dans les Ecoles qui s'occupent de ce sujet.

Mon but était, simplement, d'alerter, en adressant à ma propre fille les notes maintenant réunies. J'ai laissé la pen­sée évoquer les scènes que j'avais vécues Au-delà de la mort, soutenue par les soeurs Liebe et Zelia, bienfaitrices infati­gables qui se sont chargées, dès les premières heures, de soutenir mon âme troublée ; de me permettre d'entrepren­dre le long chemin du rétablissement spirituel.

Jamais l'idée ne m'était venue d'écrire un livre ; je me considérais, comme je viens de le dire, incapable de le faire.

Soutenue par mon Guide Spirituel, il m'a été possible, cependant, de réaliser le minimum que j'offre maintenant au cher lecteur pour sa réflexion, en lui présentant mes excuses. Il s'agit de notes prises par un coeur pour un autre coeur qui, à son tour, s'achemine vers le tombeau. Ce sont des expressions que vous trouverez, vous-même, plus tard, que vous le veuillez ou non.

Il s'agit de rapports écrits avec des larmes et sous l'aiguillon de la souffrance. Je n'ai d'autre dessein que de réveiller quelqu'un encore dans la chair aux responsabilités de la vie au cours de la traversée de l'existence planétaire.

Veuillez donc me pardonner, lecteurs intéressés à l'approfondissement des connaissances, si je n'ai rien pu vous offrir à ce sujet.

Je garde la joie de vous apporter mes pages, encoura­gée par les expressions du Codificateur du Spiritisme lorsqu'il affirme "qu'on arrive à connaître un pays en inter­rogeant ses habitants de toutes les classes sociales..."

Celui-ci est le pays où je réside actuellement, résidence racontée par une mère qui, en avant-garde, avertit sa fille en route vers l'Eternité, en montrant le vieux chemin de l'Evangile, toujours d'actualité :

"FAIRE À AUTRUI CE QUE L'ON VOUDRAIT QUE L'ON FASSE À SOI-MÊME".

En remerciant Jésus et sa Mère très Sainte, dont je suis la soeur humble et reconnaissante,

Otilia Gonçalves.

Salvador, le 15 Janvier 1960.

LA VIE CONTINUE

Ma fille, que la paix du Seigneur soit avec vous!

Depuis l'instant où l'ange de la mort m'adressa sa pen­sée en m'envoyant le message lugubre de l' « Angina pecto­ris », un tourbillon indescriptible s'est emparé de mon Esprit.

Tout d'abord, les chairs secouées par les affres du coeur qui ne pouvait plus soutenir la vie physique ; une souffran­ce indicible envahit tout mon corps, depuis la poitrine jusqu'au cerveau et depuis celui-ci jusqu'aux pieds, me faisant devenir folle. Tourmentée entre les idées de la "mort" affreuse que je craignais et l'anxiété causée par la "Vie" s'échappant sous le poids cruel du sang qui se refusait à irriguer les artères, les veines et les vaisseaux, je sentis que j'allais tomber.

J'ai réuni toutes mes forces qui s'en allaient rapidement en m'abandonnant de façon pitoyable et j'essayais de résis­ter à la violence de la douleur qui me déchirait tout entiè­re. Je n'ai pu que pousser des cris désespérés, à demi folle. J’éprouvais la sensation qu'une puissante main de fer me déchirait le cœur ; en plus de l'agonie que je suis incapable de décrire, je sentais que la vie s'enfuyait rapidement, en me faisant m'évanouir sans cependant, faire cesser la dou­leur épouvantable qui allait me tenir si longtemps dans un état, d'angoisse sombre et inquiétant.

Je ne pourrais pas préciser le temps que dura mon évanouissement. Je garde encore l'impression que, tout autour de moi, un tourbillon m'entraînait me faisant éprouver la sensation de tomber dans un abîme sans fond.

Tout d'un coup, comme si j'avais heurté le sol, je me réveillai en agonie, à tâtons dans les ténèbres, poussant des cris d'effroi, dans un trouble incroyable. La poitrine conti­nuait de me faire terriblement mal comme si elle eut été déchirée par une balle, la traversant, rompant la chair et les os, la faisant saigner.

Oh! Jésus, la souffrance de ce moment-là!

Le temps s'écoulait sans que je le sente autrement que par l'agonie qui semblait durer à jamais.

Comme la douleur ne cessait point, des impressions différentes m'envahirent le cerveau, en tourbillon, ajoutant énormément à mon désespoir.

Un froid de glace m'engourdissait lentement les mem­bres inférieurs, menaçant de m'immobiliser. Cette sensation inattendue me donna l'impression que j'étais en proie à un cauchemar affreux, mais dont je me libérerais bientôt. Je me calmai un peu en caressant l'espoir d'un réveil agréable, parce que tout cela n'était qu'un mauvais rêve.

Par la perte de chaleur, des douleurs généralisées para­lysaient mes mouvements, tandis que le refroidissement me rendait rigide. La peur me guettait, implacable. Sans plus pouvoir raisonner, secouée par les vagues de cette mer de douleurs inconnues, j'aperçus une clarté incertaine, comme si l'aube touchait mes yeux. Je commençais alors à me ren­dre compte de l'endroit où je me trouvais, tout en restant cependant, immobile.

Tout d'abord troubles et blêmes, les images devenaient peu à peu reconnaissables. Inquiète, je m'aperçus moi-mê­me couchée sur mon propre lit, mais raide et pâle.

J'ai voulu me lever, marcher, courir, supplier qu'on m'aide ; mais j'étais paralysée, tenue par des liens puissants. La langue ne pouvait plus bouger. Le cerveau me semblait dévoré par des flammes crépitantes. Les yeux, fermés, se refusaient à regarder la lumière. Pourtant, je "voyais" tout et j'accompagnais les mouvements extérieurs. Les larmes coulaient sur mes joues en les brûlant et la pensée me donnait l'impression d'une chaudière incandescente, débor­dante de désespoir et qui me détruisait.

Je ne savais pas quelle heure il pouvait être.

Je me demandais, mentalement, dans mon martyre, ce qui m'arrivait. Où se trouvait-il le compagnon de tant d'années ? Les frères et soeurs de foi spirite, où se trouvaient-ils, qui ne me prêtaient point secours ? Les coopérateurs dévoués de notre programme d'aide sociale, où étaient-ils passés ? Où avait-on conduit les enfants tout petits, que j'avais pris l'habitude d'aimer? Pourquoi ne me parlaient-ils pas ? Et je me souvins du Maître plein de bonté, toujours secourable pour tous les malheureux.

Dans la confusion de mon cerveau, l'image incompara­ble de Jésus se dessina de plus en plus nette, ce qui diminua peu à peu mes souffrances. Bien que n'ayant pas tout à fait cessé, les douleurs devenaient plus supportables et une tranquillité momentanée calma l'incendie que j'éprouvais à l'intérieur de moi-même.

Je respirais avec un peu plus de facilité.

De loin, il me semblait venir des sons assourdis. Malgré mes yeux "fermés", je "vis" que des gens pleuraient.

Attirée par ces circonstances, j'ai voulu soulever mon corps ; je me sentis, alors, sortir de la gaine de chair et je pus me voir. Je me trouvais couchée dans le cercueil et, en même temps, debout à côté de celui-ci. Je me palpais rapi­dement, désirant me sentir physiquement. Tout vibrait autour de moi, avec l'intensité de jadis et les impressions de douleur charnelle grandissaient de plus en plus.

Je cherchai à me déployer et je m'aperçus que le froid terrible allait disparaissant, en me détachant du poteau de la rigidité. Je fis quelques pas, vacillant un peu et, tout d'un coup, brilla dans ma pensée l'idée inattendue : n'étais-je pas morte, par hasard ? — me demandai-je. Je me jetai rapidement sur le corps, en essayant de le soulever pour échapper à cette pensée "ténébreuse" et me libérer de l'an­goisse. Je n'ai pas réussi à le faire. Les larmes recommencèrent.

Non, ce n'était pas possible, me disais-je, intérieurement, en essayant de me tranquilliser. Tout cela ne dépassait pas les limites d'un rêve fantastique ou d'un dédoublement médiumnique dans le royaume de la Mort. Je ne pouvais pas croire que j'étais morte. Je me sentais vivante, malgré les douleurs qui me faisaient encore terriblement souffrir. Je gardais ma lucidité, je raisonnais, je souffrais. Je ne pouvais pas être morte. Au réveil, je prierai et je cher­cherai à effacer les souvenirs de ces moments de frayeur.

Je me sentis presque soulagée par ces raisonnements. Cependant la réalité était tout autre.

Quand j'eus entouré mon corps de mes bras, je le sen­tis absolument froid et, bien que m'étant couchée sur lui, je ne pouvais plus m'y ajuster, m'y enfiler comme une main dans un gant. En m'efforçant de m'y introduire, je me ren­dis compte que ma volonté n'avait plus de prise sur lui.

Je compris, bien qu'en refusant l'idée : J'étais "morte".

Ayant admis cette idée, je me trouvai en proie à une grande frayeur. Les explications de notre directeur Spiri­tuel, entendues dans notre Cercle, me revinrent en pensée. Avant de me libérer de la surprise, je constatai mon igno­rance dans le domaine de la Doctrine Spirite, laquelle est un guide sûr dans le pays des "morts". J'essayais de réviser les enseignements entendus auparavant ; l'incohérence du moment me mettait hors de tout contrôle et me jetait dans un état d'abattement complet, une fois de plus.

La torpeur qui m'avait envahie auparavant me reprit, ne me laissant libre que la pensée et celle-ci parcourait maintenant les voies du souvenir en se mélangeant aux travaux de l'existence, me faisant presque emprunter le couloir con­duisant à la folie.

Je me suis surprise encore une fois hors de mon corps, bien qu'attachée à lui par de forts liens qui m'empêchaient d'aller plus loin. J'éprouvai alors un soulagement nouveau et j'entendis qu'autour du cercueil on priait doucement pour moi. Nos enfants[1] et nos compagnons d'activités spirites étaient réunis là, priant pour mon âme, car j'entreprenais le grand voyage. Je cherchais à me mettre à genoux pour accompagner ce culte du regret, mais avant de pouvoir coordonner les pensées, un sommeil léger s'empara doucement de mes fibres fatiguées en m'invitant au repos.

En me sentant m'égarer dans une sorte de remouds, je m’aperçus que mes muscles se détendaient en même temps que mes pensées plongeaient dans les eaux troubles de l'ou­bli. Bien que désireuse d'accompagner le déroulement des événements de ce passage crucial de ma vie, je me suis laissée vaincre par la fatigue, éprouvant une torpeur mentale invincible, tandis que je me rendais compte que la vie continue.

VERS LE TOMBEAU

Je ne saurais dire combien de temps je suis restée dans ce sommeil agité, prise d'émotions violentes et complexes ; au réveil, j'éprouvais la sensation du froid intense qui me prenait, tandis que tous mes organes se refusaient à obéir à mon cerveau paralysé. Tout mon corps se trouvait anéanti sous le coup de forces inconnues.

J'ouvris les yeux et, dans un véritable bouillonnement d'émotions, je me suis trouvée dans le salon de notre Maison de Prières, le corps couché dans le cercueil, impression qui augmentait ma souffrance.

La douleur dans la poitrine s'élevait de plus en plus, m'étranglant la gorge assoiffée. Je désirai un verre d'eau de toutes mes forces. Inutilement. Tandis que la soif me brûlait les lèvres, les yeux éprouvaient une sensation d'ardeur, le corps souffrait mille douleurs et le cerveau était dévoré d'inquiétude toujours plus grande.

Face à l'évidence de la désincarnation, j'essayai de prier, sans y réussir, tourmentée par le refus de l'évidence. Bien que possédant certaines connaissances sur la Doctrine des Esprits, chemin de lumière dans le monde de ténèbres, je me refusai cependant d'accepter la réalité inéluctable.
Il est vrai que je savais, à travers des notions doctrinaires du Spiritisme, que la mort n'est pas la fin, mais le commencement d'une vie éternelle à laquelle je croyais de tout mon coeur. Néanmoins, je réfléchissais, accommodant la Volonté Supérieure à mes propres caprices : je ne pouvais pas mourir encore ! Je réclamais la grâce du temps pour me permettre d'accomplir les tâches auxquelles je m'étais consacrée dernièrement dans le service sanctifiant de l'amour. Je me souvenais du proche passé, des combats moraux mal soutenus ; je revoyais la coupe d'illusions où tant de fois j'avais trop bu et je comprenais l'urgence absolue de récupé­ration, dans les travaux des heures nouvelles, cherchant à me libérer alors des menottes contraignantes.

En proie à cet ensemble de désirs et d'interpellations, entre les évocations des erreurs commises et la peur de ce qui pourrait advenir, je me vis, tout d'un coup, devant un grand panneau rattaché à ma pensée et qui m'attirait puis­samment. J'ai pu voir alors, comme sur un grand écran de cinéma, le déroulement, à une vitesse stupéfiante, des faits qui représentaient mon existence dans une rétrospective miraculeuse, sans omission d'aucun détail.

Je me revis tout enfant, organisant les éléments de l'avenir sur le terrain de l'innocence. Des faits et des évène­ments disparus de mon souvenir m'apparurent dans leurs détails avec une netteté impressionnante, me criant à la mémoire en feu mes erreurs et mes vexations, fruits des attitudes antérieures.

Le plus incroyable est, qu'à chaque problème d'autrefois, des solutions paraissaient alors, me faisant voir la sagesse du Père à notre portée mais pas toujours utilisée. Ayant oublié un moment toutes les douleurs, je retrouvais, en raisonnant, l'Evangile Rédempteur qui montrait les di­rectives à l'âme juvénile ; je les avais pourtant entendues, soit dans les leçons du Catéchisme, soit près du coeur de ma mère. Je revins, par ce procédé, sur les voies du passé, en retrouvant les larmes et les sourires de mon enfance.

Je gardais la sensation que tous mes actes avaient été notés par un secrétaire méticuleux à qui n'avaient pu échap­per, pas même les mauvaises idées qui, un jour ou l'autre, avaient envahi mon écran mental. L'exactitude des notes était telle que les faits prenaient forme, en se mouvant sous mes yeux et me couvrant de honte et d'horreur.

Combien d'actions négatives j'avais accumulées sur mes jours sans m'en douter ! Je savais bien que je n'avais pas été un ange en voyage de tourisme sur Terre. Toutefois, je n'aurais jamais pu supposer avoir été aussi négligente dans l'accomplissement du devoir. Quelque chose d'intérieur vou­lait protester contre les différentes scènes réapparaissant alors. Mais la conscience, libérée des menottes du confort, m'empêchait de mentir, élargissant davantage les responsa­bilités du moment.

En proie à un immense effroi, je conclus que les pen­sées e et les actes de la créature se fixent dans l'Au-delà par des procédés qui échappaient à mon entendement, et qui restent ineffaçables, même s'ils sont oubliés.

Avant que je ne puisse poursuivre mes raisonnements là-dessus, restant dans l'état d'inquiétude qui me secouait, je revins à la salle où une autre réalité me rendait encore plus désenchantée et m'affligeait toujours davantage. Je ne pouvais plus refuser l'évidence de mon décès.

J'observai que tous priaient ; entendant quelqu'un qui m'appelait avec force, je me suis sentie entraînée et je te trouvai, toi, ma fille. J'ai pu comprendre que tu te souve­nais des jours que nous avions vécus ensemble parce que tes pensées formaient des tableaux vivants où je me trouvais, moi aussi.

J'ai voulu te prendre dans mes bras, mais lorsque je pensai pouvoir y réussir, on a soulevé le cercueil qui portait mon corps.

La peur du moment dépassa mes capacités de calme et de confiance. Je cherchai, dans mon désespoir, à courir et m'enfuir bien loin de cette scène poignante qui me blessait et qui me causait de l'amertume ; toutefois, des liens épais et sombres m'attachaient à ma dépouille, m'entraînant avec elle...

Je reconnus les rues par où passait le cortège funèbre, mais je les voyais sombres et mouvementées, comme si un nuage épais s'abattait sur les maisons et sur la multitude éperdue, sortie dehors sur les trottoirs. J'entendis la voix des passants qui semblaient révoltés, brandissant des morceaux de bois comme s'il s'agissait d'armes improvisées. Quelques-uns me menaçaient et, en voyant mon expression d'horreur, ils reculaient en riant, comme des fous sortis d'un asile dégoûtant.

Arrivée au Cimetière, j'ai entendu des cris et des la­mentations qui me déchirèrent l'âme. Les voix qui sem­blaient plutôt des cris d'animaux, composaient un air infer­nal, indescriptible. Une pâte humaine aux formes grossières entourait mon cercueil vociférant des commentaires railleurs sur la morte :

- "Est-ce une adepte du Christ ou viendra-t-elle avec nous ?", dit quelqu'un d'un ton moqueur.

- "Voyons ses vibrations", ajouta un autre.

- "Attention aux surveillants, misérables", avertit un troisième.

- "Ce doit être quelque "pauvre vieille du Troupeau! ", s'écria encore un autre. Et de la même voix :

- "Regarde la protection dont elle dispose. . ."

- "Ne nous laissons pas aller à l'impatience", cria le premier.

- "Attendons un peu les événements. Patientons que les "comparses" de foi pleurnichent des appels au Chef de groupe et à ses "suivants".

Tout cela constituait un phénomène nouveau et horri­ble. Je me serrai contre le cercueil dans le désir de m'y fondre et de m'enfuir avec le fardeau de la chair.

Mais je n'ai pas pu m'attarder davantage à regarder ces scènes atroces. Une force terrible m'attachait au cercueil qui était déposé dans le fond du tombeau. J'entendis le son de la dalle qui couvrait ma dépouille et celui des outils employés pour la fermeture du sépulcre. Prise d'horreur, je me sentis attachée aux viscères mortes, tout en étant vi­vante. Je criai désespérément, dans un état de terreur indi­cible et je perdis les sens.

Jusqu'à présent, je ne sais pas combien de temps je suis restée là, évanouie.

Je me suis réveillée lentement, la tête tout étourdie et m'attardant à recomposer des pensées qui semblaient éga­rées dans un brouillard épais. Le corps me faisait mal, se­coué de temps en temps par de terribles frissons. La douleur très aiguë dans le coeur tardait à m'écraser une fois pour toutes.

Je me suis rendu compte que, malgré mon corps mort et commençant à gonfler, en prenant un aspect horrible, je me sentais en un organisme jumeau de celui qui commen­çait à pourrir et en tout pareil à lui, y compris dans les vêtements.

Mais je ne me trouvais point assez calme pour pouvoir bien ranger mes pensées.

Je me suis, peu à peu, rappelée les derniers événements et, lorsque, en les révisant, je suis arrivée à la certitude de ce que je me trouvais dans le tombeau, je me mis à pleurer convulsivement.

L'INTERVENTION DE LIEBE

Des odeurs nauséabondes fort désagréables envahis­saient mes narines et me donnaient la nausée. Je constatais que mon corps devenait volumineux et commençait à se décomposer, tandis qu'un grand nombre de vers répu­gnants faisaient leur festin dans les chairs, parmi les habits humides et repoussants. C'était toute une pâte informe qui pourrissait. Des relents insupportables m'asphyxiaient sous la dalle de ciment que je cherchais en vain à soulever. Mes efforts s'avéraient inutiles et épuisants.

Devant la réalité de ma "mort", entourée de ténèbres épaisses, réalisant que mon corps se décomposait dans ce Cimetière, j'éprouvais une angoisse sans nom. Je ne réussissais à faire aucune conjecture ; je ne pouvais pas raisonner plus longuement ; je ne coordonnais plus mes idées ; tout se passait rapidement, cruellement, en fuyant et en revenant à ma mémoire en des remous successifs. Et, avant tout, j'avais besoin d'air, de lumière, de paix…

Les larmes qui semblaient sortir de mon coeur blessé et plein d'amertume me baignaient sans que je réussisse à nettoyer ma nouvelle forme, tout à fait identique à celle qui pourrissait lentement.

Je me tâtais et constatais la persistance du mal physi­que, bien que me trouvant détachée du corps. Je me sentais lourde, raisonnant avec difficulté, écrasée à l'intérieur du tombeau.

Dans un effort désespéré, j'essayai d'établir un bilan en réunissant tous les faits de ma vie jusqu'où je pouvais remonter, cherchant à oublier quelques instants la sensa­tion de douleur violente qui continuait à étrangler la zone cardiaque. Je me rappelai alors, tout émue, le besoin immé­diat de la prière. Oui, la prière serait pour moi la seule formule capable de me rendre la paix, la tranquillité. Je me souvins alors, du Seigneur Jésus, l'Ami des plus petits et le Compagnon constant des malheureux. Son image vic­torieuse, au-delà de la Croix, revint à ma mémoire, m'appor­tant un certain calme revigorant. D'abord vaguement, puis avec plus de netteté, le souvenir de "l'Agneau de Dieu" me fit oublier ma souffrance en la comparant à ses souffran­ces sur la Croix, par amour pour tous ces hommes ses com­pagnons ingrats ! Pour la première fois, ma fille, j'éprouvai une impression de tranquillité dans le fond du tombeau, près de ma dépouille charnelle.

Je me suis reconnue telle que je suis ingrate et égoïste, pauvre et sans valeur. Tandis que le Christ n'avait prononcé aucune plainte sous les souffrances atroces et les humilia­tions, moi, je me livrais à la désespérance et à la révolte. Son souvenir m'emplit l'esprit ; la prière claire et pure, im­prégnée de ferveur, sortit de mes lèvres, jaillissant de la source du coeur.

Oh! Qu’il est grand, après l'angoisse, le soulagement venant de la prière prononcée en toute confiance. Seuls pourront le savoir ceux qui, au dernier moment, se rendent à elle, pleins d'espoir, rompant les distances, lançant le grand pont entre le monde de douleur et le Royaume lointain des miséricordes divines.

Je n'avais pas encore terminé la prière, lorsqu'une voix douce et caressante parvint à mes oreilles, comme s'il s'agissait d'un rêve charmant. Cette voix emplit l'étrange espace d'une musicalité harmonieuse.

Où avais-je déjà entendu cette voix aux accents si agréa­bles ? me demandais-je. Après un petit effort, j'identifiai dans le fin fond de moi-même l'âme de la messagère qui me visitait. C'était la soeur Liebe, sans doute. C'était cet ange qui, tant de fois, pendant le Culte de nos prières dans le foyer domestique, nous avait invités à suivre le Maître, en nous encourageant à l'aimer au-dessus de toutes les choses de la terre. La même candeur que jadis, la même tendresse, le même amour ; un message du Ciel à l'abîme de mon indi­gence et de mon agonie !

- Je suis ta soeur Liebe qui vient des zones claires de la "mort" vers ton coeur enveloppé des ténèbres qui entou­rent les cendres de la "vie". Je t'apporte le rafraîchissement et l'espoir au nom de Celui qui est Lui-même, Miséricorde et Consolation. Avant tout, garde le silence sur des sujets inopportuns et sur les désirs désordonnés, et rends-toi aux sages directives qui dépassent momentanément, ta compréhension. Confie-toi seulement; par dessus notre entendement, la Loi, tout en suivant sa ligne, nous oblige à la respecter.

Je l'entendais parler, en proie à un grand émerveillement mais je ne pouvais pas voir son image amie. Je ne pus résister aux questions qui bouillonnaient dans mon cerveau brûlant, désireuse de profiter au maximum du bonheur offert par cette occasion :

- Que faire, ma soeur chérie, dans des circonstances aussi tragiques ? Comment sortir d'ici ?...

- J'ai été auprès de toi tout le temps, depuis l'instant où tes angoisses ont commencé, répondit-elle avec bonté. Toutefois, tu t'attachais davantage à la plainte sans effet qu'à la foi, en gaspillant le trésor précieux de confiance et de patience. Lorsque, finalement, tu as décidé de chercher la Source Vivante, par la prière efficace, tu as rompu les me­nottes qui retenaient ton esprit dans l'océan physique; tu sortis alors d'un faisceau de vibrations pénibles. Souviens-toi, cependant, que le chemin à suivre sera très long. Il te faut ne pas oublier ce qu'a dit le Maître, selon les notes de Marc[2], au sujet de la prière. Tu sais qu'au moyen de cette dernière, l'âme qui aspire au Ciel s'imprègne de paix consolatrice et réunit des forces pour le chemin ascendant. Tant que nous sommes sur terre, nous nous égarons, invariablement, dans le domaine des paroles et des formules sans véritable expression, en laissant de côté, dans le culte de la prière, le sentiment véritable et l'examen de cons­cience. Libérés de la chair, nous nous rendons compte que l'élan vers Dieu élargit nos horizons spirituels, favorise les échanges qui nous font baigner dans les eaux claires de la Miséricorde Divine. En priant, ne te plains pas, ne fais point de reproches ; n'émets pas d'opinions inconsidérées, ne présente pas tes nécessités... Le Seigneur qui nous connaît tous, sait aussi nos besoins et y pourvoira sans aucun doute. Ouvre-lui le coeur avec amour et parle-lui, pleine de piété et d'espoir. En mettant ton âme dans chaque phrase, rappelle la prière du dimanche[3] que le Seigneur Lui-mê­me nous a offerte comme legs de son amour ; aie confiance dans l'assistance pleine de charité qui viendra bientôt à ton secours.

La voix si aimable s'étant tue, je cherchai à reprendre courage et, comme si je retournais à la maison maternelle, je me revis toute petite et pauvre, sous les habits de la simplicité, près du sein protecteur de ma mère, les mains unies, dans la nuit froide, répétant avec elle le "Notre-Pè­re". L'image fixée dans la pensée, avec toute la piété et tout le recueillement dont j'étais capable, je cherchai en ce mo­ment singulier à répéter les paroles émouvantes et claires.

Les mots imprégnés d'émotion me mouillaient les yeux. Les larmes n'avaient plus alors le même goût d'agonie et de révolte. Pourtant, les douleurs continuaient encore, mais j'éprouvais peu à peu de la tranquillité dans mon âme.

Je suis restée les yeux fermés, à genoux comme jadis, en priant longuement, oubliant à la fin le coin infect où je me trouvais.

En ouvrant les paupières, je vis une clarté délicate qui s'étendait un peu partout, autour de moi; j'aperçus alors le visage souriant et délicat de soeur Liebe, auréolé de fins rayons dorés. Elle alla se dessinant de plus en plus clairement ; enfin, elle paraissait, magnifique, devant mes yeux. De sa poitrine partaient des rayons de lumière qui péné­traient en moi, me baignant tout entière. Une vigueur inconnue m'emplit alors, puissante, en me ranimant bientôt fortement.

Elle me dit, d'un accent plein de confiance, en me re­gardant d'un air bienveillant :

- N'aie pas peur. Viens! Sortons d'ici.

HORS DE LA TOMBE

Appuyée sur la main blanche de soeur Liebe, j'eus l'im­pression que la dalle de ciment que j'avais vainement essayé de soulever, à la recherche de la liberté, de l'air et de la lumière, présentait des possibilités d'être franchie. Sans presque m'en apercevoir, je traversai avec soeur Liebe l'obstacle qui m'avait fait tant souffrir auparavant et bientôt j'aspirai à pleins poumons l'air de la Maison des Morts, mélangé aux senteurs des fleurs épanouies ou fanées.

La nuit tranquille et le ciel brodé d'étoiles offraient un espoir accueillant à mon esprit affligé. Les astres semblaient plutôt des bijoux enchâssés dans un manteau de velours ; semblant faire signe de loin, ils traduisaient de leur éclat de silencieux messages de paix. La lune commençait sa tra­versée de l'Infini ; elle se couvrait de voiles de nuages blancs, comme une promise joyeuse au moment de la noce. Elle était sûrement la fiancée du matin qui s'avançait dans la lumière.

Mes oreilles spirituelles entendirent les coups de minuit ! Un vent froid soufflait et faisait plier les cyprès som­bres baignés de clair de lune.

Les anges de pierre, solitaires sur les mausolées, se confondaient avec les couronnes de métal tentant d'immor­taliser les fleurs naturelles, celles-ci prenaient des apparen­ces différentes dans le clair-obscur du cimetière.

Je me trouvais encore tout émue par la beauté de la nuit argentée lorsque soeur Liebe me rappela l'Evangile en ce qui se rapporte à la prière et à la vigilance, indispensa­bles pour éviter de plonger dans la tentation[4].

Je me mettais à réfléchir, essayant de reprendre mon équilibre intérieur ; comme ma vision s'élargissait, je remar­quai que des foules se promenaient parmi les tombeaux, for­mant des groupes variés qui se confondaient dans des ba­vardages...

Quelques-uns, l'air moqueur, passaient en riant fort et en jetant des regards haineux, en même temps qu'ils pro­nonçaient des expressions vulgaires, pleines de raillerie et de colère. Ils avaient des mines effroyables, ridicules, diffor­mes ; ils surgissaient tout d'un coup dans des attitudes affreuses, puis tout de suite, disparaissaient dans l'obscurité des mausolées. D'autres se tenaient à genoux, recueillis se­lon les usages de leurs religions, baignés de larmes, dans des prières désespérées. Au fur et à mesure que ma vision s'agrandissait, je remarquais d'autres scènes différentes qui se multipliaient ; le nombre des visiteurs augmentait consi­dérablement.

- Regardez le mausolée à côté, me dit soeur Liebe avec simplicité.

Je vis une vieille dame aux cheveux blancs et vénéra­bles, à genoux auprès d'une croix tordue par les années ; elle priait en proie à l'émotion et à la tendresse. De ses lèvres, couronnant le bruissement de la prière, des scintillements lumineux descendaient sur la dalle du tombeau. Modestement habillée, elle laissait cependant deviner au premier regard, la hiérarchie spirituelle élevée à laquelle elle appar­tenait.

Touchée par la beauté de cette personne âgée, je fus naturellement désireuse de connaître l'origine d'une si no­ble personne. Avant que je ne pose la question, l'amie spiri­tuelle m'indiqua :

Il s'agit d'une mère dévouée qui cherche à aider sa fille, restée attachée aux souvenirs de la Terre, après cinq ans de désincarnation, et longtemps entourée d'esprits malheureux auxquels elle avait refusé la possibilité de re­naître alors qu'elle se trouvait dans la chair. Elle subit à présent les funestes conséquences de ses actes.

Etant sortie des zones de redressement spirituel, conti­nue soeur Liebe, en renaissant, elle avait pris l'engagement de recevoir dans ses bras, à travers la maternité, quatre adversaires de jadis, avec lesquels elle devait renouer les liens de l'amour.

Etant de classe moyenne, elle s'était mariée avec un ancien compagnon dont les ressources n'étaient constituées que de qualités morales ; dans les affaires, il n'était qu'un petit employé de commerce sans grand avenir.

Elevée selon les règles terre à terre de la planète, malgré les efforts et les exemples de sa mère, elle avait préféré, tout de suite après le mariage, les jeux trompeurs des illu­sions au détriment des responsabilités sacrées de la famille.

Invoquant les difficultés d'argent, elle n'avait accepté d'avoir qu'un seul enfant qui faisait tout son bonheur plein de vanité ; en conséquence, elle fermait les portes de la nais­sance à d'autres êtres qui en avaient besoin. Plusieurs fois elle avait été invitée à être mère, mais elle s'y opposait, malgré les conseils de sa maman encore incarnée en ce moment-là. Des conseils, des remontrances et des appels ne changè­rent point son attitude intérieure. A deux reprises, elle se sentit visitée par la présence du fœtus ; révoltée, elle l'expulsa à l'aide de drogues qui la minèrent jour après jour, par une maladie inconnue et persistante de l'utérus.

Sa mère dévouée, à ses côtés, déploya efforts et fati­gues, en l'assistant de sa tendresse et de la prière silencieu­se, offrant des énergies réparatrices à son corps affaibli.

Aussitôt qu'elle se sentit apparemment rétablie, l'infan­ticide reprit ses habitudes opposées à son équilibre.

Alors, sa maman, affaiblie à son tour par les longues nuits sans sommeil vécues au milieu des tâches qu'elle ne pouvait pas assurer, quitta son corps terrassé de soucis et de larmes.

Douze mois ne s'étaient pas encore écoulés après le crime affreux de l'avortement, poursuivit la gentille soeur Liebe avec un nouvel accent à la voix émue, que la jeune femme se sentit encore une fois enceinte ; dès qu'elle aper­çut la présence de la vie en elle, elle se laissa aller à une violente colère et employa tous les moyens pour se débarras­ser de l'intrus.

Sa mère, désincarnée, bénéficiant d'une belle élévation spirituelle, intervint auprès d'Amis Spirituels et obtint le bonheur de parler à sa fille, en rêve, sur les responsabilités sacrées de la femme. Elle supplia sa fille d'accepter le devoir de sa vie. Devant ces remontrances pleines de ten­dresse, la jeune femme s'engagea à marcher dans la bonne voie, sans, cependant le jurer. Le matin, au réveil, bien que gardant les impressions reçues dans le subconscient, elle revint aux idées habituelles, cherchant affolée, le concours d'une malheureuse femme, vouée au crime de l'avortement.

L'acte macabre perpétré, elle revint chez elle et reprit sa place dans le monde vertigineux des apparences.

Elle sentit que son entreprise avait fait faillite, alors que, pour la troisième fois, l'Esprit rejeté violemment, re­vint adhérer psychiquement aux parois de l'utérus, provoquant des hémorragies violentes que l'on ne réussit pas à étancher, en dépit d'une intervention chirurgicale immédiate.

Puissamment attachée à son corps matériel, elle le reste jusqu'à présent, sous l'étreinte de l'Esprit vengeur implaca­ble, persécutée par les autres malfaiteurs spirituels auxquels elle a essayé en vain d'échapper, leur fermant l'accès aux possibilités de réhabilitation dans la chair.

- Et quand pourra-t-elle être libérée demandai-je, inquiète.

- Seul Dieu le sait ! répondit Liebe tristement. Il faut considérer, ajouta-t-elle, que la pauvrette disposa de huit années, assurée par le mariage et soutenue avec sûreté par sa tendre mère qui lui donna infiniment de conseils. Maintenant le temps répondra de l'affaire.

Avant que la sœur amie n'eût épuisé le sujet, je deman­dai, en pensant à moi-même

- La prière de la mère dévouée pourra-t-elle lui appor­ter des soulagements quand le temps lui aura permis d'atté­nuer le désespoir dans lequel elle s'est jetée de sa faute ?

- Naturellement, assura-t-elle, pleine de bonté. La prière, en toute circonstance, constitue un rafraîchissement et un baume. Elle n'éprouvera point la sensation de la prière la libérant de la souffrance, ce qui serait contraire à la Loi ; néanmoins ; elle éprouvera un répit intérieur, se souvenant de la faillite à ses devoirs, du foyer démantelé par sa faute ; par ces réflexions et les larmes, elle s'achemi­nera lentement vers l'avenir. Elle accueillera l'espoir en elle-même et réagira contre la haine qui la consume sous les griffes du désespoir.

Profondément émue, j'essayai de prononcer une prière intercessoire, en m'oubliant moi-même, comme j'en avais pris l'habitude dans le passé, dans le Cercle où avaient lieu nos échanges médiumniques avec l'Au-delà. J'ai pu consta­ter en moi combien la prière constitue une source de béné­dictions à notre portée, mais que nous ne savons pas tou­jours bien utiliser.

En me tirant de ces réflexions, soeur Liebe m'invita à sortir du Cimetière, m'entourant de son bras avec une gran­de tendresse.

AU BORD DE LA MER

En peu de mots, soeur Liebe me parla du besoin de rapports plus importants avec les fluides de la Nature, afin d'aider à mon rétablissement. Comme je me trouvais affai­blie, mon déplacement jusqu'à la plage la plus proche fut effectué sous sommeil magnétique.

Elle me toucha légèrement les tempes et j'éprouvai l'agréable sensation d'un sommeil impérieux qui me maî­trisa.

Je me suis réveillée au bord de la mer, dans un coin adorable de la côte, bordé de cocotiers argentés par le clair de la pleine lune. Les flots tout proches s'ouvraient en dentelle d'écume blanche qui s'étendait rapidement sur le sable clair et brillant, dans un rythme fort et incessant.

On n'entendait d'autres voix que le chant du vent et le bruit des vagues.

Une petite herbe verte formait un ourlet à la plage comme un tapis moelleux qui invitait au repos. Le paysa­ge constituait, dans sa beauté sauvage, un appel impérieux à la prière et à la paix.

Je respirai l'air pur de la nuit, prise d'une émotion croissante. Le parfum des fleurs sauvages se mélangeait à l'odeur agréable des algues marines. J'absorbais ces dons sublimes de la Nature qui apportaient de façon singulière un bien-être à mon corps spirituel affaibli.

Sœur Liebe, tout heureuse grâce à la poésie de la nuit, attira mon attention vers les beautés du paysage plein de vitalité et de joie.

Nous nous trouvions à quelques mètres des sables de la plage, sur une petite élévation du terrain à végétation luxuriante, près d’un vieux bâtiment de pierres, construit jadis par les colonisateurs du pays.

Le clair de lune dessinait des images bizarres entre les colonnes et les arcades ; à travers les fentes de la bâtisse disloquée, la nuit murmurait des plaintes et des regrets que lui donnait la voix particulière du vent.

L’amie spirituelle, montrant les ruines, commença ainsi une édifiante conversation :

« Voilà un exemple frappant du vide de la physique : la décadence succédant à la splendeur, puis la gloire suivie de la ruine et de l’oubli. Jadis, ces salons réduits à présent à de simples décombres, était habillés de luxe et de lumière, tandis que la hutte des esclaves restait oubliée dans les ténèbres et dans la douleur. Le temps s’écoulant, les grandes liesses chez les seigneurs, les esclaves et leurs douleurs, tout n’est plus qu’un amoncellement de ruines recouvert par les herbes. Du bâtiment seigneurial et de ses propriétaires restent seuls vivants les récits de la tradition orale et les murs écroulés. »

Puis, après une légère pause :

« Dans la vie physique, le phénomène que nous sommes en train d’analyser est de même pour tous : berceau et tombeau, sont les portes de l’existence ; enfance et vieillesse sont les gares d’arrivée et de départ ; jeunesse et maturité sont les temps d’apprentissage dans le domaine de la sensibilité ; début et fin du voyage, occasions et recherche pour les mettre à profit dans le jeu illusoire du corps ; il y en a peu, vraiment qui se décident à profiter des chances dont ils disposent.

Quelques-uns ont bien l’air victorieux vu du dehors, mais ne sont, en effet, qu’esclaves au-dedans. Ce sont ceux qui croient au pouvoir temporel. D’autres abandonnent l’effort salvateur ; ils iront se réveiller dans le silence affreux de l’inutilité dans laquelle ils sont passés maîtres. On compte à peine quelques-uns qui réussissent vraiment ; ils ont su mettre en œuvre les biens de la terre, dont ils disposaient, pour élever le bâtiment du bonheur dans l’au-delà. »

Et, dans le but, peut-être, d’élargir la dissertation très à propos, elle poursuit d’une voix posée et nette :

« Tant que nous n’accorderons d’autre valeur qu’à celle de la vie physique, nous demeurerons la proie facile du malheur ; il nous harcèlera impitoyablement du fouet provenant des actions inconsidérées. La vie dans la chair constitue un patrimoine sans aucun mérite ici ; elle n’est qu’une concession pleine de miséricorde pour nous permettre l’accès à l’apprentissage et à la liberté. Tout notre effort doit miser sur la réussite des buts essentiels de notre programme de réincarnation.

L’âme plonge dans la chair, pleine de bonnes intentions ; elle aspire à reprendre le temps perdu. Toutefois, la bonne intention et la simple aspiration n’engendrent pas le bonheur de façon décisive. Il faut absolument une action précise dans le domaine du bien général. Pourtant, ce qui se passe de plus souvent, c’est que l’immersion dans un corps de chair provoque un engourdissement de la mémoire qui fait oublier la voie vers laquelle se dirigeait l’esprit, et ce dernier retrouve ses habitudes ancestrales du plaisir, de l’envie et du crime. Le filet dangereux de l’illusion entraîne chaque jour des foules étourdies qui sombrent dans l’erreur, ajournant ainsi pour un espace de temps indéfinissable la montée vers des stades plus élevés… »

Je ne pouvais pas ne pas réfléchir en profondeur. Je comprenais, assez tard il est vrai, les lumières innombrables que le Spiritisme nous propose et dont je n’avais pas su profiter. Je revoyais par la pensée, la table simple de nos séances de médiumnité, sur laquelle j’avais tant de fois appuyées les mains à la recherche de l’aide des Esprits. Je me souvenais des avertissements et des enseignements, des conseils et des directives entendues ; l’invitation au travail et la prière, l’appel à la vigilance, à l’aide au prochain, constituaient la partie la plus importante. Je ne réussissais pas à arrêter les larmes qui sillonnaient mon visage. En souvenir, je revis le cortège de tant de Bienfaiteurs Anonymes, généreux et bienveillant qui tant de fois et avec tant de tendresse, m’avaient conseillée avec des expressions de bonté et de zèle. Je constatais, en proie à la terreur, combien j’avais négligé le champ du Seigneur. Mais Jésus ne veut point la mort du pécheur, mais celle du péché. Perdre courage en ce moment serait faire marche arrière. L'apprenti de l'Evangile ne dispose pas de temps mental à consacrer à la peur ou au doute. Ne te plains point!

Le Christ, sur notre chemin, constitue une occasion tou­jours nouvelle de recommencement. Si tu trouves que tu n'as pas bien profité du temps dont tu disposais hier, souviens-toi de ce que l'avenir appartient à ton âme.

Appuie ton esprit sur la foi et reprends courage, car tu auras beaucoup à faire.

Réjouis-toi dans le Seigneur qui ne nous abandonne jamais et, sans plus de retard, essaie de travailler. Jésus attend beaucoup de nous. Nos frères et soeurs souffrent et pleurent en tous endroits du monde attendant du secours au nom du Ciel. Nous n'avons pas de temps à gaspiller. Le passé peut se dresser plein de ténèbres, mais, l'avenir cons­titue une lumière nouvelle qui efface les ténèbres. Lève-toi et n'aie pas peur!

Devant de tels encouragements, un nouveau souffle m'emplit entièrement et me réconforta.

Après une pause et en modifiant l'intonation de sa voix, Liebe montra les flots et poursuivit :

« La mer constitue une source d'énergie et de vitalité. Jusqu'à présent, l'homme n'a pas su comprendre effectivement les qualités magnétiques de l'Océan. Laboratoire de forces vitales, dépositaire de civilisations glorieuses et an­ciennes, sanctuaire de millions d'espèces vivantes, c'est un monde inexploré, pas encore conquis.

Avec Albert ler, Prince de Monaco, ont commencé les premiers travaux scientifiques, on mesura la profondeur des eaux, on en fit connaître les accidents, on en examina la flore et la faune. L'Océanographie moderne, cependant, avec les ressources techniques dont elle dispose, pourra en­treprendre des découvertes de grande valeur dans le sein grandiose des eaux. Bien que beaucoup d'études aient déjà été entreprises sur la vie sous-marine, il y a encore énormé­ment à exploiter dans le domaine du flux et du reflux des marées et tout leur potentiel d'énergie pure qui apporte tant de bénéfices à la structure physico-pychique de l'animal et de l'homme. »

Et, comme si elle cherchait tout autour des ressources qui m'étaient inconnues, elle conclut :

« Des foules de désincarnés dans les villes proches sont amenés ici pour entreprendre leur rétablissement indispensable. D'autre part, des rencontres spirituelles d'or­dre supérieur, entre les habitants des deux côtes de la vie, ont lieu ici lorsque le sommeil s'empare des corps fatigués des labeurs humains. Des Bienfaiteurs zélés de notre monde spirituel conduisent les Esprits fatigués et défail­lants sur des zones semblables à celle-ci, tout le long de la côte pour que l'air pur rende à leur périsprit les fonctions momentanément traumatisées par le choc de la désincar­nation. »

J'étais charmée, au sens étymologique du terme. Lorsque je me trouvais incarnée, la mer m'attirait de façon inexplicable, à cause, peut-être, de la profondeur des eaux. A présent, avec les éclaircissements de la soeur dévouée, je commençais à en estimer les valeurs réelles et à apprécier les beautés que je n'avais pas aperçues auparavant.

Dans le lointain, derrière les cocotiers, l'aube ébauchait des gerbes de lumière. Une brise plus fraîche soufflait légè­rement, fouettant les vagues qui se brisaient plus loin.

Tout en me caressant, la Bienfaitrice m'invita au repos. D'après ce que disait soeur Liebe, quatorze jours s'étaient écoulés depuis ma désincarnation.

Malgré tout le charme du paysage et celui des paroles de l'infirmière éclairée, la sensation de douleur physique continuait, bien que moins perçante.

La période de repos écoulée, je serais admise dans une Colonie d'Assistance près de la surface de la Terre où je recevrais des soins et pour y reprendre de l'énergie. Je pourrais alors, aborder la réalité du monde spirituel où je n'étais, jusqu'à présent, qu'en train d'esquisser les premiers pas vacillants.

A demi couchées sur un massif d'herbes, nous recevions sur nos visages la brise agréable du petit matin. Une sorte de torpeur douce m'enveloppa lentement. Je m'endormis.

FRATERNITÉ — DON DE DIEU
LOI UNIVERSELLE

Le soleil était déjà haut dans le ciel, les passereaux inquiets, de leurs petites gorges lui adressaient des louanges chantées ; je me réveillai alors. Bien que me sentant plus forte, j'éprouvais encore de la souffrance dans la poitrine, ma respiration restait difficile et je conservais le regret cui­sant de ceux que je laissais derrière moi. Devant le paysage illuminé, les souvenirs se faisaient plus nets dans l'âme mais tout en cherchant à oublier, je ne réussissais point à échap­per à la sensation de distance, je me débattais encore men­talement dans le désarroi.

Ayant compris mon inquiétude, l'infatigable soeur Liebe chercha à me calmer :

« Dans quelques instants nous allons rencontrer des compagnons du cercle fraternel. Il faut ne pas oublier que les problèmes affectifs provoquent des déséquilibres psy­chiques très préjudiciables à la stabilité de l'âme. Pour l'instant, tu dois t'efforcer de réussir totalement ta libéra­tion de ce qui est resté sur terre.

Nous allons revoir des amis, mais tu n'entendras point leur voix, comme jadis. Tu seras sensible à leur pensée parce que dans une heure ils seront réunis pour le Culte de la Bonne Nouvelle. Comme tu le sais bien, ils se groupent aujourd'hui sous la conduite de l'esprit Auta de Souza pour étudier et discuter le programme d'assistance auquel ils se consacrent tous. Nous sommes le premier dimanche de l'Année Nouvelle. »

Ah! Ma fille. La mort apporte un pouvoir étrange. Quand Liebe prononça le nom de Auta de Souza, je me rendis, comme par miracle, à nos réunions du dimanche d'autrefois. L'angoisse qui me guettait, se remit à me trou­bler, en me faisant brûler le cerveau, assoiffée de nouvelles.

Malgré cela, je cherchai à trouver des forces dans mon âme un peu plus raffermie, tandis que Liebe suggéra :

« Je vais cueillir quelques fleurs sur cette verte colli­ne et nous les porterons à nos frères et soeurs, comme un symbole de la pureté de nos sentiments. »

Elle s'approcha de quelques plantes délaissées et prit quelques boutons déjà parfumés.

Conduite en sommeil magnétique sur le parcours jusqu'au centre de nos prières collectives, lorsque je rouvris les yeux, je remarquai, en proie à une grande surprise, la présence d'un jeune Esprit qui s'approcha en souriant, comme une amie dévouée. J'essayai de me rappeler qui elle pourrait bien être ; mais avant d'y réussir, je l'entendis me dire :

« Je suis Auta de Souza, la pauvre cigale potiguar[5]. Déçue ? » demanda-t-elle avec candeur et bonne humeur.

Je n'ai pas réussi à répondre. La voix resta étranglée dans ma gorge. Les larmes "les amies de ceux qui aiment et qui souffrent" jaillirent abondamment. J'éprouvai les vibrations d'amour et de tendresse de Auta de Souza et, lorsqu'elle me serra dans ses bras, j'eus l'impression de retourner au sein maternel. L'émotion me secouait et j'étais impuissante à la maîtriser.

« Courage, soeur chérie. » m'avertit, pleine de bonté, la charmante apôtre de la Charité. "Ta visite est attendue avec une grande joie. J'accom­pagne ton rétablissement et je suis au courant de tes surprises et de tes progrès dans la voie nouvelle.

Dans quelques instantes la réunion va commencer. Ils sont en train de se préparer à la prière d'ouverture. Ils se rendent compte de notre présence et, par intuition, grâce aux voies médiumniques, ils suivent tes progrès sur les che­mins de la liberté".

Lorsque le silence emplit la pièce, j'aperçus une pluie argentée qui tombait abondamment ; elle éclairait la salle. J'identifiai immédiatement, le Cénacle de notre maison de prières. Je revis les frères et les soeurs de jadis, les yeux baissés, l'attitude pleine de respect, tandis qu'ils cherchaient les rapports avec l'Au-delà. Auta de Souza, à côté du mé­dium, l'inspirait puissamment.

Soeur Liebe murmura :

« Ils sont en train de prier ; aidons-les. Unissons-nous dans une seule pensée vers le Seigneur Jésus, le Bienfaiteur Excellent. »

Des émotions inconnues et des vibrations jamais éprou­vées auparavant s'emparèrent de mon âme, la faisant baigner dans une profonde sensation de paix. Une mélodie douce, chantée par des voix enfantines, remplissait l'air d'une vi­bration musicale suave. Je me serais volontiers laissée entraîner longuement dans cet infini de bénédictions, mais soeur Liebe intervint :

« Il faut profiter de ce moment. Les compagnons incarnés, savent que tu es présente. »

J'ai pu voir alors nettement la salle. Des nuages clairs semblaient flotter dans la pièce.

Je t'ai alors revue, ma fille chérie, auréolée de douleur. J'aperçus le vieux mari, compagnon de tant d'années en proie à une émotion croissante et nos frères et soeurs dans la Croyance Spirite, à tes côtés, te soutenant dans ta douleur pleine de regret ; cela face au bonheur que j'éprouvais, par la joie que procure la constatation d'une vie pleine au-delà de la mort. Auta de Souza m'informa pleine de sollicitude :

« Fraternité, don de Dieu ! Tant que les hommes iront à la recherche de l'amour pur enseigné par le Maître des maîtres, la fraternité qui les réunit leur apprendra les leçons édifiantes du secours et du bien. La Foi, ma chère amie, poursuivit-elle, veut dire : conquête accomplie par l'esprit. La Foi spirite représente la conquête de l'âme dans les domaines de l'évolution. La Foi due au Spiritisme impose le besoin de la connaissance de soi-même et offre les moyens pour que l'homme réussisse son auto-discernement, son auto-contrôle, son auto-connais­sance afin que, sûr de lui-même, il avance plein d'entrain sur la voie de l'évolution. C'est pour cela que la Foi Spirite est consolatrice.

Souvenons-nous que le premier nom du Spiritisme vient de Jésus-Christ; le Consolateur. C'est la doctrine de Jésus, en Esprit et Vérité.

Pour cette raison, là où il y aura un Foyer Spirite, là seront le baume, la consolation. Si consolation il y a, il y a tout : charité, éclaircissement, force, directive, parce que la consolation naît non pas seulement du pain, mais surtout de la Connaissance.

Parmi la foule de ceux qui se posent toujours des ques­tions, le spirite est le seul visité par la sérénité. Ses interro­gations sont posées sans souffrance intérieure parce qu'il possède déjà son bonheur intérieur. Il pose des questions avec sérénité parce qu'il sait que personne n'a été créé pour la tristesse. »

J'étais émerveillée. Je me rendis compte que, bien que désincarnée, je ne me trouvais point oubliée. En voyant la confiance assurée sur les visages, j'y discernais également les marques du regret et de la douleur, mais soutenue par les dons consolateurs de l'espoir issus de la foi. Je ne m'étais point encore remise des joies éprouvées qu'aussitôt, soeur Liebe, serviable et attentive, me dit de mettre sur la table notre botte de fleurs sauvages.

Appuyée sur les deux bienfaitrices, je m'approchai, vacillant un peu, de la table sur laquelle tant de mains se posaient au moment de communion avec le Seigneur, lorsque notre cher Marcos, ébahi par la surprise, me vit. Nos regards se croisèrent, rapides, mais chargés de sens.

Oh! Ma fille. Je ne saurais pas exprimer le plaisir inten­se de cet instant-là. Ce moment inoubliable devint un point de repère dans mon pèlerinage au royaume nouveau de la vie impérissable

Je sentis l'émotion du médium, éprouvant, moi aussi une émotion profonde. Je déposai le "bouquet" improvisé sur la nappe simple et, lorsque je me retournai, j'entendis prononcer par la petite mère spirituelle de notre organisa­tion de secours :

« La joie est un fortifiant de l'âme. Remercions le Donateur Céleste de ce moment-ci, et engageons-nous à Le servir sans cesse. »

Toujours aidée par elles, les amies m'emmenèrent jusqu'à une chaise d'où je suivis la brève réunion.

AU CÉNACLE

Peu à peu, je réussissais à distinguer, à travers le rideau diaphane et argenté, les visages chéris des êtres inoublia­bles. Des tonalités tendres enveloppaient tout, habillant notre salle de prières des teintes miraculeuses des grands paysages visibles uniquement dans le "Manoir du Roi".

Je me laissais bercer par la douceur de ce moment. Jusqu'alors, je n'aurais jamais imaginé un enchantement pareil.

Les enseignements de la Doctrine Consolatrice qui, sur terre, m'avaient servi de guide ces dernières années, m'arri­vaient à mon cerveau troublé par tant d'événements; ils me semblaient la voie unique et véritable vers le bonheur, car seul, ce Message sublime indique au voyageur égaré le vrai chemin vers l'Immortalité.

Combien trop peu m'étais-je arrêtée pour songer à l'excellence de la Croyance épousée ! Initiée au Romantisme, je m'étais habituée à ne voir dans la religion qu'un champ de sollicitations de tout ordre, moyennant des promesses matérielles ; je m'étais fourvoyée invariablement dans les méandres de la révolte et de l'inquiétude. Dépourvue de la connaissance de la vie spirituelle, peu encline, de plus, à la confession de bouche à oreille, je vivais en ignorant les pro­blèmes de l'âme. Avec les premières lumières projetées dans mon cerveau par le Spiritisme, ce phare béni, un nouveau monde m'est apparu, séduisant et merveilleux, que mainte­nant, je pouvais constater moi-même.

Toutefois, en tant qu'incarnée, je ne supposais pas le monde de l'esprit être quelque chose d'aussi vivant — bien que très différent de ce que nous nommons "concret" sur terre — comme celui qui surgissait autour de moi à chaque instant. N'ayant que trop peu accédé au bonheur des lumiè­res intellectuelles, sans le concours de soeur Liebe, je n'au­rais même pas réussi à t'écrire ces pages-ci ; absorbée par le travail matériel, je n'avais point pénétré suffisamment les leçons pleines de sagesse d'André Luiz lorsque je les avais lues, étant encore dans la chair[6].

Cependant, soutenue que j'étais par l'immense envie de marcher tout droit vers le Bien, j'ai conservé en mémoire bien des questions et des angoisses, des notes et des faits racontés par ce travailleur infatigable ; tout cela, mainte­nant, devenait d'un grand profit pour moi.

Tandis que ces pensées me visitaient, élargissant les horizons de mon âme, la réunion des compagnons d'activi­tés sous les bénédictions du Seigneur et sous la tendresse de Auta de Souza, touchait à sa fin.

Soeur Liebe, qui suivait ma pensée d'un sourire bienveillant, murmura : "Ecoutons le message de notre généreuse Orienta­trice".

J'observai que la Bienfaitrice se plongeait dans une méditation profonde. Une clarté entre le vert et le violet enveloppait sa poitrine et sa tête en baignant de lumière le médium Marcos, enfermé en une concentration profonde.

Après quelques instants, comme obéissant à une force d'attraction sanctifiante, l'esprit du médium sembla s'écar­ter un peu de son corps, que l'Institutrice désincarnée commençait à occuper.

Je n'ai pas réussi à comprendre le mécanisme délicat de l'incorporation médiumnique, malgré le concours de la parole de soeur Liebe qui vint à mon secours.

Pendant ce temps-là l'esprit de l'Orientatrice dictait les instructions de la journée en traçant le programme de tra­vail et de secours aux moins favorisés.

Parmi les beaux concepts énoncés par cette Entité, des expressions d'éveil ont touché ma sensibilité.

« Dans notre activité de secours, ne permettons pas que les conventions sociales, ce terrible bourreau de la foi, pénètre les domaines des réalisations que nous nous propo­sons. Il étouffe l'idéal et il tue l'initiative. Derrière lui vien­nent les excès des préjugés sur Terre. Contre de telles exa­gérations, nous devons lever nos armes, tout en conservant la simplicité des attitudes et la spontanéité de l'action. Souvenons-nous du comportement de Jésus et de sa grandeur. Souvenons-nous de l'importance de ce que le Christ a refusé et non pas uniquement de ce qu'il a réalisé. Malgré les ressources dont il disposait, il a vécu dans la condition d'un très humble serviteur.

Rappelons ainsi, ce que nous sommes en train de créer et ce que nous refusons de faire. Refusons le mal, où qu'il se trouve et reduisons sa portée dans les coeurs! "

Au moment de la prière finale, tandis que notre Orien­tatrice s'adressait au Bienfaiteur Céleste, des pétales déli­cats, couleur rose-lumière, descendaient sur les locaux et, parfumés, pénétraient tous les présents du magnétisme de la paix et de l'espoir.

La réunion touchait à sa fin. Tous se levèrent. Nous, les récents désincarnées, nous sommes, pourtant, restés en proie aux effusions de la rencontre et du bonheur, tissant la couronne de la joie.

Les grandes émotions qui m'avaient secoué l'âme me laissèrent, de certaine manière, des marques douloureuses car je ne me trouvais pas tout à fait libérée des impressions physiques.

Soeur Liebe, très attentive, m'expliqua délicatement :

« Nous ne pouvons pas oublier que tu es venue il y a peu de temps du monde de la chair ; tu éprouves, par con­séquent, un grand besoin de repos et de médicaments spécifiques pour le véritable rétablissement et l'adaptation à la nouvelle vie. »

Et, avec un sourire plein de gentillesse qui reflétait sa bonté, elle accentua :

« Nous tous qui traversons l'océan physique, nous savons combien sont difficiles les premiers temps après le tombeau. L'habit de chair qui nous a enveloppés pendant de longues années continue à nous entraver, nous retenant dans le labyrinthe cruel des souvenirs et des sensations habituelles. »

Comme si elle se rapportait à son propre cas, après quelques instants, elle poursuivit d'un ton grave :

« La réincarnation constitue presque toujours un plongeon dans les eaux obscures et dangereuses de l'océan de l'oubli. La plupart des âmes retournent à la chair comme des criminels en exil, afin que, dans l'oubli, elles reconsi­dèrent les attitudes mesquines ou malheureuses et rectifient leur manière de penser en apprenant le respect de la vie au contact avec la souffrance.

Au retour à la Patrie aimée, lorsqu'elles retrouvent la lumière, elles s'angoissent et elles souffrent comme l'oiseau mis en cage pendant de longues années préfère la cage étroite à l'ampleur des espaces qui l'appellent, parce qu'il a perdu l'habitude de voler librement.

D'autres Esprits étant retournés à la vie sur la pla­nète, assoiffés de liberté et de conquêtes, s'embrouillent dans les difficultés du rétablissement ; ils s'attardent, après la rupture des liens, dans les angoisses et le désespoir pen­dant des années innombrables.

Seuls ceux qui ont grandi dans le Bien, dans des tra­vaux désintéressés, soumis ou persécutés, ayant éprouvé dans l'âme les arêtes cruelles des témoignages d'amour de la Verité, ceux-là seuls peuvent, à la ressemblance des roses, vaincre les épines qui les devancent et parfumer ensuite, l'air où elles s'épanouissent.

Cherchons donc son secours précieux, et maintenant, nous servant des Vibrations ambiantes, conduisons celle qui vient d'arriver à la nouvelle sphère d'activités où le devoir nous attend".

Tout en gardant maintenant le silence, l'infirmière pleine de sagesse m'inspirait par sa réflexion, un avertissement précieux non prononcé, mais qui toutefois, se trouvait être plein de signification. La vie, ma fille, n'est pas seulement une succession de joies, de larmes et de sourires, de prières et de remerciements continus. C'est un patrimoine riche et à notre portée en vue d'un travail conscient ayant comme objectif la connaissance de soi-même.

En m'entourant de leurs bras avec douceur, Auta de Souza et Liebe rompirent le cours de ma méditation et, sans plus de délai, elles, annoncèrent :

« Préparons-nous. C'est le moment du départ. »

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A L'HÔPITAL

Ma fille,

L'effort vers la spiritualité est pressant et urgent. Cette tâche importante doit commencer aussitôt que possible, selon l'enseignement du Seigneur: "Tant que l'on est sur la route", parmi les hommes.

Les conceptions fausses nous enchaînent à des souf­frances se prolongeant même indéfiniment après le moment où l'esprit quitte le fardeau de chair. Il est impérieux, d'éclairer les âmes, en surmontant les appels dangereux qui entravent la marche ascensionnelle et en enseignant à tous les hommes que le phénomène de la mort est inclus dans celui de la vie. De ce principe, il s'ensuit que chacun mènera la vie qu'il doit mener.

Le caractère de l'évolution spirituelle devient valable quand il va droit au délaissement des soins matériels par l'homme dès qu'il essaie ses premiers pas dans la voie de la liberté. Les biens terrestres ne sont que des emprunts de Dieu, pour le temps que l'homme doit passer dans son enveloppe de chair.

La Doctrine Spirite constitue un précieux trésor à la portée de tous ceux qui aspirent à des trésors éternels, mais elle est fort rarement mise à profit. Quand nous avons be­soin d'orientation, nous trouvons en elle des indicateurs lumineux qui balisent, comme des boussoles perpétuelles, le chemin de notre évolution. Il y a, pourtant, des gens imprévoyants et insensés qui s'attardent dans les rangs de la Doctrine Spirite, à l'affût du phénomène miraculeux comme si c'était son objet essentiel. Le phénomène, cepen­dant, est un simple cadre à la grande toile du réel et le cadre, on le sait, est secondaire. Le fondamental consiste dans le phénomène de notre transformation, en vivant tous les jours de l'existence ce Message Revivifié du Seigneur.

Entraîner l'esprit dans la simplicité est impérieux.

Transférer dans d'autres mains ce qui demeure enfer­mé dans les nôtres ; offrir à d'autres ce que nous retenons sans usage immédiat ; encourager la distribution d'utilités entre ceux qui ne possèdent rien, tout en communiquant de la vitalité aux objets morts enfouis dans les armoires et dans les tiroirs de notre maison, représente le culte de la simplicité et de la libération. C'est pour cela que la Doc­trine Spirite est appelée "Libération", parce que, jouant son rôle consolateur, elle rend l'être libre, elle l'aide à se trans­former lui-même : la libération intérieure l'affranchit de lui-même.

Lorsque nous nous attachons aux objets matériels et aux individus, nous faisons une dépense d'énergie qui amoindrit les ressources de croissance spirituelle, au préjudice de la concentration mentale qui constitue la raison primordiale de notre vouloir. Au contraire, la leçon la plus facile, et la plus belle, celle de la simplicité, amène à combattre la folie la plus profonde dont on puisse souffrir sur terre; la pas­sion de la chair, de cette chair qui va disparaître, alors que cette concentration d'affection devrait s'adresser à l'âme qui, elle, est éternelle.

Tous ceux qui s'attachent mentalement à la vie physi­que par la fixation mentale, s'asphyxient spirituellement ; ils restent liés au centre de concentration de ces énergies vitales.

Il nous arrive en partage, chaque jour, l'application de la leçon de l'Evangile concernant la généralisation du déta­chement qui nous pousse à laisser de côté nos propres be­soins afin de pourvoir aux besoins d'autrui ; ceux-ci consti­tuent, au fond, nos propres besoins.

Nous sommes, par conséquent, forcés de nous trans­former pour exister. La vie est renouvellement dans le sens le plus large.

Ce n'est pour aucune autre raison que le Sublime Prédicateur Itinérant de Galilée nous enseigna, s'appuyant sur le Décalogue, d'aimer le Père au-dessus de tout et le prochain comme soi-même", généralisant ainsi le dévouement parmi les créatures sans la primauté de l'individua­lité, sans privilège pour les liens de sang et de famille.

En entendant parler du départ, je ne réussis pas à retenir les larmes ; elles jaillirent encore une fois. Une peur subite me visita l'esprit sans doute provoqué par la mau­vaise formation mentale au sujet de la "mort". La mort doit devenir un sujet d'études approfondies dans les famil­les afin de préparer l'esprit à l'adaptation naturelle et rapide au climat de l'au-delà.

Ayant compris mon émoi, soeur Liebe m'invita avec énergie mais d'une voix douce, au sommeil magnétique.

Je ne saurais dire comment j'ai été conduite depuis notre Cénacle jusqu'au lit tiède où je m'éveillai.

Un silence éloquent régnait dans l'infirmerie qu'une douce brise emplissait d'un parfum de jasmin.

Je regardai et me rendis compte de ce que je n'étais pas la seule personne hébergée dans cet endroit de charité. D'autres Esprits portant les traces de désincarnation ré­cente, se reposaient au nombre d'environ une dizaine, dans une douce quiétude.

Comme les anciennes Maisons de Miséricorde fondées par Isabelle d'Aragon, elle présentait une irréprochable propreté ; de larges fenêtres, ouvertes dans les pans de murs d'une grande blancheur, étaient ornées de roses parfumées.

Je ne savais pas comment remercier de la faveur su­blime que Jésus m'accordait, malgré mes faibles mérites, quand une petite rumeur de voix proches changea le cours de mes observations.

C'étaient la soeur Liebe et une autre dame au sourire accueillant dont le visage rayonnant de bonté me toucha immédiatement le coeur. Je restai muette. J'éprouvais une sensation d'anémie profonde et de fatigue.

"Voici notre Zélia, expliqua-t-elle, l'orientatrice dévouée du foyer de récupération où nous nous trouvons".

Tout en me tendant sa main délicate, l'hôtesse indiqua sans affectation :

« Cette infirmerie fait partie de l'ensemble hospita­lier de la Colonie Rédemption que la bonté du Maître nous confia pour un travail édifiant et rénovateur. C'est un endroit d'aide fraternelle où des frères venus de la chair peuvent se reposer et former des projets pour l'avenir. En vérité, notre Colonie est une des innombrables cellules rattachées à "Nosso Lar" pour le secours aux incarnés. Sous son toit, nous avons le bonheur d'apprendre, en essayant de mieux servir. »

Et, après un sourire :

« J'ai en charge seulement cette partie de l'hôpital. »

Des vibrations de la plus pure cordialité venaient de Zélia dont la dignité et la simplicité me touchaient pro­fondément comme une promesse souriante.

Je voulus exprimer le contentement et la gratitude qui dominaient mon esprit mais avant que j'ébauche un seul geste ou que je prononce une seule parole, soeur Liebe s'empressa d'expliquer :

« Comme tu le sais, Otilia, d'autres devoirs m'atten­dent sur terre. Je ne pourrai pas rester longtemps à tes côtés. Zélia s'occupera de toi et pourvoira avec zèle à tous tes besoins. L'amour et la bonté des travailleurs de ce sanc­tuaire ne te feront pas défaut ; n'oublie pas, toutefois, de te garder des regrets ; laisse le temps, cet ami inlassable, résoudre les nombreux problèmes dont l'angoisse troublera ton cerveau en te rendant inquiète. »

Les larmes me reprirent.

Soeur Liebe, pleine de jeunesse, dévouée au Maître couronné d'épines, représentait pour moi la sécurité et la sérénité. Je me proposais de la prier de ne pas m'abandonner, lorsque, elle aussi en proie à un grand émoi, pénétra ma pensée avec toute la douceur et avec tout le calme de son regard, me dit, en s'efforçant de me rassurer un peu :

« Ma soeur, Jésus seul, est notre port, notre bateau, notre sécurité. Souviens-toi de ses leçons. "Tous ceux qui croient en moi sont déjà passés de la mort à la vie". Crois et attends.

Pour l'instant, nous ne pouvons pas rester ensemble ; nous ne serons pourtant pas éloignées l'une de l'autre. Rattachés au même Directeur, nos sommes en tant que sol­dats de la grande légion de l'amour, dans le champ d'action béni, sous son regard caressant. Nous resterons unies tant que le permettront les possibilités de travail ; je jouerai un rôle fraternel vis-à-vis de toi, en apportant de tes nouvelles et tes souvenirs aux amis qui continuent le labeur physique.

Je ne pouvais attendre rien de plus. »

La chère Bienfaitrice me dit au revoir en m'embrassant sur le font et, comme un rayon lumineux retournant au Grand Soleil, après avoir salué Zélia, elle s'en alla vers le devoir qui l'appelait ailleurs.

La gardienne de la maison essuya mes larmes et me dit, pleine de gentillesse :

« Moi aussi, quand je m'ouvris à la vie spirituelle, j'éprouvai des douleurs et des émois semblables ; cependant, avec les joies du travail, le temps sécha mes larmes et me parla, doucement, du besoin de rattraper les jours gas­pillés. J'ai, également, vécu parmi les enfants, pendant la vie physique, travaillant dans un Ensemble Kardeciste, à Rio de Janeiro. Nous avons, dans nos vies passées, beaucoup de points communs.

Pour l'instant, nous ne devons pas nous attarder à des souvenirs qui ne seraient pas profitables".

Et elle ajouta, toujours souriante :

« L'amour, quand il n'obéit pas à certaines contrain­tes, est plus dangereux qu'il puisse apparaître. Pour cette raison, cherche le repos, afin qu'il répare le plus tôt possi­ble les dégâts apportés par la crise de la mort.

Demain notre médecin viendra s'occuper de ton orga­nisation périspritale".

En me laissant plongée dans des pensées profondes, elle s'en alla avec un doux regard d'amitié.

RESIDENCE DE LA « COLONIE REDEMPTION »

Quelque peu reposée, je me livrai à pénétrer la multitu­de de pensées restées enfermées jusqu'alors en moi-même. Depuis le moment de la désincarnation, la peur et la dou­leur me visitaient avec insistance. Je me sentais presque heureuse, pourtant les impressions physiques ne m'avaient pas encore abandonnée, car je ressentais toujours les sen­sations éprouvées alors que j'étais encore habillée de chair.

Je constatais, en proie à une grande surprise, que le miracle que j'avais tant souhaité n'était que chimère. La désincarnation ne changeait point les caractères de l'être. Il n'y avait pas métamorphose immédiate entre l'homme et l'ange, pas plus qu'entre la chair brute et la phalène lumi­nescente des jardins du ciel.

La vie, je pouvais le constater maintenant, avait subi des changements non perceptibles pour l'instant. Sous mon corps, qui conservait des taches rougeâtres, se trouvait le lit en tout semblable à celui que j'avais connu auparavant. Sous mes yeux, la salle bien entretenue présentait en face ses larges fenêtres, où se trouvaient les roses qui devenaient plus pourpres sous l'effet d'un crépuscule doré. Et en moi-même, je continuais à constater, outre les émotions et les états d'esprit tels que l'angoisse et l'attente, la défaillance et la ferveur, l'impression de la faim, de la soif et d'autres phénomènes physiologiques.

J'essayai d'organiser mon panorama mental, en élimi­nant les idées et les énergies débiles, de manière à fortifier l'esprit pour le travail qui allait commencer.

Je découvrais partout la vie palpitante. Sans la fièvre propre aux grandes villes modernes, l'ambiance présentait un aspect d'activité disciplinée.

En me concentrant, il m'a été possible d'évoquer quel­ques faits épars ; quant au souvenir de mes derniers jours, je n'ai pas réussi à me dérober encore une fois, à la réalité du moment: c'était cela, la "mort". Non pas la mort carica­turée sous le symbole de la faux, mais en réalité la messa­gère infatigable dans le travail du réveil.

Comme cela m'était déjà arrivé dans le tombeau, je retournai, mentalement, à l'enfance. Je me souvenais alors du passé, d'après un processus spontané et je restai là, hé­bétée, examinant les milliers de comportements de toute une existence. Je constatai toute surprise et avec plus de précision, les appels du Ciel, dirigés vers mon coeur, au moyen de petites voix et d'événements apparemment insi­gnifiants.

Depuis le berceau jusqu'au tombeau, nous avançons sous la tutelle du Seigneur et l'assistance d'amis dévoués désincarnés qui ne défaillent pas dans leur devoir de nous guider dans la voie ascendante. Ici c'est l'inspiration élar­gissant les horizons de notre âme, nous plongeant dans une suite de questions passionnantes, soulevant des voiles, fai­sant la lumière sur des conflits, résolvant des problèmes, ou offrant des plans d'action. Là, c'est la Nature baignée de lumière : des ruisseaux, des rivières et des mers, des fleurs et des oiseaux, des arbres vétustes et des brins d'her­be, de petits animaux, des insectes qui prolifèrent partout, des levers de soleil et des crépuscules, du soleil et de la pluie, des minéraux d'intérêt différent que l'ambition hu­maine, fille de l'égoïsme et de l'orgueil, a qualifié de précieux ou de vulgaires, attisant le feu de la possession, feu épuisant et accablant.

Plus loin, c'est la douleur — messagère de la vérité, bienfaitrice anonyme et incomprise, la voix de la souffrance invitant à la modération et à l'équilibre, nous alertant sur la dégradation de la précieuse machine physique ; la douleur morale qui appelle à la méditation et à l'examen des actions. La douleur spirituelle sous la forme d'absen­ces, de frustrations émotionnelles, d'agonies et de solitudes de l'âme, qui parle sous forme d'intuition, sur le mauvais usage de la liberté, obnubilant la pensée par des évocations douloureuses, lesquelles, bien que diffuses sur l'écran de la mémoire, signalent les sentiments au moyen de l'angois­se ; la douleur regret et tant de douleurs ... qui se manifes­tent instamment en nous, comme pour avertir.

Hier, c'était la tendresse maternelle qui me parlait des choses simples et belles, celles du Ciel et de Dieu, m'ensei­gnant à prier, insistant sur le respect à la Loi à travers la longue traînée des devoirs. Les difficultés domestiques de différents types comme les appels que je persistais à ne pas écouter.

Plus tard, le raisonnement s'épanouit, la culture com­mença, les livres, tout, et la religion parlant par la bouche des différents ministres des écoles de la foi.

Finalement, le mûrissement me conduisit au Grand Seigneur, aux devoirs qui lui sont dus, mais je ne me trouvais disposée ni à étudier ni à servir.

Le Seigneur nous suit et nous appelle de mille ma­nières.

Lorsque nous sommes jeunes, nous nous attardons aux délices du jardin des plaisirs et, cherchant les fleurs de l'illusion, nous gaspillons sans penser, des énergies pré­cieuses, dans de jeu des émotions.

Puis, vieillis prématurément, nous jetons les derniè­res forces dans la traversée tumultueuse de la mer de la révolte, sous des éclairs d'incompréhension et sous des tonnerres de désespoirs injustifiables, détruisant le vase physique, du dedans vers le dehors.

C'est au moyen du labeur dans l'éducation que le Divin Gouverneur nous offre une réserve pour le maintien de la vie et de l'huile pour la lampe de la foi. Impatients que nous sommes, cependant, nous avilissons le devoir et nous salissons l'institution du travail, essayant de nous justifier sous de fausses exigences de la chair. Désorganisés dans l'accomplissement des devoirs, nous devenons des pares­seux et des dévergondés et nous nous réveillons trop tard, dans les mailles du déséquilibre intérieur, en essuyant de grosses larmes !

Oh ! Ma fille, comme elle nous appelle, la voix du doux Rabi !

Je repassais tout cela sur l'écran mental, me promenant par les voies déjà parcourues, traversant les chemins de la mémoire, miraculeusement lucide. Je ne pouvais pas me dérober à l'émotion, fruit du repentir, sans révolte et sans plainte, une fois que j'étais, moi-même, coupable, d'après ce que je reconnaissais maintenant.

Plongée dans le souvenir, songeant sérieusement peut-être pour la première fois, je n'avais pas réalisé la présence de la Bienfaitrice Zélia, qui s'était approchée de mon lit.

Ayant compris l'état d'esprit où je me trouvais, elle attira doucement mon attention.

"Il est nécessaire de ne pas oublier, ma soeur, que le fait de se repentir est quelque chose de très important pour notre paix intérieure, mais uniquement lorsque cela nous apporte une résolution qui produit le renouvellement intérieur. Se laisser abattre sous le poids de ce qui est "déjà fait", c'est perdre l'occasion d'un acquittement heu­reux. Sèche tes larmes et cherche à renaître intimement du "tombeau des choses mortes".

Et, avec un regard qui montrait sa connaissance per­sonnelle du sujet, à travers sa propre expérience, elle ajouta avec fermeté :

« Nous avons tous des oeuvres à réparer et des che­mins à refaire dans la grande traversée vers l'évolution. Le temps, cet ami silencieux et plein de confiance, éponge et efface tout ; il nous enseigne à ne pas nous presser à cause du danger que nous courons de nous fatiguer et de nous arrêter; il nous éclaire aussi quand nous restons sur place, ce qui peut nous amener à créer des racines... Voyageur infatigable, il représente nos meilleurs et nos plus chers espoirs. Pour nos esprits pleins de dettes, le temps, associé au travail, constitue un trésor que nous ne pouvons pas mépriser ; de plus, la prière, ce médicament du réconfort et de l'encouragement, est un appui dont nous ne savons pas apprécier la valeur. Avec le temps, nous avons l'occasion. Avec du travail, nous obtenons le profit de l'occasion. Et, avec la prière, nous sanctifions l'occasion et l'action".

Avec un sourire calme, elle poursuivit :

« Celui qui se dispose au bonheur du redressement, cherche l'occasion de travail et, pendant qu'il cherche, il prie. Par conséquent, ne te presse pas".

Je me trouvais perplexe devant la logique de ses argu­ments, simples mais profonds, où je trouvais du terrain pour de nouvelles méditations.

Après une pause naturelle, elle poursuivit, avec spon­tanéité, dans une autre direction de pensée :

« Notre Colonie se trouve assez près de la Terre ; elle présente, par conséquent, les mêmes conditions de la pla­nète à laquelle elle est liée. Attachés aux destinées du Brésil, nos Instructeurs travaillent infatigablement, depuis plus de 250 ans, coopérant avec les phalanges d'Ismaël dans la construction de la Patrie de la Croix du Sud. Fondée par un Missionnaire de la Charité, très dévoué, elle avait d'abord été consacrée au secours des esclaves désincarnés sous le joug d'épreuves dures et terriblement amères. Recueillant les plus rebelles assoiffés de vengeance, la Colonie les aidait au moyen d'éclaircissements nécessaires, les reconduisant sur l'Orbe terrestre pour des luttes nouvelles et rédemp­trices.

Au début très insuffisant, elle s'agrandit au cours des années, augmentant ses possibilités de secours grâce au concours d'Esprits ardents qui se sont mis à la développer. Elle a traversé des périodes très difficiles, d'après ce que l'on peut voir dans ses archives.

Plusieurs fois, les hordes du mal ont investi la Fon­dation, furieuses et organisées, sous le commandement de groupes affreux de chefs barbares dont le souvenir persiste encore sur terre marquée des crimes les plus répugnants. Les pionniers de l'oeuvre commencée n'ont, cependant, jamais perdu courage.

Blessés dans la croisade de l'amour, ces créateurs se regroupaient toujours et, au fur et à mesure que la région effrayante se peuplait de vibrations édifiantes, des réserves de forces arrivaient de partout, au nom du Seigneur Su­prême, renforçant le courage de tous pour rendre de la vie à l'oeuvre".

Je suivais la description de Zélia avec émoi et curiosité de plus en plus grands. Profitant d'une pause, je demandai :

« Et les obstacles ressemblaient à ceux qu'on observe sur la planète ? »

« Mais bien sûr, expliqua la narratrice éclairée. Il ne faut absolument pas oublier que nous nous trouvons très près de la Terre, enveloppés dans des vibrations également matérielles dont la différence de fréquence est sen­sible.

Ces entités attachées au mal, poursuivit-elle, s'or­ganisent en bandes dangereuses, sous la conduite de cer­veaux méchants, ce qui retarde l'oeuvre d'évangélisation dans le monde. Les guerres, les crimes et plusieurs désas­tres éprouvés sur Terre, se rattachent, sous certains aspects, à ces groupements de cerveaux sataniques qui s'attardent dans le mal avec plaisir et se prêtent, involontairement, aux bouleversements qui s'en suivent."

Poursuivant la narration de l'histoire de la Colonie, elle continua :

« Ismaël lui-même visita, deux fois, la Direction de la Colonie. Il contribua à la conseiller avec des éclaircisse­ments importants et en offrant des ressources de grand prix pour aider au programme de secours auquel il est attaché.

Quelque temps après, quand au Brésil, les idées d'abo­lition de l'esclavage bouillonnèrent en plusieurs coeurs et en plusieurs têtes, des âmes secourues dans cette Colonie pendant plusieurs années, reprirent la forme physique, comme des seigneurs complaisants qui, à côté des libéra­teurs, ont accordé, sans plus de délais, la liberté aux opprimés, jusqu'au jour mémorable où la Princesse changea en Loi inoubliable, l'abolition de l'esclavage dans les terres de la Sainte-Croix.

Avec cela, la Colonie gagna le dévouement de nouveaux travailleurs bienveillants qui offrirent leur concours, ce qui permit d'élargir la gamme de services au bénéfice d'autrui.

A l'heure actuelle, en opération sur le Globe, la Colo­nie compte sur un grand nombre de serviteurs du Bien et sur quelques milliers d'anciens affiliés réincarnés qui maintiennent toujours des rapports mentaux avec nous, alors qu'ils s'occupent du rattrapage et de l'assistance à des ma­lheureux toujours sur le plan physique. Grâce au Spiritisme, et son aspect chrétien, le nombre de candidats au service de secours fraternel augmente de manière encourageante, malgré les retombées lamentables de ceux qui faiblissent dans l'oeuvre édifiante qu'ils s'étaient proposée".

La narratrice, après un petit silence, ajouta :

« A cette heure-ci, nous nous mettons en rapport cha­que jour par la prière avec le Temple de communion."

Apprenant que des prières étaient organisées en grou­pes dans un endroit déterminé, je demandai, en proie à une grande anxiété :

« Pourrai-je participer à la prière communautaire là où vont les autres ? »

« Non, me répondit-elle. Nous lierons des rap­ports mentaux avec eux d'ici même, car la pensée dépasse toutes frontières. Il te faut garder encore le lit pendant quelque temps afin de t'adapter avec fermeté à la nouvelle vie.

Maintiens-toi en état de méditation, me dit-elle en essayant de me tranquilliser par son expression de com­préhension fraternelle, tandis que je vais rendre visite à nos autres infirmes".

PRIÈRE DANS LA COLONIE

Le soleil ne s'était pas encore complètement couché. Des rayons dorés jouaient sur les branches des rosiers qui dansaient doucement poussés par une brise caressante.

La grande transparence de l'atmosphère laissait voir un ciel profond et calme, lavé d'azur serein, invitant à la méditation et au silence.

Comme s'ils flottaient dans l'air, des sons mélodieux d'un orgue envahirent doucement l'endroit où je me trouvais. Les accords harmonieux me touchaient profondément le coeur et sans que je puisse l'expliquer, je me surpris en proie à des larmes silencieuses et réconfortantes. Elles tra­duisaient cet état d'âme fait d'un mélange de bonheur et de souvenirs que l'on ne peut pas, ou bien que l'on ne sait pas bien définir.

Les notes montaient et descendaient en un ensemble mélodieux, semblant parler à nos âmes prises de regret et d'angoisse et les réconfortaient miraculeusement.

Alors la Bienfaitrice Zélia entra dans la pièce accueil­lante où je me trouvais et s'approcha d'une table au bout de cette salle ; sur ce meuble reposait un engin semblable aux récepteurs de télévision sur terre ; elle l'ouvrit d'un mouvement rapide. Complètement ravie, j'ai pu découvrir alors, un espace en demi-cercle où quelque mille personnes se trouvaient assises en concentration profonde.

Au fond, sur une estrade, il y avait une tribune simple comme celles des Eglises Réformées, entourée de deux rangs de sièges, occupés eux aussi.

Des guirlandes de roses enlaçaient le fût des colonnes qui soutenaient la salle, éclairée de cascades de lumière crépusculaire en contraste avec le décor transparent de la nuit environnante.

De l'herbe verte poussait au-delà des colonnes blanches, lesquelles semblaient taillées dans le marbre le plus fin et qui laissaient voir le ciel jonché d'étoiles.

Une jeune fille ravissante, assise à un orgue gigantes­que continuait d'appuyer sur les touches, sensiblement émue. Tous les présents semblaient communier dans le mê­me émoi, puisque, les yeux fermés, leur visage laissait transparaître la communion fraternelle régnante. Tout était rayonnant de beauté.

« Voilà notre sanctuaire de prière, me renseigna l'In­firmière Zélia, en s'approchant de moi.

« La charmante organiste, poursuivit-elle, est Suzanne. Sur terre, elle se consacra à la musique de Bach, de Wag­ner et de Haëndel. Elle nous prépare maintenant l'ambian­ce avec le morceau du "Messie" de Haëndel, son Largo. »

Saisie par la majesté des accords, je semblais reculer dans le temps et j'évoquais la mélodie que j'avais tant de fois entendue lorsque j'étais incarnée. J'éprouvais mainte­nant la sensation que la musique disposait d'un langage plus compréhensible qui pétrissait mon âme en émotions supérieures.

Enveloppés dans les vibrations de l'instrument magni­fiquement joué, nous entendîmes se perdre en l'air les der­nières notes. La jeune fille semblait, cependant, habillée d'une lumière belle et douce. Le visage pâle était pris de rougeur expressive tandis que des larmes brillaient dans ses grands yeux noirs.

Je pensais poser à la Bienfaitrice quelques questions sur la jeune fille, lorsque Zélia vint, d'elle-même, m'éclairer : « Suzanne a été une de ces héroïnes anonymes qui aime beaucoup sans jouir du bonheur d'être aimée à son tour. Elle se consacra, d'elle-même, à la musique comme si elle était une des Muses tandis que la tuberculose des pou­mons détruisait son corps délicat. Elle arriva à notre Co­lonie dans la condition d'une personne victorieuse et ici, depuis quelques années, elle prête son concours au minis­tère de la prière, en aidant avec un dévouement inlassable ceux qui sont restés en arrière. »

Quand elle se tut, j'observai qu'un vieillard vénérable se levait d'un des rangs latéraux pour monter à la tribune avec la satisfaction la plus vive de tous les présents.

« C'est l'orientateur Celsius, Instructeur dévoué de notre Colonie, expliqua l'amie spirituelle.

Et après quelques instants :

« Il possède un très grand crédit de tendresse dans no­tre Maison; celle-ci doit beaucoup à son infatigable dévouement. Il travaille dans cet Hôpital-Ecole depuis plus d'un siècle, d'après ce qu'on m'a dit, avec des possibilités de demander une autre sphère de travail. Il ne s'est, cependant, jamais servi du patrimoine qui embellit son esprit bienheureux pour n'importe quel profit personnel... Les labeurs les plus difficiles ont sa préférence, ce qui atteste son degré élevé de renoncement et de charité.

Elle poursuivit :

« Des régions douloureuses où se poursuivent des répa­rations punitives, des foyers infernaux de purification re­çoivent invariablement et constamment son concours incomparable et, dans les infirmeries réservées aux fous et aux possédés, son image est une invitation appréciée par les amis qui se consacrent au secours sanctifié de l'aide au prochain. »

L'air embaumé du crépuscule descendait doucement. Du lit où je me trouvais, je participais à l'office qui venait de commencer.

L'orientateur Celsius, immobile sur la tribune, recevait sur son visage auréolé la caresse du jour finissant. Il leva les yeux et, quand il les baissa, il regarda avec une ten­dresse infinie la multitude attentive, et dit d'une voix claire et rythmée :

« Frères en Jésus. Que la paix soit avec nous.

D'infatigables compagnons, pleins de courage, se trouvent en ce moment sur les fronts de combat, dans les régions malheureuses au service du Bien Infini.

Ils sont en train d'affronter des difficultés indescrip­tibles sous des tempêtes de révoltes et de haine ; ils coopè­rent avec Jésus dans les journées pénibles de redressement des âmes qui ont failli et dans le réveil des consciences obscurcies depuis longtemps...

Ils constituent les bras de la légion des "Serviteurs de la Croix" dans un effort de sauvetage vraiment plein de noblesse.

Nous comptons également à nos côtés aujourd'hui d'anciens compagnons qui sont revenus sombres, sans pain ni espoir. Il y en a qui souffrent encore des blessures profondes des rencontres où ils ont été battus ; d'autres conservent les marques violentes des tornades qui les ont fouettés et dont la fureur les a précipités dans le crime, par suite de l'oubli des devoirs moraux. Presque tous se présentent désenchantés, ahuris, sans forces... Ils retournent au Foyer comme des naufragés en proie au désespoir. Ils arrivent dans une île accueillante, sans, cependant, réussir à se délasser. Ils conservent en eux-mêmes les impressions des jours et de des nuits de tourment, pleins d'anxiété et de folie, restant à la merci des eaux tumultueuses...

Ce sont des coeurs en proie au désespoir qui nous demandent les meilleurs efforts ; ils nous prient, dans leur malheur, d'être plus attentifs à leur cas et attendent notre assistance pour le réveil définitif de leur conscience assom­brie par les erreurs, intoxiquée par l'opium des plaisirs ensorceleurs".

Le narrateur garda le silence pendant quelques instants et reprit sur un autre ton, plein de tendresse :

"Combien de fois n'avons-nous pas frappé à d'autres portes présentant les mêmes déséquilibres ? Combien d'entre nous ne conservent-ils pas jusqu'à présent, des ulcères ou des cicatrices nous rappelant des folies semblables ? Com­bien d'entre nous ne conservent-ils pas d'amers souvenirs et de justes craintes à propos d'êtres chers aveuglés dans les disputes de la possession, dans les abîmes de l'ingratitude et de la "mort"? Combien avons-nous à faire pour nous-mêmes ; nous dépasser pour oublier ; renoncer totalement pour vaincre ; nous sacrifier pour progresser, afin de conqué­rir les trésors de la paix et de l'immortalité ? Ce sont des sujets qui ne peuvent pas être oubliés dans nos notes ; il nous faut méditer là-dessus".

Ses paroles n'avaient pas le ton amer de l'accusation et ne portaient en elles aucune plainte, mais je sentis qu'elles disaient des vérités qui m'atteignaient vivement. Combien de chances j'avais laissé échapper quand j'étais drapée de chair ? Comment se trouverait ma fille, dans le foyer qui m'était si cher ? Que me réserverait l'avenir à la suite de nouveaux combats ?

Je n'ai pu m'attarder à des divagations mentales. La voix de l'orateur inspiré revenait à la prière captivante :

« Nous sommes des débiteurs sans répit de la Misé­ricorde Divine, poursuivait-il, tranquille, laquelle ne nous a jamais abandonnés. Pour cette raison, nous ne pou­vons pas continuer ainsi, indifférents à l'ensemble des dou­leurs qui terrassent d'autres coeurs tout en blessant notre âme.

Le Seigneur Jésus-Christ nous a montré le chemin à suivre par les longs témoignages qu'il nous a laissés dans le domaine de l'aide incessante durant le temps qu'il a vécu parmi nous, sur Terre. Et jusqu'à maintenant, sans fatigue et sans lassitude, il continue, le Travailleur de toujours, à construire pour nous et par nous.

N'oublions point que le bonheur n'est possible que lorsque nous réussissons à arracher le cancer de l'égoïsme et des jouissances immédiates, ces adversaires victorieux de notre destin. Pour cela, la Charité est le seul moyen d'enlever les tentacules de ce bourreau titanique qui draine nos énergies, nous accablant et détruisant notre courage. Persévérons dans l'aide à nos semblables pour ouvrir des clairières dans la forêt de notre ambition, afin que la lumiè­re d'en Haut embrasse tout notre être. »

Encore une fois, il y eut pause. Dans tous les regards brillait l'envie de servir. En regardant l'orateur nimbé d'une clarté de diamant, le public observait un état d'attente silencieuse.

En se faisant entendre doucement, sa voix n'étant alors qu'un murmure, l'interprète de la Parole Evangélique poursuivit :

« Voici que nous avons pour bienheureux ceux qui auront souffert.

La prière de la foi sauvera le malade, le Seigneur le soulèvera ; et s'il a péché, ses fautes lui seront pardonnées ainsi s'exprime l'Apôtre Jacques, dans son Epître Universel, au chapitre cinq, versets onze et quinze, nous appelant au culte de la lutte et de la prière, surtout lorsque, malades et pécheurs, nous serons ensemble, à la recherche du Seigneur. »

L'orgue reprit, sous les mains douces de Suzanne.

Alors, soulevant les bras dans une attitude de prière sans affectation, le vieillard vénérable pria :

"Jésus, réserve de l'espoir, secours-nous. Sentinelle lumineuse dans notre nuit, éclaire-nous. Entends notre appel.

Dans notre combat de tous les instants, nous nous confions à toi.

Dans les régions de souffrance apprentissage, aide-nous.

Dans l'abîme de l'ignorance millénaire, ouvre-nous la source de ta sagesse.

Dans notre état de criminels, donne-nous une chance. Chargés de maux et de douleurs, console-nous. Et, au-delà de nous-mêmes, Jardinier des âmes, donne-nous l'autorisation de pousser en avant, bien que nous ne soyons pas encore en état de le faire :

Prête-nous ton nom dans les antres d'horreur, prête-nous ta paix dans les rochers de la révolte, prête-nous ton amour dans les vallées de la haine, prête-nous ta lumière dans les abîmes des ténèbres,

Prête-nous ton pardon dans les marais sombres de la vengeance et ton espoir dans les rivières tortueuses du dé­sarroi.

Nous te prions pour les navigateurs vaincus dans les tra­versées laborieuses et difficiles du monde des tentations ; ils rentrent sur nos plages découragés et tristes ; pour tous ceux qui sont partis pleins de joie et qui s'en reviennent liés, par manque d'attention, dans les filets des réseaux dan­gereux ; et surtout pour ceux :

Qui blessent et sourient en pleine folie,

Qui persécutent et qui dorment en proie à une igno­rance totale,

Qui blasphèment et qui jouissent dans un abandon complet d'eux-mêmes.

Ils sont des "raisons de scandale", ne te connaissent point et deviennent, pour cela, encore plus malheureux.. Et pour nous qui te connaissons et préférons encore trop les ténèbres à la lumière, le bonheur trompeur et passager au renoncement rédempteur.

Seigneur, aie pitié de nous !"

Le doux Messager de la Lumière se tut. Des gouttes d'une lumière évanescente descendaient sur la foule des présents. L'orgue continuait à exprimer les parfaites har­monies célestes.

Soeur Zélia me caressa la tête. Nous pleurions tous.

La réunion touchait à sa fin.

Des étoiles menues brillaient très loin dans le ciel bleu foncé.

Le récepteur fut fermé, mais grâce au silence régnant, la méditation s'empara de nos âmes.

LE DOCTEUR CLEOFAS

Le lendemain matin, après un petit-déjeuner frugal, la tendre Zélia entra, accompagnée, toute rayonnante de joie, comme d'habitude.

« Voici notre docteur Cleofas, dit-elle, en me présen­tant un visiteur sympathique. Il s'occupera d'amoindrir les impressions physiques que tu retiens encore dans le sub­conscient, depuis la désincarnation. »

En effet, les sensations douloureuses n'avaient pas en­core cessé. Malgré les soins et l'assistance morale dont je me trouvais entourée, j'éprouvais souvent des contractions fâcheuses, de la fatigue et du mal à respirer. C'étaient la foi et l'espoir débordant en mon esprit, qui me soutenaient grâce aux forces obtenues au moyen de la prière ; mais les douleurs persistaient.

Le médecin, un sourire aimable sur les lèvres, me regarda, habitué à voir profondément dans les âmes : il s'assit à mes côtés, près du lit très blanc.

Le docteur Cleofas, je l'ai appris plus tard, avait été un cardiologue dévoué, désincarné il y avait quelques vingt ans, à Sâo Paulo, capitale de l'Etat du même nom. Il était arrivé à la Colonie déjà porteur de différents titres d'aide au prochain et d'humilité. Catholique fervent au début, il avait trouvé dans les malades un domaine béni de travail et d'apprentissage. Coeur sensible, âme évoluée, il ne se bornait pas au cercle étroit des formes. Doué d'une intelli­gence privilégiée, il affronta des problèmes physiologiques inexplicables par les méthodes expérimentales alors en usage, réussissant à les résoudre au moyen de l'amour, par preuves d'abnégation. Chercheur honnête et assoiffé de connaissances nouvelles, il entendit parler du Spiritisme, par la bouche d'un jeune médium aux facultés remarqua­bles ; il chercha à se lier avec lui, pressé qu'il était, comme toujours, de trouver des réponses aux questions qui le tourmentaient.

Doté d'une vaste clientèle, il a acquis, au fur et à mesure des années, des connaissances précieuses, dues à sa capacité d'observation ; fasciné par les éclaircissements procurés par les Esprits, il se lança dans les recherches métapsychiques. Il parvint à connaître ainsi, la Doctrine d'Allan Kardec en lisant "Le Livre des Esprits". Cette lec­ture le fascina de telle façon qu'il devint adepte, en peu de temps, de la pensée d'Allan Kardec.

En étudiant les facultés positives du sensitif, il pénétra le seuil de l'Au-delà au cours de mémorables séances d'études et de recherches. Voix directe, transport, lévitation, impres­sions photographiques, dédoublement, psychophonie, psycho­graphie, xénoglossie et tant d'autres phénomènes contribuè­rent à poser des questions fondamentales de la vie impéris­sable.

A cette époque-là, des hommes de grande renommée, connus pour leurs valeurs morales et intellectuelles, se réu­nissaient souvent et exerçaient un contrôle rigoureux sur les manifestations médiumniques et animiques, et pu­bliaient des comptes-rendus de leurs travaux en brochures qui furent très répandues. Toutefois, passé le temps enthou­siasmant des premières émotions, très peu se consacrèrent à la poursuite des expériences médiumniques. Le rayon de lumière qui déchira le rideau des formalités, ouvrit au docteur Cleofas la voie à une nouvelle vie, fécondant pour lui la semence de l'Evangile qui sommeillait dans son coeur. En mettant à profit ses facultés psychiques pour atteindre la richesse de la connaissance, il prit pour guide les directives de la "Bonne Nouvelle", en élargissant d'emblée ses possibili­tés de travail. Il désincarna à l'âge de 58 ans environ, en emportant avec lui de précieuses ressources spirituelles.

Le regard bienveillant, tout en gardant une expression paternelle, le médecin ami m'invita à un examen minutieux. Comme les médecins terrestres, en se servant du stéthos­cope, il commença à ausculter ; on devinait sur son visage les signes d'attention et de zèle.

Après quelques minutes, il donnait son diagnostic, avec le léger sourire :

« Soeur Otilia, tu apportes à ta vie spirituelle, sous l'effet de l'Angine de poitrine ; les signes de la douleur cons­tructive des artères coronaires, mis en pièces par les contractions cardiaques sont encore évidentes. »

Je dois avouer que, jusqu'au moment où j'entendis le médecin préciser ma "causa mortis", je l'ignorais complè­tement. Je croyais être désincarnée à la suite d'une maladie de coeur, mais sans cependant connaître par quelle infirmité au juste.

Profitant du silence momentané qui s'ensuivit, j'expli­quai, en proie à une grande surprise :

« Bienfaiteur ami, je voudrais vous informer que quel­ques jours avant ma mort, je consultai un jeune médecin pour mon mari malade. Aussitôt après cette visite, ce fut mon tour d'être examinée. Ce praticien me rassura en di­sant que mon état physique lui paraissait excellent. Après un examen minutieux et auscultation, il déclara que j'avais un coeur solide. Comment expliquer ma désincarnation à la suite d'une maladie du cœur ? »

Un large sourire se dessina sur le visage de l'interlocuteur ; il ajouta avec bonne humeur :

« La fragilité de ton coeur se trouve pourtant cons­tatée... Malgré les indications de ton médecin, ta pompe cardiaque n'a pas tenu le coup et, fatiguée, cessa de lutter brusquement. »

Il considéra, ensuite :

« Nous ne discuterons point ici les paroles du collè­gue terrestre, mais il est incontestable que ton processus désincarnatoire se trouvait en cours dans la machine phy­sique, malgré la violence finale, depuis bien plus longtemps que ce que tu t'imaginais. L'appareil respiratoire devait mon­trer des signes de fatigue et de déchéance il y avait quelques mois déjà, depuis que l'élan vital qui t'animait, calculé soigneusement avant la réincarnation, commençait à s'é­puiser, pour des raisons de "fin d'épreuve".

Tu dois te le rappeler, selon la Doctrine Spirite que tu connais, la structure charnelle est maintenue par la vita­lité périspiritale, laquelle est le principal agent, qui contient à l'état latent, les bases des événements à survenir entre le berceau et le tombeau, ces deux entrée et issue princi­pales de la vie terrestre. Les anémies, les fatigues, l'usage de boissons alcooli­ques, la syphilis, provoquent l'angine, les noms de cette dernière différant par rapport à l'étiologie. Dans ton cas, cependant, tout amène à croire que l'anémie et la fatigue ajoutées à d'autres causes — qu'il n'importe pas d'examiner maintenant — furent les causes de l'infarctus du myocarde qui suivit la crise violente d'angine".

« Mais comme c'est extraordinaire, docteur ! » interrompis-je.

« C'est facile à comprendre, reprit-il en souriant. Dans les centres d'études des réincarnations et des dé­sincarnations, on ne connaît pas l'improvisation. Si la paix du monde commence sous le toit de la famille, les faits de l'avenir se trouvent rattachés au passé de l'esprit, comme sa suite. C'est ainsi que les évènements de la vie sur la pla­nète sont liés à des raisons prévues à l'avance et mises en train de manière savamment concertée.

Les corps, qu'ils soient beaux ou difformes, sont les fruits d'essais et de comparaisons, de choix et d'imposi­tions, compte tenu des raisons déterminantes liées à des questions de mérite et dans l'ajustement aux Lois de Cause à Effet. Les maladies passagères et les maux prolongés, les infirmités brèves ou longues, la tuberculose, la lèpre, le cancer, les troubles mentaux obéissent à des program­mes structurés sur les besoins spirituels, dont les tâches de renouvellement par l'expérience à travers épreuves ou ex­piations, réajustement ou rançon permettent à l'être de reprendre le patrimoine de la vie qui avait été mal conduite d'après les mauvais penchants du libre arbitre. »

« Alors, dis-je, le déterminisme est un fait. »

« Mais bien sûr ! Me répondit-il. Toutefois, ce n'est pas ce que beaucoup croient. Souvenons-nous, tout d'abord, que personne ne va à la réincarnation pour renou­veler des expériences manquées. Il s'agit surtout d'apprendre et d'évoluer en attribuant sa juste valeur au don que constitue le temps. La renaissance n'est pas un péage où tous doivent obligatoirement se rendre en traînant des souffrances et des dettes. C'est, avant tout, l'occasion privilégiée de répa­ration et de conquête. Tous ceux qui ne respectent pas la Loi en subiront les conséquences. C'est tout à fait juste. Ainsi, le déterminisme ne consiste pas en une imposition ; il est la conséquence d'actes déclenchant des comptes à régler. De plus, n'oublions pas le patrimoine de conquê­tes, dans le domaine du travail humanitaire, que l'on peut réaliser en faveur de soi-même, tout en anéantissant les causes déterminantes de futures souffrances. N'oublions pas que l'amour anéantit et efface tout le mal ; c'est par lui que se manifeste de façon lumineuse la puissance divine à la portée de l'homme".

Et voulant donner plus d'entrain au sujet, il poursuivit :

« Observons encore que l'âme durant son passage sur Terre dispose de plusieurs moyens pour agir avec équité. On exclut naturellement ceux qui se trouvent en proie à de durs combats expiatoires où les centres de l'intelligence restent éteints pour provoquer l'oubli nécessaire et libéra­teur. L'homme commun, de capacité moyenne, dispose de la raison, du libre arbitre, de l'examen de conscience; il a à sa portée la prière et l'intuition ou perception spirituelle.

Avec l'Evangile de Jésus-Christ, Notre Seigneur, la route humaine s'éclaircit et prête au sauvetage. Cependant, plongeant dans la chair, l'âme s'attache par réaction rebelle, au plaisir, loin du sacrifice rénovateur, et se débat dans l'arbitraire torturé, choisissant, invariablement, des voies plus dures à sa propre rédemption. Il est naturel que, tombant dans des abîmes inattendus, elle souffre de la chute, les maux provenant des arêtes vives des parois.

« C'est raisonnable, approuvai-je. Est-ce à dire alors, que tout est prévu avant la renaissance ? » Demandai-je, en proie à la curiosité la plus vive.

« Pas exactement tout, expliqua-t-il patiemment. Disons, plutôt, que c'est plus ou moins prévu. Puisque toute action déclenche une réaction, il est admissible que la prévision se trouve dans la droite raison des actions exécutées dans le passé. Toutefois, grâce à de nouvelles actions, le panorama général du réincarné peut subir des changements considérables. Rappelons ici l'enseignement du Maître de Nazareth, très précis : "Pas une seule feuille ne tombe de l'arbre que ce ne soit selon la volonté de Dieu" ou " ... mê­me les cheveux de votre tête sont comptés", ce qu'on peut traduire comme une prévision des choses. Mais souvenons-nous également de ce que le Seigneur de toute science, affirma aussi : "Tout ce que vous demanderez au Père au moyen de la prière, vous l'obtiendrez", ce qui prouve que le bonheur est quelque chose à notre portée, pourvu que nous y soyons décidés. Dans les difficultés de la route et de la lutte, la prière de l'âme croyante monte à Dieu qui répond par la confiance, la modération, le courage, l'inspi­ration et l'aide nécessaires. »

J'étais profondément émue. Malgré le souvenir de ce que j'avais lu sur Terre, le sujet se montrait toujours plein d'intérêt. Une sensation de confort et de sûreté m'envahissait et offrait à ma pensée de nouvelles voies à la compré­hension.

Puis, comme il semblait méditer à la recherche de nou­veaux éclaircissements, le médecin vénérable poursuivit :

« La réincarnation est une chance bénie, que nous ne méritons point. Tout don est toujours attribué de la ma­nière la plus utile à celui qui en est l'objet. Certaines personnes rejettent par étourderie, ce qu'elles reçoivent, sans le moindre égard pour le bienfaiteur ; d'autres se ser­vent du don avec indifférence ; rares sont ceux qui placent judicieusement les valeurs reçues. Un tel bien doit être uti­lisé, non pas comme paie, le long des chemins de l'amertu­me, mais pour l'acquisition de nouvelles valeurs, par les voies du travail. Dans la Comptabilité du Ciel, la somme d'actions nobles anéantit l'ensemble équivalent des actes indignes et tout amour du prochain au service de l'évolu­tion de l'Humanité s'inscrit dans une marche d'ascension. Pour cette raison, le moment présent a une valeur spéciale puisque notre "aujourd'hui" a ses racines dans notre "hier", servons-nous de l’aujourdhui demain pour bâtir le bo­nheur auquel nous aspirons.

"Passé, présent, avenir... "Aujourd'hui" est ce qui compte. Consacrons-nous aux tâches auxquelles le Maître nous invite, en toute occasion bénéfiques et avançons sans cesse!"

Le visiteur éclairé se tut. Ma pensée se perdait dans un monde d'idées neuves. Dans mon cerveau spirituel les mots : réincarnation, désincarnation, occasion, épreuve, expiation, rançon vibrèrent... Et sans m'en apercevoir, je me laissai conduire au regret absorbant, au souvenir des pertes qui pesaient sur mes épaules débiles.

En s'apercevant, pourtant, de mon état d'esprit troublé par l'amertume, le Médecin Spirituel me coupa l'inquié­tude, en me disant :

« Ne laisse pas faiblir ton courage ! Le repentir, quand il est trop fréquent, devient mauvais conseiller. Tâche d'uti­liser la méditation comme une mesure salutaire, abandonne n'importe quelle expression de remords déprimant. Sers-toi du moment présent pour planifier l'avenir. Entraîne-toi maintenant ; demain, sois prête à servir. »

Et, d'une voix grave, il ajouta :

« Efforce-toi de te reposer. Le prompt rétablissement est nécessaire et urgent. Je tâcherai de t'ordonner les médi­caments convenables et, autant que possible, avec Jésus, nous serons tous avec toi. »

Il salua, le nouvel ami ; accompagné de soeur Zélia, il alla vers d'autres nécessiteux, poursuivant la tâche sublime de soigner le prochain.

EN PROIE À LA MÉDITATION

Les mots du Docteur Cleofas me conduisirent à un nouveau faisceau d'interrogations. Peu habituée aux exer­cices mentaux, j'éprouvais du mal à lier les expressions ca­pables d'éclaircir aux événements d'illustration pour en tirer les enseignements les plus profitables. C'est pour cela que je me surprenais troublée, malgré la clarté de la présentation de toutes ces idées-là.

Quel magnifique sujet que celui-ci : Libre arbitre et Déterminisme !

Il est très rare que nous cherchions à examiner les événements qui nous atteignent au cours de la vie, en y découvrant les origines du libre arbitre ou du déterminisme. La grande majorité des croyants se laisse conduire par la course naturelle des circonstances, sans en approfondir les déterminantes à travers des observations détaillées, qui seraient pourtant de grande utilité. Devant une tragédie, deux attitudes assaillent, en général, les hommes: la révolte injustifiée ou la résignation sans vigueur ; elles traduisent, dans les deux cas, la pauvreté de la connaissance rationnelle de la Foi. Rares sont ceux qui cherchent la raison primaire des événements pour, de façon éclairée, en prévoir les conséquences en se résignant à l'acceptation naturelle du fait.
La croyance, je le comprenais maintenant, ne signifie pas, absolument, l'acceptation passive des directives doctrinaires de telle religion. Avant tout, croire veut dire connaître, pour croître au moyen de la connaissance. La croyan­ce est un moyen de réalisation objective dans les domaines de l'âme. De cette façon, c'est la foi qui éclaire la voie évo­lutive de l'homme à travers la raison et la logique, dans le domaine compliqué des problèmes subjectifs qui vont pren­dre corps dans la vie en société. Je pouvais ainsi, mieux qu'avant, constater combien est justifiée l'obligation de connaissance religieuse, comme il en est de même pour ce qui concerne le spiritisme.

Combien de fois, me demandais-je, je m'étais montrée enthousiaste pour les exposés doctrinaires dans le domaine de l'Evangile allant même jusqu'aux larmes, sans pourtant avoir le soin, une fois rentrée chez moi, d'approfondir les analyses des idées d'inspiration divine, exposées par l'ora­teur, leur accordant seulement un brin d'attention, au jour le jour, au bénéfice de l'avenir. D'autres fois, les jours de rap­port médiumnique avec l'au-delà, je plongeais, pendant quelques instants, la pensée et le coeur dans la lecture de la Bonne Nouvelle, mais ne cherchais pendant des soins d'hy­giène, qu'à préparer le corps pour le sommeil, sans d'autres soins envers l'âme !

A la table médiumnique, lorsque j'aurais dû essayer de profiter des ressources puissantes de la prière et de la concentration, je ne gardais que l'attitude de la prière, exté­rieurement, sans chercher à évoquer les tourments des dé­sincarnées, en proie à des souffrances sans nom. Et com­bien de fois je m'étais laissée conduire, imprudente, à l'impiété, en pensant me trouver devant des tricheries de médiums ou bien d'infirmités propres aux maniaques et aux illusionnés ? Le rapport fini, ce n'est qu'exceptionnellement que je gardais en moi les impressions de la soirée d'aide, pour un examen meilleur et plus approfondi.

Mon attitude n'était pas très différente de celle que j'avais au début du service d'assistance. De semaine en se­maine, je m'étais habituée au service religieux avec l'exacti­tude et la physionomie voulues, écartée cependant de l'inté­rêt et de l'attitude intérieure propres au Culte de la Prière, cette invitation s'imposant à nous tous, à la rencontre de l'homme avec lui-même. Ce phénomène, pourtant, se présente encore malheureusement dans plusieurs groupes spirites ; il exige alors de leurs responsables les efforts les plus grands pour le maintien d'un niveau suffisant de valeurs convenables d'efficacité des échanges et du travail. D'où le besoin constant de l'étude avec sa réflexion et son applica­tion journalière dans la vie pratique afin que le formalisme, si courant dans le domaine de la foi, n'occupe pas les âmes ; celles-ci doivent être éclairées pour devenir responsables.

Je me souvenais des avis du médecin et je cédais à l'émotion. En fait, il était facile de conclure que ce sont uni­quement les leçons bien exposées et pleines de sagesse de la vie qui acheminent vraiment vers le bien et vers un but utile.

Le minéral, le végétal, l'animal, l'homme, l'ange; nous marchons tous dans les sentiers sans fin, vers un seul but: la perfection ! Le premier rêve, le deuxième sent, l'animal souffre, l'homme conquiert et croit, l'ange se rend sublime.

Avec l'acquis du libre arbitre, chacun choisit le chemin à suivre. Les actions créent des conséquences, lesquelles, à leur tour, produisent des effets plus ou moins graves, dans l'immédiat, en pressant, en arrêtant ou en retardant la mar­che des événements.

Dans les domaines primaires de la forme, la loi paraît pleine de sagesse et de patience ; elle utilise les dons du temps dans des creusets et des laboratoires de transforma­tion de l'espace. Pendant les phases inférieures de la vie, le principe animiste monte avec sûreté vers des sommets plus élevés. Plus tard, le principe spirituel qui se réveilla du sommeil léthargique du minéral, aperçut les horizons de la sensibilité végétale, laquelle développa l'instinct animal ; ce dernier pénétra dans le domaine de la pensée. La pensée eut enfin la possibilité, concession divine, d'influer sur l'avan­cement dans la voie de la sagesse qu'il possédait déjà à un degré infiniment petit. Ce don peut être reçu comme un prêt de la miséricorde paternelle de Dieu ; ce n'est pas un acquis de l'âme comme on pense souvent. Son avenir dans le temps et l'espace dépend de son usage. Ceux qui font une mauvaise utilisation de ce don précieux pour des jeux illusoires doivent recommencer leur démarche autant de fois qu'il sera nécessaire jusqu'à ce qu'ils se décident au réveil vers l'Amour Illimité.

Je raisonnais ainsi, concluant que personne ne doit prétendre au Royaume de Dieu sans le désir de le chercher à l'intérieur de soi-même. C'est pour cela que Jésus dit que ce Royaume "ne vient pas avec des apparences extérieures".

Le Spiritisme est une Doctrine bénie qui éclaire abon­damment. Heureux ceux qui peuvent, pendant qu'ils se trouvent encore dans la vie physique, avoir connaissance des parts de bonheur qui leur sont réservées après le labeur et les fatigues de la vie !

Ma fille, le Spiritisme est une offre sans prix du Père magnanime, en réponse aux appels de Jésus-Christ pour le bonheur des nomades du monde. Profiter d'un don aussi important, c'est porter le fardeau avec assurance ; il s'agit, toutefois, d'une précieuse charge et il faut tout sacrifier au bonheur inouï de cette occasion qui, peut-être, ne se renou­vellera pas.

Peu importent les difficultés autour de l'idéal spirite. Il faut absolument lutter et beaucoup lutter ! L'homme, éclairé par l'aube pur du Message de Kardec, peut être raillé, mais jamais ridiculisé, humilié mais jamais humiliant ; persécuté, sans, cependant, être persécuteur ; abandonné, maltraité sans jamais abandonner la foi généreuse et tenace qui lui apporte le confort moral, le conduit et l'encourage.

Au siècle de la photographie et des images en mouve­ment ; du téléphone et de la télégraphie, de la machine à vapeur, de l'aérostat, du sous-marin... des prophéties de Maxwell et de l'oeuvre glorieuse de Zamenhof ; le Spiritisme peut être considéré comme la plus grande conquête de l'homme dans le domaine de la Philosophie, et peut se comparer par son ampleur harmonieuse aux Sciences actuelles ; il devient l'expression religieuse essentielle.

Avec l'intelligence éclairée et à même de mieux exami­ner les faits et leur enchaînement, j'étais presque retombée dans le désarroi. Mais, avant de plonger dans ces eaux troublées, j'évoquai les mots entendus durant ces quelques jours qui m'écartaient de la chair et je m'efforçais à maintenir l'équilibre nécessaire au bon emploi du temps.

"Jésus reste toujours le même : hier, aujourd'hui et demain", semblait murmurer quelqu'un à mon oreille, et ras­surée par cette certitude consolatrice, je m'endormis, pleine de confiance.

L'IMPOSITION DES MAINS

Je restais sous l'impression bienfaisante des pensées salutaires lorsque le Docteur Cleofas revint, le lendemain et constata que la nuit de repos m'avait fait un grand bien. Il était accompagné d'un garçon dont le visage rayonnait de bonté.

"Je vous présente le jeune Adriâo » dit le Médecin d'une voix fort aimable.

Nous nous sommes serrés les mains et, enveloppés dans l'atmosphère de sympathie réciproque, j'entendis le Bien­faiteur qui poursuivait, comme pour compléter sa présen­tation :

"Il s'agit d'un compagnon qui se consacre à la tâche de redressement spirituel, moyennant le secours de l'impo­sition des mains. Seigneur de nobles qualités, expliqua gentiment le Docteur Cleofas, le jeune ami se consacre à l'apostolat de l'amour parmi les infirmes et, avec nous, sous la bénédiction de Jésus, il répond au programme de la fraternité, en s'y consacrant intégralement".

Tout en s'excusant, délicat et discret, des mots d'affec­tueux encouragement du vieux travailleur, le jeune homme, qui aurait pu avoir été pour moi un fils chéri, s'approcha du lit tiède et moelleux et me parla d'un ton spontané et naturel:

"La gentillesse du regard de notre aimable Instructeur voit chez moi des qualités qu'en fait je ne possède pas. Je me trouve ici pour des questions de force majeure. Trans­fuge de la Loi en de multiples occasions, je me trouve aujourd'hui comblé par la grâce, avec la possibilité de pourvoir à mon éducation que je dois apprécier en vue de mon propre redressement moral. En l'occurrence, je bénéficie ici des plus grands apports à mon programme d'ascension.

En d'autres temps, et il fixa vivement le Médecin silencieux et jovial, je me suis présenté à des postes de secours comme un voyageur égaré dans le désert, chargé de lambeaux et de souffrances, recouvert de la poussière des déceptions et blessé par l'inévitable piqûre des fautes les plus graves. Si ce n'était la bonté du Gardien Infati­gable qui m'a conduit jusqu'à cet Endroit de réflexion et de labeur, je serais comme perdu".

Tout en essuyant une larme qui lui glissait sur la joue, il poursuivit :

« ... L'amour infini de Jésus-Christ, Notre Seigneur, m'a pourtant accueilli, me libérant de l'infortuné malheur de moi-même, et ces mains-ci, tant de fois occupées à des légèretés et des crimes, se tournent maintenant vers l'oeuvre juste et saine d'un travail édifiant".

Ayant gardé un instant le silence, il poursuivit, en chan­geant de sujet :

« Je sais que soeur Otilia, quand elle se trouvait sur Terre, était une spirite pleine de conviction. Elle ne mécon­naît pourtant pas la responsabilité découlant de son accep­tation de cette Doctrine qui correspond à la renaissance du Christianisme à ses débuts. Evidemment, toute consa­crée à un institut d'Assistance Sociale, elle porte avec elle des crédits qui ne seront pas oubliés, et spécialement ses efforts au bénéfice des petits. Cependant, pour l'instant, l'état de son esprit ne diffère pas beaucoup de celui où se trouvent d'autres infirmes hébergés également ici et dont le rétablissement dépend de l'application qu'elle apportera dans l'observation des prescriptions qui lui seront faites. »

« J'ai déjà parlé à notre Infirmier, expliqua le Doc­teur Cleofas, sur votre cas et sur les ressources nécessaires à votre rétablissement. »

« Comme vous le savez déjà, poursuivit Adriâo avec beaucoup de lucidité, tous les maux proviennent de la pensée quand elle est mal dirigée. Ainsi les infirmités proviennent naturellement du mauvais état de la santé mais d’abord, du désordre mental. Seules la pensée habituée à des exercices bien disciplinés et éducateurs peut réunir des ressources d'équilibre pour le maintien d'une vie saine. Le vieil enseignement des latins traduisait déjà cette affirma­tion en parlant du corps sain dans une âme saine. »

Encouragée par la bonté du jeune homme, je proposai une question sur un sujet dont j'avais beaucoup entendu parler quand j'étais incarnée :

« L'ami pourrait-il me renseigner au sujet du Yoga et des différents procédés d'utilisation de la pensée préconi­sés par les ésotérismes en tenant compte des éclaircisse­ments que vous avez exposés tout à l'heure ? »

« Bien sûr, me répondit-il. Je m'explique. La mise en oeuvre de la pensée constitue le remède le plus efficace et la gymnastique la plus profitable à l'esprit. Aimer, servir, aider, édifier en renonçant à la paresse, en terrassant la co­lère, la tristesse, la jalousie, les exigences, c'est se livrer à un exercice salutaire. Dans ce sens-là, l'Evangile constitue un cours important d'Education Mentale fondé sur l'opti­misme. Nous ne pensons pas devoir faire appel à une attitude figée dans les idées nobles et belles, dans des émana­tions édifiantes et généreuses, mais privées d'action positive, réelle et productive. Remontons dans l'Histoire à quelques leçons de grande valeur.

Zoroastre et son cousin Metyoma, à l'occasion de l'éla­boration du Zend Avesta — synthétisèrent, dans un programme simple, la voie du salut: Penser avec justice et "aiguiser la pensée sur la pierre de l'expérience", en tenant compte des maux des autres et en se réjouissant des joies du prochain ; parler avec justesse, en considérant la parole comme un outil important pour combattre le mal et défendre la vérité, pour aider le faible. Donc, après avoir appris à bien penser, à parler avec justice, l'homme doit, préparé qu'il est, AGIR bien.

Plus tard Jésus nous invita, dans l'application simple de l'amour et de la charité : "à qui te demandera la tuni­que, donne également le manteau, à qui te demandera de marcher avec lui mille pas, fais en deux mille" . . ., offre-lui toujours un service effectif pour une action valable et noble.

Nous souhaitons que pensée et action tracent les li­gnes maîtresses de la voie libératrice, pour le bonheur géné­ral de la grande famille humaine. As-tu compris ? »

« Oui. » répondis-je, émue. Et le Yoga, demandai-je en proie à une grande anxiété, réussit-il à perfectionner l'âme, comme le préten­dent ses affiliés ? »

« En fait, répondit-il, le Yoga opère des change­ments importants dans l'âme, grâce à l'austérité discipli­naire de ses exercices. Fondé en Inde, d'après la tradition, par Pantajali, c'est un système philosophique qui prêche la contempla­tion comme l'état parfait, obtenu par l'immobilité absolue, par l'extase, au moyen de pratiques rigoureuses d'ascèse.

Malgré la grande valeur du Yoga, lorsque l'âme re­vient de son immersion dans l'océan profond du recueillement contemplatif, elle aspire encore à davantage d'extase, à une nouvelle libération, ne résolvant donc pas l'insonda­ble problème de la paix.

Nous avons constaté que l'état de béatitude dans le monde spirituel est très différent de ce que l'on croit en général. Personne ne pourra contempler le Visage Divin au moyen d'envolées individuelles sur les ailes de la pensée. Il est absolument nécessaire de progresser, sur Terre, avec les autres, au moyen de rapports fraternels".

Et, comme pour se faire mieux comprendre, il ajouta :

« Le chrétien qui se consacre au travail au bénéfice de tous, acquiert un patrimoine sans prix qui lui assure l'entrée dans le Royaume du Bonheur suprême. »

Enfin, donnant un nouveau cours à la conversation, il ajouta :

« Nous allons vous soulager l'esprit en faisant appel aux ressources de l'imposition des mains, ce moyen auxi­liaire précieux pour soutenir nos intentions de secours. Comme on le sait déjà, expliqua-t-il, toujours bienveillant, dans l'imposition des mains, nous mettons en action des ressources très importantes, lesquelles, malheu­reusement, restent encore inexploitées parmi les incarnés, en dépit des lumières apportées par le Spiritisme. Nous avons tous des forces génératrices d'effets puissants, si nous donnons la bonne direction à nos pensées. Par ces dernières, nous bâtissons ou nous démolissons, selon les courants d'idées sur lesquels nous nous accordons.

Si l'infirmité résulte de la disharmonie de l'esprit dans le processus de l'acceptation du devoir, en considérant les actions passées et récentes, afin que cessent les effets il convient d'en tarir les causes. Au moyen de la prière, de la patience, de la résignation, accompagnées de travail effec­tif, on prédispose le sujet à remettre sa pensée en syntonie réceptive. L'imposition des mains joue alors le rôle de mé­dicament efficace et stimulant. D'où la nécessité de se lier, psychiquement, agent et sujet, aux Sphères Elevées pour que le rapport de sympathie et de compréhension produise des résultats valables.

Essayons maintenant de passer de la théorie à la pra­tique, en recourant aux sources puissantes du Bien et en appelant les dons de la miséricorde divine".

Le jeune ami se tut. Bientôt il sembla en proie à une concentration profonde, en quelque sorte suspendu aux Cieux.

J'essayai, également, de réunir les énergies dont je disposais ; la prière apaisante s'insinua dans mon âme.

Oh! Ma fille, comme il est salutaire à l'âme de tout oublier au moment de la prière et de baigner dans les eaux pures de l'espoir.

La prière est un trait de lumière qui lie les esprits en spirale ascendante. Elle traverse les abîmes, elle efface les difficultés ; telle un téléphone sublime, elle communique un si grand bonheur qu'il est difficile de le comprendre dans des circonstances normales. Seuls ceux qui en ont éprouvé le doux effluve aux moments difficiles de l'inquié­tude peuvent en saisir le sceau divin quand ils retournent au monde Spirite. Elle estompe les soucis, elle anéantit les inquiétudes, elle console l'esprit et lui apporte du courage.

Bientôt, je me sentais baignée d'une douce clarté qui émanait de l'ami secourable et tendre tandis que lui, il conti­nuait enveloppé dans la vibration de la prière.

Il leva les bras et, avec des mouvements rythmés des mains, il me les imposa avec douceur.

Comme obéissant aux mouvements de l'imposition des mains, des forces différentes secouèrent ma structure pé­rispritale ; je me sentis complètement pénétrée de magné­tisme actif. Je réalisai que depuis l'emplacement du coeur, des liens fortement noués se libéraient, m'offrant une sen­sation de délivrance. Ma respiration devint moins pénible et la douleur diminua considérablement.

La durée de l'imposition des mains ne dépassa pas deux minutes ; immédiatement après, une sorte de somnolence agréable m'envahit tout entière et me conduisit à un som­meil réparateur.

Quand je me réveillai après plusieurs heures, je res­pirais librement.

Adriâo, souriant, m'informa que le même procédé aurait lieu plusieurs jours de suite, jusqu'à ce que je me mette en état de poursuivre par mes propres efforts, selon l'orientation du Docteur Cleofas.

LA COLONIE VUE DU DEDANS

Chaque jour, avant les prières du soir, le jeune ma­gnétiseur m'apportait aimablement, des éclaircissements et des observations sur l'eau fluidifiée, les impositions des mains, les vibrations mentales, le recueillement et toute une série de cas de grande valeur qui m'ouvraient des ho­rizons et m'aidaient à comprendre.

La justice de Dieu me semblait davantage pleine d'amour : dans ma pensée disparaissaient les fausses inter­prétations des desseins supérieurs basées sur des dogmes.

Après un mois d'aide magnétique fréquente, il m'était déjà possible de me déplacer toute seule dans la salle, pour m'intéresser de plus près aux problèmes des autres frères hospitalisés, soit par des conversations soit par quelque peti­te assistance plus directe, dans ces petites choses insignifian­tes et cependant si importantes pour qui aspire à compen­ser le temps gaspillé ou qui aspire à la lumière intérieure.

Je compris tout de suite, une fois éliminées la fatigue et la torpeur qui me retenaient au lit, que l'hôpital accueil­lant n'était pas du tout le doux "Manoir du Repos" dont on rêve tellement sur Terre.

Le mot TRAVAIL n'état pas un simple mot mais quelque chose de réel et d'actif à tous points de vue. Les rési­dents semblaient groupés selon des occupations spéciales et je ne me souviens pas jusqu'à présent, d'avoir vu un seul visage trahissant l'inertie. Des infirmes de tous types gar­daient, bien sûr, le lit pendant longtemps ; cependant, leurs propres efforts contribuaient beaucoup à leur réveil, les libérant des contraintes d'une maladie prolongée.

Ici et là je voyais des visages trop sérieux ou soucieux, des expressions de regret et de lassitude parmi les passants et les infirmiers ; toutefois, le rayonnement puissant du ser­vice auquel ils se consacraient, devait leur annoncer des moments plus doux dans un futur proche. Sachant que le travail constitue un acte divin, ils gardaient tous, dans l'expression du regard, la marque de la fée Espoir, messagère du bonheur complet.

Habituée, sur Terre, aux labeurs simples de ménagère, je proposai à soeur Zélia, un jour de grand mouvement, de l'aider selon mes possibilités dans le bon maintien de l'In­firmerie où je me trouvais ; aussitôt mes services acceptés, j'éprouvai une grande joie.

Au fur et à mesure que je m'engageais dans ce service pourtant tout simple, une vigueur inconnue s'emparait de moi, m'enthousiasmait et me fit vite oublier les soucis et les angoisses terribles restés dans mon esprit à la suite de la "mort".

Un de ces jours de travail habituel, tandis que je mettais en ordre les draps du lit d'un des infirmes qui s'attar­dait en un cauchemar effroyable, je fus surprise par l'incomparable ami Adriâo ; il m'encouragea aussitôt, avec joie :

« Le travail, me confia-t-il gentiment, constitue un élixir puissant de longue vie qui fortifie tous les espoirs ; comme une éponge, il efface tous les soucis. L'âme qui tra­vaille n'est pas atteinte par les maillons des tentations, du doute, ou de la peur et elle reste exempte de craintes. L'exer­cice du devoir bien accompli stimule les énergies engour­dies de l'âme, tout en les fortifiant. Il réorganise la struc­ture psychique et offre à l'esprit une raison de lutter et de vaincre, en lui donnant un heureux idéal.

Il poursuivit, avec un enthousiasme croissant :

« Avec Jésus, nous apprenons que tout travail est tou­jours une tâche noble puisque c'est, pour tous, une manière très utile de redressement. Le Maître, lui-même, occupé dès les premières heures dans l'atelier de Joseph où il s'exerçait, nous a appris le meilleur moyen de donner au temps toute sa valeur dans des travaux simples, point de départ éven­tuel de grandes entreprises.

Travaille tant que tu en as la force, m'encoura­gea-t-il, avec simplicité, en sachant que c'est là le meilleur antidote des troubles. Épargne, pour le moment, ton surplus d'énergies ; il te sera utile plus tard et, par l'emploi judicieux de toute minute, ta pensée trouvera la meilleure voie possi­ble dans l'avenir.

Quand la fatigue s'emparera de tes forces, acheva-t-il d'un ton joyeux, souviens-toi que le Seigneur travaille pour nous jusqu'à présent sans défaillance".

Je me sentais très heureuse et très reconnaissante. Quand j'eus fini la petite tâche qui m'incombait, je me proposais d'aller vers le perron à l'entrée de l'Infirmerie, lorsque l'ami dévoué s'approcha de moi et me suggéra discrè­tement :

« Aujourd'hui c'est dimanche et je dispose d'un cer­tain nombre d'heures à moi ; je voudrais te l'offrir. Je crois qu'il serait d'une grande utilité d'en profiter pour une petite sortie jusqu'au parc de repos, près de l'Hôpital; nous y trouverons certainement beaucoup d'attrait et de quoi nous élever spirituellement. »

Je ne demandais pas mieux ; je fus vite en proie à la plus grande joie, ce qui me fit éprouver un profond émoi.

Quelques moments après, je me trouvai en pleine rue. La circulation rappelait celle des zones résidentielles sur Terre durant les jours de repos. Un doux silence planait, coupé uniquement par le bruissement léger de la brise ca­ressante sur les branches des quelques arbres.

C'était ma première promenade, au-delà du pavillon où j'étais en train de faire ma cure ; à cause de cela, tout pre­nait une saveur peu commune et délicieuse. J'avais l'impres­sion de me trouver dans le paradis même. Des jeunes gens et des vieillards, des jeunes filles et des dames, s'habillaient avec simplicité et décence. Les femmes, portant des tuni­ques légères, formaient de petits groupes ; toutes causaient dans la plus visible camaraderie, manifestant apparemment des émotions très différentes des préoccupations terrestres.

Je demeurais en extase à contempler le matin frais, appréciant les décors vifs en couleurs que la nature présen­tait, sous la caresse du jour montant qui changeait les tons de lumière dans les bordures des nuages, en nuances variées et harmonieuses.

Je ne cessais d'admirer les beautés du chemin bordé de myosotis et de touffes de violettes parfumées qui ser­vaient de tapis à des hortensias roses, bleus et blancs.

Adriâo, d'un sourire toujours empreint de bonté, attira mon attention vers les passants qui me regardaient d'un air joyeux, car ils avaient deviné le contentement qu'exprimait mon visage, ce qui leur prouvait mon état de nouvelle ve­nue, comme cela leur était arrivé à eux-mêmes auparavant.

Après trois quarts d'heure environ, nous arrivâmes à un parc magnifique, tout en jardins parfumés où des cen­taines de gens étaient groupés dans la joie.

« Ils parlent de regrets, me dit le cher guide, tout en se proposant de se retrouver sur Terre, dans l'avenir. La Colonie-Rédemption, comme vous le savez, est un endroit d'entraînement, ou mieux, un hôpital-école, comme on vous l'a dit, où les malades se rétablissent en pratiquant une cure de l'âme, en exercices réels, où ils jouent le rôle de cobayes et où ils sont les infirmes. C'est un laboratoire d'essai et une clinique de conditionnement avant le recommencement de la lutte sur Terre, ce champ béni, notre Mère mal comprise et inoubliable.

D'ici nous pouvons estimer la véritable valeur de l'existence sur la planète, dans les habits charnels. Pendant que nous demeurons dans les vêtements physiques, nous manquons de respect envers l'occasion que nous procure le Seigneur, par nos révoltes insensées et nos passions irri­tantes. Lorsque nous nous éveillons aux valeurs impérissa­bles, notre attention se tourne encore vers le plan matériel où le plaisir écarte les chances de redressement. La Terre est l'école irremplaçable du caractère et de l'élévation.

Tous ceux qui arrivent ici, poursuivit-il d'un ton ex­pressif, apportent des dettes envers la planète qui leur a servi de berceau et leur a permis de s'engager sur le chemin l'immortalité. Pour ces dettes, ils retourneront au creu­set des transformations morales. Personne ne peut rationnellement tenter l'entrée au Ciel sans le concours sanctifi­cateur de l'expérience sur terre. Personne ne peut attendre de bonheur et de progression qui n’ait été obtenu au prix de responsabilités sur la planète. Notre Ciel est obtenu par le bonheur enfin réalisé, des nombreuses personnes que nous avons persécutées pendant un temps infini à travers les pages de l'histoire, dans des époques passées, mais qui ne sont pas révolues. »

La bonté de l'Excellent Ami, étant donné son amour parfait, nous permet de comprendre l'évolution à travers quantité de relais construits par la tendresse des envoyés imbus de charité, tel celui-là dont la chaleur contrecarre notre froideur et dont le regard magnanime nous suit sans cesse.

Le passage de l'Evangile se rapportant aux multiples demeures dans la Maison Universelle du Père, parle également de ces relais de secours que l'âme atteint dans le parcours montant de son évolution. . ."

En ce moment, un couple de vieillards dont le visage reflétait l'espoir, s'approcha, en souriant.

Il s'agissait du couple Romero, étudiants de la Réfor­me Luthérienne qui, pendant le dernier stage sur Terre, s'étaient liés à l'Église Protestante. M. Romero, désincar­né le premier, autour de 1932, s'était attardé dans la Colonie-Rédemption le temps qu'il se rétablisse de son sé­jour dans le tombeau. En s'éveillant à la lumière claire de l'Evangile, il avait constaté par lui-même l'immortalité de l'âme. Au temps où il revoyait ses théories sur la vie, il avait cherché, au moyen d'essais médiumniques réitérés, à attirer sa femme au Spiritisme qui était en plein dévelop­pement à cette époque, au Brésil.

Attachée, pourtant, à la lettre biblique, Aurora, sa fem­me, n'ouvrait pas son esprit aux instances du mari désin­carné et continuait dans l'étroit couloir dogmatique, oubliant que la "foi sans les oeuvres est morte", d'après l'heureuse observation de Paul, l'Apôtre des gentils. Désin­carnée dix ans après, elle était arrivée à cette Maison béné­fique comme esclave de la position de sa religion, tout en réclamant le Ciel auquel elle pensait pouvoir prétendre. . .

Son processus de réajustement et de réveil fut long. Cependant, croyante honnête et sincère, quand elle comprit les nouvelles directives que l'Evangile lui montrait, elle proposa son engagement comme médium dans une famille liée à une des Eglises Réformées où elle irait bientôt, par le procédé édifiant de la réincarnation, endurer une lourde épreuve.

Très rapidement, nous nous sentîmes, tous les quatre, fortement liés et intéressés aux questions de la Doctrine Spirite, puissante conductrice d'âmes, et Madame Romero con­duisit la conversation sur ma dernière expérience sur terre, après quoi, émue, elle me raconta les faits déjà cités.

Nous sommes restés ensemble tous les quatre très tard, tout le temps que le jour, en sa plénitude, domina le paysage, couronnant la fraternité dans ce recoin agréable, du message doré de sa lumière bienfaisante.

AU DÉPARTEMENT "ESPOIR"

Nous nous préparions au départ lorsque Madame Ro­mero nos invita à un bref repas au Département de l'Espoir ; à quatorze heures, aurait lieu une conférence sur la lan­gue spirituelle-internationale, l'Espéranto, pour ceux qui s'intéressent aux problèmes des rapports entre les âmes.

Le jeune Adriâo accepta l'aimable invitation car nous avions du temps devant nous et nous nous dirigeâmes vers le bâtiment imposant aux lignes classiques, orné de hautes colonnes.

Le couple Romero, pour nous montrer qu'il connaissait la zone où se trouvait l'immeuble, nous conduisit par des billées bordées d'arbres et aboutissant à de beaux jardins.

Au centre, une étoile verte aux cinq pointes, formée de "ficus", en haut relief et brodées de petites fleurs dorées, nous stupéfia d'admiration par tant de beauté.

« C'est l'étoile qui symbolise l'Espéranto, nous infor­ma M. Romero, comme pour faire l'éloge de la langue univer­selle. »

Des jets d'eau artistiques formaient dans l'air des des­sins géométriques, pleins de mouvement, entre des parterres bien disposés et fleuris de géraniums, de roses, d’oeillets.

Nous montâmes l'escalier de marbre très blanc orné de fragments verts, ce qui lui accordait une beauté écla­tante.

Nous entrâmes dans un grand restaurant où un groupe de jeunes personnes jasaient joyeusement.

N'ayant pas réussi à comprendre ce qu'ils disaient, j'appris par notre hôte qu'il s'agissait d'un groupe d'âmes qui pensaient réincarner dans des pays d'Amérique du Sud, surtout au Brésil, et qui faisaient là un stage d'étude des langues qu'ils auraient à pratiquer ainsi que d'Espé­ranto. Ils arboraient l'étoile verte et le symbole du Mouton, pour porter à leurs nouvelles patries le message du Spiri­tisme Consolateur.

Nous nous approchâmes d'une table bien placée et, après avoir présenté la carte d'Espérantiste, M. Romero avec empressement, nous fit servir un bon repas.

Ensuite, nous parcourûmes longuement les pièces du grand immeuble ; toute surprise, je remarquai qu'il s'agissait d'une maison d'éducation, très vaste, semblable aux Universités de la Terre.

Je fus surtout impressionnée par la bibliothèque, tant elle était riche de livres en Langue Internationale, rangés, classés et qui nous présentaient leurs dos brillants.

M. Romero nous expliqua qu'il y avait là tous les ouvra­ges en Espéranto déjà écrits sur Terre, plus d'autres qui seraient bientôt dictés par voie médiumnique pour le plaisir du monde intellectuel.

« Bien que l'Espéranto n'ait aucune patrie officielle et ne soit non plus une langue à caractère religieux, infor­ma le guide, elle sera, dans l'avenir, le grand messager du Spiritisme pour l'Humanité, ainsi que cela se fait déjà au Brésil avec les traductions soignées dans lesquelles, depuis quelque temps, paraissent des Oeuvres de la Codification et d'autres encore, obtenues par voie médiumnique.

"Certains livres en Espéranto qui se trouvent actuellement sur Terre étaient déjà connus ici, écrits par d'anciens élèves de l'Etablissement, aujourd'hui réincarnés ... "

A l'heure prévue, après quelques airs chantés en Espé­ranto, un monsieur sympathique monta à la tribune pour prononcer la conférence annoncée.

"C'est un vieux spirite de Minas, désincarné il y a quelque temps, expliqua Madame Romero, assise à côté de moi. Travailleur dévoué à la Cause de l'Amour Universel, il s'appliqua, tant qu'il se trouvait sur Terre, à l'étude et à la pratique du Spiritisme et de l'Espéranto, portant très haut l'étendard de la Fraternité. Arrivé ici, il poursuit la diffu­sion des idées espérantistes et spirites, offrant le meilleur de son travail à préparer les âmes aux grands travaux de l'avenir".

Il m'est impossible de traduire intégralement les expressions magnifiques de l'orateur inspiré, dont la parole glissait avec aisance de ses lèvres à notre entendement, comme une musique agréable. Parmi d'autres énoncés tou­jours très éclairés, il prononça celui-ci :

"Après les jours troubles qui aboutirent, en France, à l'élection de Charles Louis Napoléon Bonaparte à la prési­dence de la République puis en sa proclamation comme Em­pereur, le monde reçut, par l'intermédiaire d'Allan Kardec, à Paris, "Le Livre des Esprits", et dans la petite ville polo­naise de Bjalistok paraissait l'âme lumineuse de Lazare Lu­dovic Zamenhof. Celui-ci était venu dans la société humaine après les luttes sanglantes de l'insolent Empereur français (Napoléon l), contre l'immense Empire Moscovite ; celui-ci dominant la Pologne tant de fois partagée entre l'Autriche, la Prusse et la Russie. Zamenhof entretint la flamme de l'idéal de la compréhension humaine pour la déployer, plus tard, porteuse du message immortel de l'Espéranto, le dé­molisseur des bastions linguistiques. De ce peuple esclave tant éprouvé, dont les langues et les dialectes dépassaient le nombre de deux cents, le monde recevait, le 15 Décembre 1859, le Messager de la Langue Internationale.

Pressé par nombre de circonstances, par l'ambiance et les idées dépassées, Zamenhof sentit l'inspiration enve­lopper son âme de pionnier ; devant les injustices dont il était chaque jour le témoin, les coups de fouet qui s'abat­taient sur le dos nu des gens de sa race (juive), et qui lui soulevait l'âme et le coeur, il comprit le besoin pressant de rompre les barrières qui séparaient les hommes, les races, les religions, au moyen de quelque chose de commun à tous, comme un auxiliaire indispensable à la Fraternité.

C'est ainsi qu’après de longues méditations et des exercices nombreux, il réussit, au prix de grands efforts, à évoquer, en les arrachant à l'écran de la mémoire, comme dans un processus presque divinatoire, les mots, les raci­nes et les phonèmes des langues les plus parlées au monde et créa l'"Espéranto" qui signifie : "ce qui attend", témoi­gnant par là sa force et sa confiance dans l'avenir... "

Et, poursuivit le brillant orateur :

"En rentrant de Moscou où il était allé, après d'incroya­bles difficultés, préparer son doctorat de médecine, il éprou­va une angoisse infinie en apprenant que son père, soucieux du bon nom de la famille, avait brûlé ses écrits, les ayant crus le fruit encore vert du cerveau enflammé d'un jeune homme inexpérimenté et enthousiaste.

Notre adolescent se révèle pourtant déjà être un géant, il ne fléchit pas sous une aussi grande peine. Au contraire, se redressant, il recommence, avec encore plus d'entrain, l'oeuvre monumentale qui l'immortalisera dans les voies de l'avenir. A vingt-huit ans, il fait paraître son premier livre, produit de labeurs incessants, et le monde s'éveille à un nouvel âge. Zamenhof expliquera, plus tard, que l'attitude de son père lui avait permis uniquement de réviser, d'amé­liorer, de rendre plus fort l'Espéranto, ce qui était un grand bien et non pas un mal irrémédiable".

Le conférencier poursuivit, ajoutant des commentaires sur la langue internationale et il conclut sa brillante narra­tion par les mots suivants :

« Etudier l'Espéranto, l'enseigner, l'aimer, c'est con­tribuer au bonheur des peuples, en instaurant la fraternité dans l'esprit de tous les êtres.

Rapprochons-nous de nos frères qui ont d'autres con­ceptions religieuses. Par l'idéalisme espérantiste, élargissons les domaines de la tolérance prêchée par Allan Kardec en aimant et en aidant tous sans distinction. Apprenons, par de l'humilité, à respecter toutes les croyances en tant que des chemins de lumière pour l'âme, vers notre Doctrine de foi sans dogme ni rites.

Levons bien haut le fanion vert de notre Idéal, comme enseigne d'union et de compréhension !

Ridiculisés, continuons !

Victimes de l'injustice, poursuivons !

En gardant dans l'âme la certitude que celui "Qui attend", finit par réussir, avançons sans peur, en enseignant et en pardonnant. Tel celui qui, vainqueur de son "moi", surmonte les barrières de l'intolérance et du vice, pour faire bénéficier l'Humanité de son amélioration per­sonnelle, aidons le monde en lui apportant les bénédictions de l'Espoir".

La conférence finie, nous retournâmes vers le jardin.

En nous-mêmes, revenaient les mots entendus ; comme des faisceaux de lumière, ils nous éclairaient la vision. Dans nos oreilles vibraient encore les derniers arpèges de l'agréa­ble chanson entonnée par tous les participants à la fin de la réunion.

Je me souvenais d'avoir vaguement entendu parler de l'Espéranto, lorsque je me trouvais sur Terre. Je n'avais pourtant jamais supposé que cette gerbe de phonèmes constituait le Grand Message de Jésus au monde assoiffé d'en­tendement.

Après avoir dit au revoir, pleins de reconnaissance au couple Romero, Adriâo et moi nous sommes rentrés, joyeux, à l'Infirmerie.

LE TEMPLE DE COMMUNION AVEC LES SPHERES SUPERIEURES

Chère enfant de mon coeur,

Je me souviens avoir entendu, lorsque j'étais sur Terre, les vers suivants, de la "Route du bonheur", à peu près re­produits ainsi :

"Ce bonheur que l'on suppose

Tout bourré de pommes d'or,

Est toujours là où on le pose,

C'est nous qui sommes dehors".

Et souvent, je me demandais si le bonheur existait effectivement.

A présent, après l'expérience du tombeau, je peux assu­rer que le bonheur existe et qu'il se trouve à la portée de tous ceux qui veulent en jouir. Il arrive simplement que, tandis que nous le cherchons hors de nous, nous ne l'aper­cevons pas, car le bonheur est à l'intérieur de nous-mêmes, où nous le cherchons rarement.

Pour l'homme commun, le bonheur se résume au pro­blème de la possession. Avoir ou non, être le propriétaire de quelques pièces ou esclave de quelques millions, voilà ce que l'on prend habituellement pour le bonheur. Quelques-uns aspirent à la jouissance que l'on peut acheter ; certains restent tranquilles avec ce qui est déjà acquis. On a cons­taté néanmoins, que ce ne sont pas ceux qui possèdent de grandes richesses, les plus heureux ; le bonheur ne peut résulter de ce que l'on a ou de ce que l'on n'a pas. Il s'agit d'une conquête intérieure qui dépend de notre manière d'envisager ce que nous avons en propre ou ce dont nous ne disposons pas. Souvent, celui qui obtient quelque cho­se, se laisse dominer par ce qu'il a obtenu ; de la même façon que d'autres, qui n'ont rien, deviennent esclaves ou malheureux, de ne "rien avoir".

Quand Jésus nous parla de la "pureté du coeur", il nous invitait à enrichir notre esprit de trésors inaliénables, lesquels doivent nous rendre plus heureux.

Cette réalité, je la comprends maintenant. Malgré les caractéristiques de mon existence physique, je pouvais, lentement, acquérir le bonheur tant rêvé, au fur et à mesure de la découverte de la faculté essentielle de l'âme : l'amour. Par l'amour, nous pouvons jouir peu à peu d'un coeur neuf entraînant cette pureté dans les actions qu'il détermine.

Dans la colonie, parmi les autres esprits souffrants, je faisais la découverte de l'Amour de Jésus ; il enveloppait les âmes glacées par l'indifférence, consolait les coeurs révoltés, secourait les esprits las. Un nouvel élan me faisait reprendre courage, illuminant mes moments de prière et de médi­tation.

La cordialité de ceux qui m'entouraient entraînait à la fraternité et guidait mon esprit dans la voie de l'entendement. Le sens de coopération s'avérait une réalité vibrante, parmi nous tous. Chacun travaillait à l'oeuvre commune rempli de joie, à la ressemblance d'abeilles adroites dans une ruche disciplinée. Le temps s'écoulait avec espoir, sans cesse renouvelé.

Le dimanche suivant, l'ami Adriâo, vint m'inviter de la part de Zélia, aux prières qu'on prononcerait ensemble dans le Temple de Communion avec les sphères supérieu­res. Il était presque dix-huit heures et le soleil couchant baignait la terre de sa lumière dorée. La nature s'encadrait d'or fin et de pourpre, telle une toile d'une beauté indes­criptible.

En quelques instants nous avons fait le parcours entre le jardin de repos et la place centrale où s'élevait le sanc­tuaire. Le couple Romero nous attendait ; ils marquaient de l'interêt à ma progression spirituelle et à mon adaptation à la Colonie.

J'éprouvais une croissante anxiété au fur et à mesure que nous nous approchions de l'endroit réservé aux priè­res collectives. Sur Terre, j'étais habituée à la fréquenta­tion des chapelles, des églises ; cependant, l'occasion que j'avais maintenant se montrait différente des expériences antérieures. J'appréciais de mieux en mieux la valeur de la prière et je pouvais évaluer les bienfaits puissants qui en découlaient. De plus, l'occasion m'était offerte de commu­niquer avec un grand nombre d'Esprits, qui, comme moi, se trouvaient en cours de "réajustement" et d'apprentissage.

Le Temple, aux lignes austères, se détachait des autres bâtiments par la blancheur des murs et par la beauté clas­sique. Il s'apparentait aux temples grecs par sa forme et ses proportions.

De suaves harmonies enveloppaient le coucher du soleil. Un large péristyle aux colonnes très blanches conduisait vers l'intérieur où nous sommes entrés avec les autres groupes qui montaient les escaliers d'une grande blancheur.

Devant moi se déployait l'imposante beauté de la Grande Maison de Prière. Un silence religieux régnait malgré une assistance nombreuse. Une sensation agréable de bien-être nous envahissait tous et il en découlait un profond respect.

Adriâo, habitué au culte de la prière dans ce temple d'aspect sévère, nous conduisit avec sollicitude, vers des sièges latéraux, d'où nous pouvions embrasser tout le spec­tacle impressionnant de Spiritualité et d'accueil. Il s'agissait dans mon esprit, d'un des départements célestes, réservés aux âmes ayant acquis des mérites par leurs vies successives.

Tandis que je raisonnais de la sorte, l'ami serviable qui semblait lire mes pensées, m'interrompit dans mes con­clusions hâtives et, du ton familier qui le caractérisait, il rectifia :

« Sans doute, ma soeur, n'importe quel endroit où que ce soit, consacré à l'Apostolat du Bien, constitue un département du Manoir Céleste. Même dans les régions les plus primitives et incultes, nous constatons la bonté de Notre Père, qui se sert de tout le matériel nécessaire à l'assistance miséricordieuse des âmes. Ici, c'est la discipline éducatrice, ailleurs c'est le recommencement obligatoire, toutefois les souffrances et les sanctions constantes sont loin.

Cet endroit est un sanctuaire réservé à la prière, où nous pouvons communier avec les Sphères plus élevées ; il est aussi, toutefois, le lieu propre aux méditations, l'école d'apprentissage indispensable, où nous accumulons le ma­tériel doctrinal, pour une utilisation, le moment venu.

Comme l'on sait, poursuivit-il lentement, les écrans de la mémoire ramassent tout, engrangent, classent dans des archives, sélectionnant des bruits et des vibrations pour les rendre un jour au "conscient", dans le lieu et au moment convenables et dans l'acception légitime ; tout est catalogué. On souffre, souvent, de la perte des souvenirs ; cependant, ce fait, au caractère parfois difficilement admis, est une conséquence du mauvais usage de la faculté de mémorisa­tion, dans les vies passées.

Le souvenir exercé dans la rude politique des intérêts immédiats ou utilisé pour rappeler le "mauvais côté" des gens et des faits, perd sa fonction noble et engendre des maux qui viendront le tourmenter, plus tard. Malgré cela, rien ne se perd et comme l'esprit évolue uniquement selon la pratique et l'exercice des vertus, à travers de nombreux heurts, la mémoire retient les acquisitions de valeur pour les moments propices à l'ascension.

Les notes recueillies ici, continua-t-il avec un naturel agréable, sont incorporées par notre anxiété, au patri­moine dont nous pouvons déjà disposer, élargissant ou éclaircissant les connaissances acquises en vue de nos res­sources. Plusieurs expériences étudiées ici, rappellent nos chutes et nos échecs, criant haut dans notre esprit l'appel aux répétitions réparatrices. Cependant, notre Colonie est encore une Maison de Récupération — en même temps, hôpital de premiers secours — où la charité attentive du Ciel recueille les déséquilibrés. Ceux-ci, s'ils étaient laissés sur terre à errer sans but précis, seraient entrés en affinité avec certains incarnés, les surchargeant de problèmes douloureux, autres que ceux qui leur échoient selon la Loi Divine réglant les actions et les réactions".

En conclusion aux éclaircissements, d'ailleurs toujours prodigués fort à propos, il ratifia les arguments en ajou­tant :

« Chaque rencontre sous le toit accueillant qui nous abrite maintenant est une bénédiction que nous ne méri­tons pas. »

Ce n'est qu'à ce moment que j'ai regardé en haut et j'ai remarqué, assez surprise, que le plafond, en forme de coupole, s'ouvrait en cercle au-dessus de la tribune suréle­vée de six marches, réservée à l'orateur. J'ai pu alors aper­cevoir une colonnade ornée de rosiers grimpants dont les fleurs buvaient la fraîcheur de la nuit qui approchait.

Un doux parfum régnait dans l'air, charrié par des bri­ses légères. A ce moment, on entendit la chorale qui préparait l'ambiance à la prière. Là se trouvaient des créatu­res ayant appartenu sur Terre à divers courants religieux.

Quand les voix se turent, je remarquai que l'émotion que j'éprouvais était générale : nombreux étaient ceux qui pleuraient discrètement. Alors un monsieur âgé, à l'allure respectable, vêtu d'une tunique d'un blanc éclatant bordée de bleu, rappelant le prêtre vénérable d'époques révolues, monta à la tribune dans une ambiance de sympathie gé­nérale.

« C'est le frère Policarpo » murmura Adriâo à mon oreille.

D'une voix lente, à la fois vibrante et mélodieuse, l'Ins­tructeur commença :

"Très chers frères,

Que la paix de Jésus-Christ, que nous avons l'honneur d'aimer et de servir, soit avec nous.

Chantons notre cantique de joie, pour nous retrouver dans le chantier rédempteur où nous sommes invités à for­ger, au prix de sacrifices renouvelés, le bonheur que nous avions auparavant rejeté, par cécité et précipitation.

Notre condition actuelle d'Esprits désincarnés (malgré les divers noms donnés par les religions), n'est pas trop dif­férente de ce que nous avons été ni des anges, ni des démons, mais des hommes, des âmes en apprentissage soutenu, dont la seule différence consiste à n'avoir pas de corps de chair à présent.

La matière que nous avons quittée il n'y a pas longtemps, ce dont souvent nous nous plaignions, est un champ d'action béni. Personne d'entre nous ne pourra monter spirituellement sans la rançon due aux ombres du passé, sur la Terre.

Malgré le désir ardent d'évolution chez quelques-uns et le regret cuisant chez d'autres, la réincarnation est pour nous encore une occasion inespérée d'évolution, grâce à laquelle, dans l'objectif de la construction éternelle, nous allons sceller de ciment divin nos propres pensées.

Même si nous cherchions à oublier, nous sommes tou­jours ces mêmes âmes qui entendirent les messages cé­lestes, que ce soit par l'initiation ésotérique, en Inde loin­taine, en Egypte ancienne en Chaldée d'autrefois ou en Israël florissant de jadis ; abandonnant néanmoins immédiatement les enseignements reçus, descendant les grands fleuves, ou­vrant les champs de bataille, pillant, tuant, ou nom d'hégé­monies politiques et religieuses mensongères.

Emus près des prêtres vénérables, fascinés par les ré­vélations de Brahma aux "richis", ébahis par les voix dans la bouche d'interprètes du Message, nous avons tout oublié dans le désir du pouvoir et de la domination, et malgré le Martyr de Nazareth, beaucoup d'entre nous poursuivent les mêmes errements qu'auparavant.

Par la voie de l'envie, nous élargissons notre tableau de méfaits, nous envahissons des foyers honorables, nous polluons des familles entières, nous détruisons des villes…

Dans nos désirs de suivre les traces d'Attila, d'Alaric ou, avant eux, Gengis Khan, Alexandre, César... nous cherchons à nous abreuver de pouvoir avec le sang des vaincus. Chez bon nombre d'entre nous, vibrent encore les monstres de l'animosité, qui cherchent seulement l'instant propice pour atteindre le pouvoir, faire des esclaves et détruire. N'ayons pas le fol empressement de la libération prématurée. Le bonheur solitaire est menteur; les victimes et les adversaires de nos Esprits gémissent encore en des ré­gions désolées, enchaînés à des haines séculaires ou atta­chés à des poteaux de souffrances intraduisibles, dévastés par le désir atroce de vengeance ; nous devons leur offrir le concours de notre renoncement édifiant.

La tranquillité dont nous jouissons à présent, représente une trêve dans ce champ de bataille. C'est un apport de la Miséricorde Infinie qui nous permet d'apprendre, en nous offrant les instruments de l'amour, à réparer les chemins détruits. Servons-nous de telles grâces et dans nos moments de méditations, efforçons-nous de réaliser mentalement l'Idéal dans la matière, afin que, le moment du retour sonné, nous n'ayons pas à présenter les regrets de nos bons propos.

Lors du départ vers notre terrain d'expériences, ne nous attendons pas à la facilité sans restrictions ni sans épreuves, à la lumière, à l'aide de l'affection et du bo­nheur ; ce sont là des récompenses auxquelles nous ne pou­vons pas prétendre.

Le laboureur qui se dispose aux semailles, laboure d'abord le champ par un travail pénible. Quand le sol est bien préparé, il peut répandre les grains.

Ne cherchons pas à lancer les grains de nos bonnes intentions avant le travail de débroussaillement et le net­toyage du terrain. Les premiers temps ne sont pas faciles. Les longues nuits empêchent d'apprécier les premiers rayons du soleil car ils aveuglent ceux qui ne sont pas habi­tués à la lumière.

Les grandes haines et leur cortège de vengeances et de défis ne peuvent pas recevoir le pansement de la compréhen­sion ou de l'amour; il convient de s'en rendre compte rapi­dement.

La réparation implique une volonté de coopération.

Réparer le passé c'est en subir les conséquences.

Nos victimes continuent de souffrir, et comme elles sont encore en chemin avec nous, par chacun de nos actes, elles se souviennent des trahisons, des hypocrisies, des pièges de jadis ; elles répondront à nos avances par la colère ou la rudesse ; n'étant pas capables d'un pardon qui leur a été refusé quand elles l'ont demandé, elles ne peuvent pas nous aimer et elles nous voient comme des loups féroces travestis en moutons. D'un certain point de vue, elles ont raison…

Partis d'ici ou d'autres Centres de redressement sem­blables, des voyageurs, par milliers, emportent les marques de leurs dettes envers la vie. D'autres reviennent chargés de maux, sous des souffrances indescriptibles.

Quelques-uns s'acheminent en tremblant vers l'heureux avenir. D'autres encore reviennent comme des naufragés en proie au désespoir, comme des épaves du déraisonnement dans une mer houleuse. Plusieurs se retrouvent replongés dans la matière et, manquant de respect envers les forces spirituelles, ils reprennent les liens de l'esclavage par des liaisons prohibées ; ils retournent ainsi dans les bras du Moloch destructeur auprès de qui ils pensent jouir de plaisirs ; en proie à une sorte de folie, ils s'accordent par manque de méfiance à d'anciennes affections, séduits par des entités maléfiques et irresponsables ; ils se réveillent trop tard entre la déraison et la barbarie, ce qui ajourne indéfi­niment leur processus d'élévation spirituelle. Ils sont sujets alors à d'atroces expiations, livrés à l'usure du temps pen­dant des millénaires qui leur émousse les arêtes vives, les exposant aux recommencements dans les mêmes conditions et les mêmes circonstances où ils on failli. Les insuccès se répètent inexorablement.

Personne ne peut tromper la Loi. Elle poursuit vibrant avec nous, dans le désir ardent de nous aider, mais aussi de rendre justice. Aucune âme ne saurait bénéficier de cir­constances spéciales.

Il n'y a pas deux voies, la première faite de sentiers affreux pour les uns, la seconde toute confortable pour d'autres. Tous suivent le même chemin, en bâtissant l'ave­nir des actions du présent. Il n'y a point de recul possible.

Quand nous déciderons-nous enfin à nous envoler au-dessus des vicissitudes ? Dieu seul le sait !

De Jésus, notre modèle, nous avons reçu par son testament, des avertissements solennels ; ses enseignements sont lumineux.

Nous retenons dans le plus profond de l'âme l'exemple dont il marqua l'histoire. Nous sommes encore bénéficiaires de la chaleur de ses lumières et de la bonté infatigable de son coeur.

Nous entendons encore de mille manières, sa voix dans le coeur et dans la pensée. Pourtant, apparemment fatigués, qu'attendons-nous pour décider de nous mettre au travail ? Faudrait-il qu'il meure à nouveau ? Est-il possible que le Maître descende encore une fois chez les hommes, dans l'incarnation, pour retourner à son martyre ?

Non, mes Frères, cela n'est pas nécessaire !

Rappelons-nous que le Seigneur ne s'est jamais écarté de nous. Son enseignement jette de la lumière sur notre chemin ; cela augmente nos responsabilités surtout lorsque nous avons choisi une des voies de la foi parmi les diffé­rentes formes du Christianisme.

Le Message du Christ nous dit toujours : "Cherchez et vous trouverez"...

Que désirons-nous encore ? La bonne nouvelle n'est pas uniquement un fait de plus dans l'Histoire Universelle. C'est de l'Histoire, plus grande encore que l'histoire chronolo­gique.

Plus qu'une leçon d'éveil moral et spirituel, c'est aussi une voie libératrice. En cela elle est différente de toutes les Nouvelles apportées au monde. Elle demande aux hommes de se régénérer, de secouer la poussière de la paresse, de réunir ses moyens et de se mettre à l'oeuvre de manière dé­cisive.

Avant la venue du Maître, nous croyions au repentir tout court, sans oeuvres à l'appui, ainsi qu'à l'achat des faveurs célestes moyennant des offrandes et des sacrifices qui ne satisfaisaient que de malheureux Esprits bénéficiant d'une ignorance qu'ils encourageaient. Avec Jésus, nous apprenons que le sacrifice "le plus agréable à Dieu" est celui de notre propre "immolation" par le renoncement et le tra­vail au profit spirituel d'autrui.

La recherche prônée par l'Evangile est une invitation instante au travail et non pas à la recherche désoeuvrée.

Celui qui se dressera pour affronter les fantômes tour­nant autour de son idéal, vaincra les obstacles et assurera son accès à la Vie supérieure.

Ayons dans l'esprit préoccupé de la recherche de la Vie supérieure, le désir de dépasser les abîmes d'un "Moi" mala­dif. Alors, la Vie Majeure sera là sûrement, nous appor­tant la paix des justes et le bonheur des élus."

Le vénérable vieillard se tut. Nous avions tous compris la solennité de ces paroles précieuse s; on y percevait le souci de convaincre mêlé à ce sens des responsabilités, apa­nage des âmes en processus de réveil.

Quelques-uns, tout émus, comme moi, pleuraient, nous rappelant peut-être, notre condition de naufragés, accueillis par cette assemblée.

Ensuite, une jeune fille se leva ; une harmonie mélo­dieuse emplit l'espace de vibrations très douces; surprise, je reconnus Suzanne.

L'orateur prononça la prière qui lui venait des lèvres mais aussi du coeur comme des fleurs embaumées de promesses. Les mots produisaient des effets colorés et déclen­chaient en cascades, des vibrations régénératrices.

Des fleurs en forme de coupes, transparentes, aux tein­tes différentes, flottaient dans l'air comme des papillons, puis tombaient en abondance ; elles se désagrégeaient en pénétrant dans les pores de la peau.

Des étoiles étincelaient là-haut, comme des yeux d'an­ges enchâssés dans le dôme du firmament.

La réunion était terminée.

Nous quittâmes l'auditorium et, silencieusement, nous retournâmes à nos foyers.

ENTENDRE ET APPRENDRE

Ma fille,

Tu sauras combien sont consolantes les promesses de demain, quand, à travers les activités de l'heure présente, tu les consacreras à des buts élevés. Disposer du temps avec sagesse est essentiel ; il est rare que les gens comprennent la valeur légitime du temps.

La vie spirituelle, pour moi, ressemble à la vie corpo­relle, bien que, d'après un esprit éclairé, "la vie sur terre soit différente". Néanmoins, dans le monde spirituel, l'Esprit peut acquérir une meilleure vision et des connaissances qu'il ne peut pas sous-estimer étant donné leur grande valeur. Tant que nous sommes dans la chair, nous ne dispo­sons point des éléments nécessaires à l'observation des faits pour les mettre à leur juste place, comme des dons célestes pour nos esprits assoiffés de progrès intérieur. Nous faisons souvent des entorses aux significations des messa­ges qui nous sont adressés, les déchargeant sur le prochain et ne les acceptant jamais comme avertissements pour nous-mêmes. Dans la vie spirituelle cependant, cela n'est pas possible parce que, éveillés à la vérité dont nous avons besoin, nous cherchons à chaque événement ou à chaque récit, apparemment sans importance, ce qui puisse nous être utile, de manière à adoucir les conflits intérieurs et à amoin­drir les affres du repentir.

Parmi ces leçons silencieuses, celle qui m'a le plus tou­chée, c'est celle du travail humble et très important, qui me met face à moi-même, dénuée des soucis d'apparences et de formalités, me permettant des méditations proposées par l'expression du Maître : "et le Père travaille en ce mo­ment".

Je me souviens aujourd'hui, d'avoir lu sur Terre, que "le travail constitue encore la meilleure façon de faire passer le temps".

Ce n'est pas dans ma pensée de dire qu'on doit trouver dans le travail une manière de se libérer du temps, en le laissant s'écouler ; c'est exactement le contraire ; faire pas­ser le temps avec l'aide du travail signifie : tirer un profit anoblissant de ce temps.

J'ai trouvé dans le travail, comme je viens de le dire, un véritable rafraîchissant de l'âme, ma fille. Ce stimulant, pourtant, ne se trouvait pas dans les grandes oeuvres, mais dans la labeur simple, de peu de valeur, de petite portée, que personne ne voit, qui ne présente pas de résultat immé­diat ni de bénéfice apparent.

Je me suis consacrée aux travaux d'expérimentation, aux services d'aide au prochain, d'assainissement, de com­passion, de la prière et, surtout, de la "goutte d'eau" ser­vant à de mille petits riens. On a fait récemment au Cercle de Prières des commentaires sur la valeur des petites cho­ses, ces réalisations presque sans valeur et un nouveau monde s'est ouvert à mon entendement, qui en fut tout surpris.

Un vieux travailleur du Champ du Seigneur sur Terre, présenta dans cette conversation animée, ce qu'il appelait "mes humbles suggestions" sur ce sujet d'importance, avec un accent de tendresse dans la voix :

« C'est dans les affaires les plus intimes, commen­ça-t-il, que se retrouve la grandeur des maximes. L'Univers a comme patrimoine l'atome et celui-ci est l'enfant de l'éner­gie. Tout tourne à l'intérieur de nous et en dehors de nous, résultat de la particule invisible en mouvements gracieux d'attraction, de cohésion et de répulsion. »

Et, ramenant ses observations à des sujets plus com­muns, il affirma :

« Le discours brillant est le résultat du mot s'appuyant sur d'autres mots en arrangements gracieux. Le mot bien taillé vient de la syllabe modeste qui s'appuie sur une autre syllabe. Celle-ci, à son tour, est la fille de la lettre qui renonce à son individualité et se ratta­che à une autre lettre pour contribuer à l'ensemble.

Le pain nourrissant et savoureux sort du blé plongé dans la terre silencieuse et obscure. La route confortable sur laquelle roulent, en confort matelassé, les voitures de luxe, est produite par la pierre tranchante soumise à une lourde machine, et le goudron à l'odeur désagréable associé au sol dans un accouplement utile. L'air que l'on respire, l'eau que l'on boit, sont des expressions grandioses des peti­tes choses, dans les grandes réalisations. Dans les villes, le repos de la société dépend du guet de serviteurs nocturnes anonymes. La santé se soutient grâce aux mains qui ramassent les ordures.

Les habitudes du "hold-up" et du crime se corrigent dans des Colonies Agricoles Pénales sous l'assistance d'hom­mes qui renoncent aux plaisirs de la vie à l'extérieur, dans leur condition de gardiens et de serviteurs.

De la même façon, le phare déploie son appel par la nuit obscure, sur les pointes abruptes et les îlots perdus grâce au sacrifice de quelques hommes au nom inconnu.

La dame enivrée de vanité qui circule dans les salons en fête, recouverte de soies et de tulles, ne se soucie pas de l'ouvrière qui, peut-être en pleurant sur la robe de salon, sous l'amertume et les problèmes, fut la réalisatrice de la toilette qui relève la beauté de son corps.

La statue lumineuse immortalisant dans le marbre des vies illustres retient le nom du sculpteur, mais oublie l'humble maçon qui en dressa le soubassement avec du sim­ple mortier afin que l'oeuvre se dresse, imposante, sur la place publique.

L'hôtel de luxe, auréolé de vanité, maintient la répu­tation de son nom par le silence des femmes de ménage la­borieuses et soumises, sur les modestes garçons de cuisine, laveurs des plats où l'on présente les mets.

La pierre précieuse qui scintille dans le pendentif ouvragé ne retient pas le nom de celui qui, au prix de renoncements et de soumissions continues, passa dans la fange toute son existence.

Bref, la prolifération de la vie végétale n'est possible qu'à travers le pollen minuscule ; comme pour l'homme, elle ne surgit que d'un petit œuf »

Et, en souriant, il conclut :

"Le grand cheminement naît du premier pas ; le tissu a son origine dans le fil, le corps humain dans la cellule, comme tous les corps vivants et l'Univers infini, dans la vibration de l'amour de Dieu. Nous pouvons oublier les petites choses et ce qui est humble. Nous ne pouvons pourtant, jamais, nous passer d'elles !"

Dans la conversation, à notre Infirmerie, dans l'arran­gement des lits, dans l'appui fraternel, avec un sourire de compréhension et avec la prière de secours aux souffrants, comme je l'ai déjà dit, je me suis rencontrée moi-même.

Dans ce travail béni, j'ai pu faire la connaissance du malheur des frères recueillis dans la Maison et mélanger, avec les leurs, mes larmes et mes douleurs, apprenant d'inoubliables leçons qui m'ont élargi les horizons de l'en­tendement, comme lorsque la lumière pénètre dans la grotte obscure et la libère discrètement de ses ténèbres et de ses habitants repoussants.

Ici, une fille obsédée par le souvenir mordant de l'ingratitude qui fit saigner le coeur de sa mère glisse vers les abîmes du remords que le tombeau a éveillé. . .

Là, c'est le médium qui négligea son rôle de fidèle rap­porteur entre les deux mondes, assommé de souvenirs cui­sants que le temps ne réussit pas à effacer.

Plus loin, c'est le mari infidèle qui s'était jeté dans la sensualité et qui peine maintenant sous le fardeau du re­mords depuis qu'il a appris le désespoir de sa femme la jetant dans l'immoralité à la recherche de digression et d'oubli. . .

Là-bas, en pleurs, une mère oublieuse des devoirs sa­crés se rappelle, en proie à un grand trouble, s'être résolue à l'euthanasie envers son mari martyrisé par une maladie atroce, croyant le libérer de la douleur, mais qui éprouve à présent, le cri de la conscience en désespoir.. .

... Adultère, encouragement de la femme à la déprava­tion, vols, meurtres, jalousie, haine, gloutonnerie, ambition et toute une traînée de misères, voilà ce que l'on trouve sur le visage de leurs auteurs les plus déclarés dont certains, dans le monde, ont reçu des honneurs, alors que leurs crimes et intrigues n'étaient connus de personne. La justice a puni quelques-uns d'entre eux mais elle n'a pas pu ou n'a pas voulu les punir tous ; les coupables, cependant, n'ont pas réussi à s'enfuir de la prison sans grilles de leur cons­cience dont les filets et les rets sont incessamment surveil­lés par la Loi naturelle.

Entendre et apprendre, en écoutant les états d'âme émouvants avec la promesse de rémission par les stages à venir dans l’incarnation.

LA FOLLE

On m'avait dit que cette nuit arriverait dans notre Infirmerie pour y séjourner dans la Section des fous, une jeune dame recueillie dans les régions inférieures par la Caravane des Messagers de la Croix.

J'ai attendu l'événement dans l'espoir d'offrir mes soins et mon assistance fraternelle à la malade.

Très tard dans la nuit, j'entendis s'arrêter devant la porte la voiture qui conduisait les infirmes. Je me précipi­tai pour prêter secours et j'aperçus un ancien carrosse, com­plètement fermé, tiré par quatre chevaux blancs de grande taille.

Des infirmiers prêts à intervenir attendaient également les malades annoncés. Le va-et-vient augmenta subitement.

Aidée par Adriâo, je m'approchai de la Bienfaitrice Zé­lia qui surveillait les travaux grâce à sa grande sérénité, étant vite obéie.

Parmi les malades emmenés aux départements spécia­lisés du pavillon où je me trouvais, je n'eus aucun mal à repérer celle dont n'avaient parlé les amis, avec une ten­dresse dévouée.

Deux jeunes gens la placèrent sur une civière et la portèrent avec précaution jusqu'au lit déjà préparé. La fi­gure pâle et en sueur montrait un état d'agitation vraiment cruel ; elle semblait, pourtant, évanouie. Elle paraissait avoir vécu à peine quelque quarante ans sur Terre.

Déposée avec soin sur le lit tout blanc, la malade res­tait évanouie.

Zélia me fit signe d'approcher et me dit :

« Ce moment représente votre chance de vous inté­grer dans les services de notre Maison. Comme vous savez, les gestes les plus simples d'aide au prochain, se changent en lumière dans notre propre route vers l'évolution. Ne retardez point le moment qui se présente à vous de façon si avantageuse. Dites aussitôt que possible à Adriâo que Mathilde a besoin d'assistance spéciale. »

En se tournant vers des serviteurs plus expérimentés, elle ajouta, pour justifier mon offre au travail :

"Mathilde est son occasion de recommencement".

La Bienfaitrice sourit. Heureuse de saisir ma grande chance, je remerciai le Père Céleste, toute pleine de recon­naissance.

Depuis déjà quelque temps, je m'étais habituée à l'im­portante tâche de transmettre des renseignements sur les malades, messages d'urgence d'une infirmerie à l'autre. Comme les salles d'assistance étaient rapprochées les unes des autres, disposées dans des ailes rectangulaires séparées par des jardins, je me trouvais en condition de m'appro­cher de plusieurs d'entre elles ; je m'y consacrais aux tâches de nettoyage.

Sachant que je trouverais l'infatigable Adriâo dans les chambres de repos des obsédés en cours de rétablissement, je le rencontrai bientôt très aisément.

Il avait déjà appris que sa présence devenait nécessaire pour des raisons impérieuses ; toujours aussi serviable, il laissa à peine paraître un nuage d'inquiétude sur son visage et, un peu pressé, il se mit en marche ; je le suivis.

« Mathilde, me dit-il gentiment, est un cas qui exi­ge énormément de soins. J'ai eu l'occasion de la visiter dans les régions où elle se trouvait et je me suis renseigné sur sa situation par l'intermédiaire d'amis soucieux de son ré­tablissement. Gardons confiance, et ne nous laissons pas décourager. »

Quand nous sommes arrivés, l'infirme se montrait fort inquiète, en proie à des convulsions qui la secouaient sans cesse ; elle se tordait les lèvres et son corps s'agitait comme sous l'emprise de visions terrifiantes.

L'infatigable Zélia arriva aussitôt ; voulant intervenir, elle nous demanda immédiatement :

« Unissons-nous mentalement, pour supplier les dons divins en faveur de la malheureuse qui rentre maintenant au foyer accueillant. »

Pendant quelques minutes, mes larmes, devenues fami­lières, glissaient sereines, sous la prière silencieuse. C'était la première fois que je participais à des soins directs par l'im­position des mains. Je ne réussis point à ne pas penser à mon cas personnel ; il y avait plus d'un an, j'avais reçu l'aide magnétique de cet ami dévoué. Toute au souvenir de mes propres besoins, je demandai en suppliant, au Maître de la Compassion de donner sa bénédiction à notre petite soeur, victime d'elle-même, gisant là, épuisée et ahurie.

L'infirme se débattait encore ; elle ne se calma que peu à peu sous la douce chaleur de la prière. Son visage tout en sueur, elle avait les cheveux collés en tignasse sur le large front pâle. Les yeux dilatés semblaient vouloir rompre les limites des orbites qui ne les maintenaient qu'à peine ; cependant, on comprenait qu'ils ne percevaient rien de ce qui se passait tout autour ; ils se montraient pleins de stupeur, noyés dans le lointaines et terribles images fixes. De temps en temps tout son corps périspirital très dense, était agité de tremblements nerveux tout à fait incontrôlables.

Adriâo, en prière muette, plongeait dans les sources fécondes du Bien, en aspirant le parfum de l'amour dont il s'enveloppait tout entier comme d'un habit de lumière.

En s'approchant avec une tendresse incomparable, telle la mère dévouée auprès du berceau où sommeille l'enfant, Zélia étendit les bras et, mettant en mouvement des éner­gies qui coulaient de ses muscles, elle commença l'imposi­tions des mains. Lentement, de façon rythmée et suivie, ses mains allaient du front aux membres inférieurs de la mala­de, la vitesse des mouvements augmentant peu à peu.

Tout à coup, la malade se mit à gémir d'une voix pres­que inaudible, tandis que, de sa bouche à demi-ouverte, glissait une pâte fluidique malodorante et noire qui em­puanta tout à l'entour.

Les mouvements de l'imposition des mains continuè­rent sans relâche, facilitant l'écoulement de l'énergie malfaisante qui réduisait la malade à un état de misère vitale profonde. Au fur et à mesure que le secours se poursuivait, généreux, la couleur et l'aspect de ce qui lui sortait de la bouche se modifiaient. En quelques minutes la pâte s'était changée en vapeur grisâtre.

Soeur Zélia, voulant sûrement me renseigner, expliqua à mi-voix :

« Ce sont des énergies accumulées longuement par l'âme imprudente. On le sait, chaque âme respire le climat mental de la région où elle place sa pensée. Notre pauvre amie, bien que pleine de bonnes intentions au début, n'a pas réussi à se garder des vicissitudes humaines ; le feu des plai­sirs brûla ses meilleures possibilités de redressement devant la loi des réparations. »

Et, poursuivant son exposé, elle ajouta :

« La Terre n'est pas un Paradis, nous le savons bien. Mais, c'est une usine où nous nous entraînons aux tâches de l'évolution. Lorsque nous découvrons là-bas les possibilités d'éprouver du plaisir, nous brisons les chaînes du devoir et nous nous attachons aux vices qui enivrent et anéantissent. Pour nous libérer de ces maux, les intentions louables nous aident un peu, mais seulement lorsqu'elles sont accompa­gnées de bonnes actions. »

Après un instant de méditation, elle résuma l'ensei­gnement :

« Sous l'assistance des forces positives d'Adriâo, le corps périsprital de la malade est en train de recevoir l'éner­gie salutaire qui finira, comme il arrive dans la phagocytose du corps physique, par vaincre les miasmes mentaux accu­mulés qui, à présent, gênent son redressement psychique. »

La Bienfaitrice se tut. Je pouvais, cependant, entendre la voix du magnétiseur qui encourageait Matilde au repos :

« Dormez ! ... Dormez ! ... Oubliez ! ... Cherchez à oublier ! ... N'ayez par peur ! N'ayez pas peur ! ... Un som­meil réparateur... vous visitera et vous calmera, ma soeur ... Ne pensez plus à rien ! ... Oubliez ! ... Il faut oublier. . . »

Cette voix calme et douce semblait posséder un pouvoir magique puisque, en quelques instants, la malade s'endormit, en fermant, enfin, les paupières, la respiration re­devenue normale.

Le travail d'assistance du moment était fini, mais de nouvelles ressources seraient nécessaires pour soigner cet Esprit angoissé.

Adriâo sourit avec simplicité, comme s'il s'excusait, et observa :

« N'oublions pas que la Charité du Dispensateur infa­tigable ne cesse jamais de nous secourir à chaque instant. Le cas présent est un exemple typique d'âme naufragée dans les tourmentes de la chair, en flagrante désobéissance au Pouvoir Divin. Malgré cela, Sa miséricorde au nom de l'Illi­mité n'a pas négligé Mathilde et, toujours attentive, elle a étendu ses effets protecteurs sans que la malade angoissée l'ait suppliée. Elle se reposera un peu, conclut-il, ce qui éteindra pour l'instant la flamme de l'anxiété qui la dévorait ; elle se réveil­lera plus tard comme un volcan en subite éruption. »

Et comme il lisait la plus grande surprise sur mon visa­ge, il ajouta :

« Il n'y a là rien d'étrange, ma soeur. Nous ne som­mes pas dans une Grotte des Miracles, mais dans une Insti­tution Hospitalière consacrée au rétablissement et au rée­quilibre. Le remède donné diminue la douleur sans exemp­ter la malade de présenter ses comptes envers sa conscience coupable. Heureusement, il n'y a pas, au-delà de la mort, le prompt règlement injuste résultant de faveurs spéciales pour les uns au détriment d'autres malades ; tous sont éga­lement enfants du même Père. Chaque esprit souffre après la mort de la mauvaise Pédagogie sur laquelle il s'est guidé tant qu'il se trouvait à 1'Ecole de la Terre ; il doit subir le joug qu'il a mérité selon les différents compromis consen­tis avec la vie. »

Désirant peut-être s'étendre un peu plus pour mieux s'expliquer, il ajouta avec humilité :

« Nous nous réveillons toujours en proie à l'angélisme ou bien au satanisme que nous entretenons par la pensée et par l'action. Chaque âme est ce qu'elle pense. Le Ciel et l'Enfer sont des constructions personnelles de chaque être. La bonne intention de certains a sa valeur ; toutefois, la construction éternelle n'est pas uniquement une résultante de l'occasion qui se présente, mais surtout celle du travail effectif. »

Il conclut, enfin, avec fermeté :

« Nous remettons dans la Création ce que nous enle­vons à la vie. Dans la vie universelle tout est échange, par des transformations évolutives incessantes. Il n'existe pas de repos, de vide, de silence; s'ils existaient, il signifierait le chaos de l'Univers lui-même. Nous trouvons partout la vie qui chante les gloires du Suprême Constructeur en exal­tant son oeuvre. »

L'émotion m'étranglait la gorge. Dans ma simplicité mentale, de telles idées ne m'étaient jamais venues. Je ne m'étais jamais occupée de chercher le Père Donateur dans l'oeuvre glorieuse qui nous offre le bonheur de l'éternité de la vie. Et je me souvins de ceux qui "humanisent" le Sei­gneur en m'apitoyant sur leur ingénuité.

« Le pain qui se présente sur la table, observa soeur Zélia jusqu'alors silencieuse et attentive, provient de la boue de la terre dans un sacrifice merveilleux; le grain de blé s'y est laissé mourir. Vie c'est changement, c'est évolution ! »

Les idées apprises auprès de la nouvelle venue m'inon­dèrent de paix, d'un espoir inconnu, sans conteste, fruit de quelque fibre d'une foi religieuse légitime. La croyance est le résultat de la connaissance, grande amie de la raison. Lorsque nous ne pouvons pas raisonner, nous acceptons, mais nous ne croyons pas vraiment. D'où l'affirmation du Maître de la Codification du Spiritisme : "Une foi inébran­lable est celle qui peut regarder la raison face à face à tou­tes les époques de l'Humanité".

Combien de sujets de réflexion, mon Dieu ! Pens­ais-je. Le Spiritisme est vraiment, le grand consolateur des esprits ! et je me laissais emporter par l'émotion de constater que cette Doctrine, si satisfaisante, libère l'âme et la prépare à se retrouver elle-même. Je me souvins alors de ce que Jésus avait dit au sujet du Consolateur promis : "Il vous enseignera beaucoup de choses que vous ne pou­vez pas encore comprendre".

Les heures s'avançaient lentement et l'aube teignait de pourpre le ciel aux rayons du soleil naissant.

Je m'étais offerte à veiller attentivement sur la nou­velle venue, tâche que j'accomplissais de mon mieux. De là où je me trouvais, je suivis les prières du matin, envahie de pensées bienfaisantes. La nature ne m'avait jamais sem­blé aussi belle et, en moi-même, un nouveau courage me parlait de promesses d'action.

La prière m'enveloppait de ses douces vibrations et le souvenir des amis incarnés, qui m'avait tant préoccupée, ne me faisait pas souffrir en ce moment-là. Absorbée dans la contemplation des nuages qui glissaient rapidement, je n'ai pas vu entrer le lucide Adriâo.

« Faire des projets d'avenir centrés sur le mieux, c'est vivre le bien présent. » me dit-il, en me touchant légè­rement l'épaule.

J'ai eu un petit sursaut et, regardant son visage ami, je n'ai pu m'empêcher de m'émouvoir.

« Ma soeur, ajouta-t-il, Jésus est la Vie même et il nous veut heureux et diligents. La joie est un gage de santé et de paix. Donc, réjouis-toi dans le Seigneur, et avance. Toutes les grandes tâches commencent à partir de longs cheminements de planification mentale. Aujourd'hui nous pensons et demain nous réaliserons. La pensée et les mains, le raisonnement et l'action, le cerveau et le coeur dans l'oeuvre du Seigneur en faveur de notre évolution, voilà le programme à suivre. Le Christ est la voie. »

Je m'extasiais toujours quand j'entendais le jeune Adriâo. En l'écoutant, je revenais dans le passé et j'évo­quais les exposés oraux qui m'avaient acheminée vers la Doctrine de la Consolation et de l'Espérance.

En ce moment, soeur Zélia arriva et s'approcha de nous. Nous remarquâmes que l'infirme s'agitait, inquiète, dans sons lit.

Elle se souleva subitement, les yeux égarés de peur, et se mit à crier, en proie à de véritables signes de folie :

« Les vampires ! Au secours ! Les loups viennent après moi ! Aidez-moi, pour l'amour de Dieu ! »

Avant qu'elle ne se jette affolée, nos amis s'étaient aussitôt approchés d'elle, la retenant par des mots de réconfort, tandis qu'Adriâo lui faisait des impositions de mains calmantes.

C'est après un certain temps qu'elle réussit à se calmer un peu, bien qu'inquiète, en tremblant et en sanglotant.

Ayant remarqué chez moi le trouble et la crainte, l'ami me tranquillisa :

"Tu comprendras, plus tard. Pour le moment, prie et aide-nous !"

Une fois la malade tranquillisée, nous décidâmes qu'à vingt heures, avec l'aide du Docteur Cléofas, nous lui dispenserions une assistance plus spécifique.

MANQUE DE VIGILANCE — SIMONIE

J'ai attendu l'horaire prévu en maintenant ma pensée attentive aux recommandations des Bienfaiteurs concernant le travail de la prière.

Quand vingt heures sonnèrent dans la nuit pleine, précédé de Soeur Zélia, Adriâo et deux auxiliaires, le Docteur Cléofas entra dans notre Infirmerie, auréolé de la bonté qui le caractérisait. Le sourire candide jouait dans son visage serein comme le jour où je l'avais connu, pendant mes an­goisses. L'amour fraternel qui coulait de son regard nous plongeait dans des émotions fort douces et des questions s'entassaient en mon esprit encore insuffisamment éclairé.

Après les salutations, nous nous sommes assis autour du lit, tandis que le vénérable médecin de Sâo Paulo, par des mots rapides et pleins de sens, demandait l'inspiration et l'assistance du Médecin Divin.

Répondant à un regard expressif du directeur des secours, l'obligeant imposeur de mains s'approcha de la malade inquiète, qui dormait d'un sommeil agité ; il l'appela posément, d'une voix ferme où se mélangeaient la tendresse et l'ordre, la bonté et l'énergie.

La malade entrouvrit les paupières; dans son regard à demi-mort flottaient encore des souvenirs lointains et dou­loureux.

« N'ayez pas peur ! dit le magnétiseur. Ayez confiance en Jésus et tranquillisez-vous. Il faut vous réveiller à la vérité, ma soeur, bien que cela nous impose la lourde tâche de vous décharger du fardeau de vos désenchante­ments et de vos manques de responsabilité. Soyez sûre de la victoire finale du Bien sur toutes les choses incertaines et douteuses. »

Devant le regard surpris de la malade qui raisonnait lentement, il poursuivit aimablement :

« Ne cherchez pas à offrir de la résistance. Remettez-vous au Seigneur qui nous aime beaucoup et sous la direc­tion duquel il y a une possibilité de mille recommencements. Libérez-vous du passé coupable et ne pensez qu'au présent. Ecoutez-moi attentivement ! »

Comme la pauvre malade n'était toujours que déses­poir et larmes, la douce et énergique voix du Docteur Cléo­fas l'encouragea :

« Ayez la certitude que la Justice ne châtie pas im­pitoyablement ; bien qu'elle n'oublie pas non plus ceux qui manquent de respect envers elle.

Aux contrevenants, la Loi accorde des ressources pour qu'ils se déchargent de leurs dettes, le moment propice venu ; elle ne favorise point ceux qui veulent la méconnaî­tre. Les amis d'hier, ceux qui vous ont conduite aux brumes de la vie terrestre, sont auprès de votre esprit affligé en le soutenant encore une fois.

Ecoutez et souvenez-vous ... Nous allons reculer dans le temps, pour rompre les chaînes qui arrêtent la pensée dans les derniers événements. Reculez, Mathilde, recu­lez... ne craignez pas..."

La souffrante se laissa conduire peu à peu par la voix amie ; bientôt lui revint un visage serein comme si d'agréa­bles souvenirs lui réapparaissaient subitement en pensée.

Le Docteur Cléofas s'approcha de son lit et, lui prenant la main droite humide de transpiration, l'invita à un examen des comportements qui l'avaient portée à un échec aussi cruel dans le monde. Tandis que la magnétisée se souvenait de son existence, l'orientateur paisible nous expliqua :

« Manque de vigilance ! Voilà le nom du "démon" qui vainquit la candidate au travail. »

Poursuivant avec sa sagesse habituelle, il ajouta :

"Mathilde, après des échecs successifs, au cours de réincarnations antérieures, retourna sur Terre, au bout de dix ans de préparations dans notre Ecole, une fois arrachée aux régions douloureuses où elle était tombée.

J'ai été renseigné encore de ce que, à son retour sur Terre, elle portait avec elle un patrimoine inestimable de bonnes intentions, anxieuse qu'elle se montrait de s'incor­porer ou service actif.

Pourtant voici comme elle rentre de ce séjour sur Terre : en lambeaux et toute angoissée, le patrimoine tout en pièces comme le fils prodigue de la Parole Evangélique. On conclut que la bonne volonté dont elle se trouvait imbue quand elle est partie ne lui a apporté aucune victoire. Seul l'effort avec sacrifice, dans le domaine de la lutte, aide l'esprit à arriver au but final; il est le seul moyen de force croissante".

L'Instructeur lucide venait à peine de finir, que la ma­lade poussa un cri de désespoir :

« Qu'est-ce qu'on veut de moi ? Qui ose m'imposer la justice, en me présentant comme une criminelle quelcon­que ? Qu'ai-je fait pour éprouver d'aussi cruelles souffran­ces ? Qui sont mes accusateurs qui voudraient me punir avant que la sentence ne soit prononcée ? Où sont-ils ? »

« Nous ne sommes pas vos bourreaux, mais vos frè­res ; nous nous trouvons très loin du rôle du juge ou des jurés ; nous nous présentons simplement habillées du man­teau de la pitié et de la compréhension fraternelle. » répon­dit le Docteur Cléofas avec bonté.

« Ici c'est le Ciel que m'ont promis les Esprits ou bien s'agit-il d'un stage au purgatoire, à mi-chemin de l'Habita­tion Céleste ? » demanda l'infirme en proie à la révolte.

« Mathilde, ma soeur, répondit le généreux médecin, le Ciel vit partout avec nous, quand nous le réalisons dans l'âme. Ici ce n'est ni le Ciel assurément, ni le Purgatoi­re, ni l'Enfer. C'est à peine une station de secours hospitalier entre le Ciel et la Terre, pour le rétablissement d'âmes qui ont failli durant leur expérience dans le monde. »

« Âme déchue ? demanda l'infirme, en désespoir et baignée de larmes. Moi, déchue ? Non ! Jamais ! J'aurais dû être reçue avec des bénédictions de joie. De quelles res­sources ai-je disposé sur Terre ? N'ai-je pas répondu, par hasard, à tous mes devoirs médiumniques ? Où sont les archives des fiches de travail ? »

« Dans la conscience du travailleur, chère petite soeur, expliqua l'interlocuteur. Ici nous n'avons pas besoin de notes spéciales puisque chaque candidat au stage de redres­sement porte le sentiment des activités qu'il développa sur le plan physique. Les devoirs médiumniques sont restés en marge quand l'entourage des salons vous ont invitée à la scène illusoire des faux triomphes. »

Puis, mettant la voix sur un nouveau registre, il poursuivit, plein de conviction :

« Médiumnité est, avant tout, sacrifice et renoncement incessants. Ceux qui triomphent dans le monde reviennent ici dans la condition de vaincus du monde. Seuls ceux qui réussissent la victoire sur eux-mêmes sont reconnus ici com­me triomphateurs. Les martyrs de l'Humanité selon l'exem­ple de Jésus-Christ, ont été vaincus dans le monde, mais ils ont vaincu le monde.

Nous ne souhaitons pas, poursuivit-il inquiéter votre âme avec des souvenirs pénibles. Il est cependant nécessaire de vous rappeler que médiumnité avec Jésus cons­titue un apostolat sanctifiant, au nom de la Charité.

Médiumnité est travail. Travail sans prix, sans rétri­bution.

L'exercice de la médiumnité, est simple. Il revêt des couleurs tendres, sans exagérations ni artifices. La médium­nité n'appartient pas au médium. C'est un patrimoine de la vie impérissable, un don prêté au voyageur pour être dûment appliqué, en se transformant en valeur sans prix.

Ne croyez pas, ma fille, qu'au moyen de pratiques exo­tiques et vulgaires, vous ayez accompli votre tâche d'aide fraternelle".

Et, devant le silence de l'infirme, il poursuivit :

« Quand l'intérêt personnel trouble la pensée du mé­dium et quand la dignité du sacerdoce cède la place à la flatterie et engage les activités chrétiennes dans un autre sens, des compromis dont la libération devient difficile encerclent l'esprit étourdi. Et votre cas est de ceux qu'on peut appeler de Simonie, dont les néfastes conséquences sont encore impossibles à prévoir. »

La malade écoutait, magnétisée. Exaspérée pourtant, par la droite ligne doctrinale de la pensée de l'interlocuteur, elle cria, comme désemparée :

« Et l'aide divine ? Pourquoi ne m'a-t-elle pas sauvée au moment voulu ? Qu'en est-il du secours des Guides Spirituels qui ne m'ont pas prévenue par des remontrances utiles ? »

Le bienfaiteur éclairé, répondit, avec humilité et com­passion :

« L'aide du Seigneur ne vous a jamais fait défaut, elle vous a été prodiguée de mille manières. Plusieurs fois nous avons nous-mêmes visité votre recoin de travail ; nous avons parlé au nom des engagements pris, à votre pensée capti­vée, séduite par les tentations du bonheur. Nos renseigne­ments et nos inspirations étaient reçus comme des doutes par vous, toujours occupée à décider de problèmes com­muns, de couples et d'affaires, de nouveaux amis riches qui vous visitaient. »

« Toutefois, affirma avec véhémence et mauvaise humeur la malade, j'ai travaillé "aussi bénévolement".

« Nous ne méconnaissons pas la bonté dont vous avez fait preuve et elle n'a pas été oubliée répondit, avec assu­rance et tendresse, le Docteur Cléofas. Notre devoir n'est pas l'utilisation de la vie pour notre propre usage et pour notre propre plaisir. Nous avons des devoirs majeurs... »

Et, en changeant de ton, il dit, quelque peu rieur :

« Jusqu'à présent, le Seigneur nous sert patiemment, sans exigences, avec bonté, "gratuitement". Ne vous laissez plus envelopper par l'impertinence, en vous cachant dans la présomption. Réfléchissez, Mathilde ! Nous voulons vous aider au nom du Médium Compréhensif de Dieu, notre mo­dèle et notre guide. »

Un long silence intervint, bientôt rompu par une voix harmonieuse qui, de loin, élevait un cantique à la nuit, cette bienfaitrice constante.

Atteinte subitement d'un accès de folie, la pauvre fem­me cria effrayée :

« Je suis une malheureuse... Oui, je suis une folle ! Regardez les loups ! Au secours !. . . Les vampires. »

De nouvelles ressources magnétiques furent mises aussitôt en action par Adriâo et par les deux auxiliaires qui étaient accourus, pleins de sollicitude, et se tenaient près du lit.

« Aujourd'hui nous ne pouvons plus rien faire, ex­pliqua le médecin. Notre soeur reste encore très troublée, se souvenant des impressions "post-mortem" vécues dans le précipice de l'Horreur. Laissons agir le temps et confions la malade au coeur plein de bonté de la Mère de Jésus qui nous soulage tant et adressons-lui notre tendresse. »

Une prière spirituellement embaumante faite par Soeur Zélia, couronna la réunion.

MÉDIUMNITÉ DÉCHUE

Cette nuit-là, j'ai tardé à m'endormir. L'affaire Mathil­de me revenait trop souvent en tête. Je me rappelais les explications et il me semblait entendre les mots prononcés par le médecin. Les expressions d'avertissement, de manque de vigilance et de simonie me tourmentaient et me brouillaient le cerveau.

Que se s'était-il passé véritablement ? Quels avaient été les procédés indiqués par le Docteur Cléofas ? A quels vam­pires faisait allusion la malheureuse ? Seraient-ce des visions, fruits de son imagination, ou bien s'agissait-il d'ex­périences malheureuses vécues par elle ?

Le matin suivant, lorsque soeur Zélia vint nous rendre visite, je ne pus tenir plus longtemps ma curiosité ; mon envie d'obtenir des éclaircissements me conduisit à la sour­ce d'expériences. Les paroles pleines d'amitié ne tardèrent pas.

« Otilia, tous nos actes, commença-t-elle aussi bien que nos pensées, se constituent en réalités débordantes de vie qui se matérialisent ou bien qui s'éteignent. Penser et agir sont des forces qui impriment leur sceau à l'esprit. C'est pour cela que nous vivons ce que nous désirons et que nous subissons ce que nous engendrons. Personne n'échappe à la réhabilitation. La chair est la chance dont nous dispo­sons mais personne n'en fera un mauvais usage impunément.

Mathilde, attachée à notre Colonie par des engagements multiples, supplia du secours auprès du ministère de la médiumnité comme le naufragé implore le bateau sauve­teur. Elle ne possédait pourtant pas de mérites qui eussent pu lui faire obtenir la permission demandée. Toutefois, compte tenu de l'intercession de couches spirituelles supé­rieures et en considérant aussi l'importance de l'occasion, la permission lui a été accordée. On la fit précéder d'avertissements, d'orientations et d'éclaircissements, en lui accor­dant une large période de méditation approfondie sur le sujet.

Elle retournait bientôt à la chair sous la protection d'amis spirituels dévoués qui l'ont conduite à un foyer adéquat, où les besoins financiers étaient réels, afin de la garder des dangers de la mondanité. L'occasion de perfec­tionnement spirituel lui était donnée à travers un travail honnête suffisant au maintien de la vie physique.

Son enfance se passa en paix, parmi les jeux de l'inno­cence et ceux de l'espoir porté sur l'avenir. Bien que secon­dée par des âmes bienveillantes, elle portait trop de responsabilités qu'il fallait acquitter. Pour cette raison, elle restait attachée à des êtres pour qui elle avait éprouvé de l'affec­tion autrefois, mais qui avaient été poussés à des crimes à cause de son irresponsabilité à elle.

Au moment de la puberté, lorsque le corps se modelait au fur et à mesure de l'épanouissement de la pensée s'ou­vrant aux récapitulations, la médiumnité s'épanouit également, lui ouvrant les portes à l'action des esprits, en com­mençant par son esprit à elle, tout soucieux de se remémorer les grandes luttes.

Les dettes du passé la tenaient sous le joug de l'obses­sion secondaire, ce qui l'a conduite à une Institution Spirite renommée, à Salvador de Bahia, où son début dans les voies doctrinales devait avoir lieu. Là, en contact avec le travail de Charité active envers les désincarnés, les possibilités psychiques lui furent accordées et, sous la bénédiction du Seigneur, elle offrit bientôt sa faculté médiumnique au ser­vice de la lumière accordée aux souffrants de l'Au-delà. Cela lui permit de proposer à quelques-uns de ses propres bour­reaux une chance de libération.

Soutenue par le dévouement de véritables amis voués à la tâche que le Spiritisme concède à n'importe qui, elle trouva, dès le début, avec l'indication des voies à suivre, de la ten­dresse et de l'aide. A la tribune d'où devaient venir les enseignements, comme à la table de communion avec l'Au-delà, dans les livres d'étude, dans la conduite des dirigeants, elle trouva les bases d'une vie heureuse, pleine de dignité.

A chaque instant, des renseignements sur le chemin à suivre lui arrivaient à travers les paroles inspirées des Ins­tructeurs plus élevés. Des invitations à l'humilité et des aver­tissements sur la vigilance ne manquèrent pas à sa pensée... »

La narratrice fit une longue pause. Elle semblait appro­fondir le raisonnement dans le sens de la Loi, en contem­plant, pleine de pitié, la malade qui dormait profondément. Avec de la tendresse dans la voix, elle poursuivit :

« Malgré cela, avec le développement des facultés médiumniques, des admirateurs arrivèrent et, avec eux, les tentations dangereuses.

Plusieurs de ceux qui entouraient la candidate au re­nouvellement portaient en eux-mêmes de cuisants problè­mes de la sensibilité. Ils lui demandaient avec insistance appui et consolation. Les consultants se succédaient et les moments que Mathilde aurait dû réserver aux besognes du foyer, dans sa condition de femme modeste, elle les consa­cra par mégarde à ces quémandeurs, lesquels, bien qu'aver­tis quant à l'Immortalité, se refusaient à assister aux séances spirites dans le Cercle, pour des raisons trop claires.

En perdant le bénéfice des heures dans le travail matériel pour le "gagne-pain", elle se trouva bientôt obligée d'accepter des dons et des cadeaux qui, provenant soi-disant de l'amitié et de la gratitude, portaient en eux le poison et la ruine. »

En profitant d'une nouvelle pause, venue naturellement, j'interrogeai, en proie à une grande angoisse :

« Et les Bienfaiteurs Spirituels ne l'ont pas avertie dans ce tournant si important de sa vie ? »

« Mais certainement, répondit-elle. Toutefois, Mathilde se refusait à les entendre, éblouie par le faux brillant. Elle se rappelait les besoins matériels subis jusqu'alors et se justifiait mentalement. Elle se souvenait des problèmes qui angoissaient son être. Elle oubliait, assurément, que la douleur est maîtresse de la vie et elle murmurait: "Après tout, je suis en train de travailler plus que jamais dans l'intérêt des affligés et les bénéfices matériels que j'en retire restent très au-dessous du bien que je fais. Quel mal exis­te-t-il à cela ? Les prêtres des différentes religions ne font-ils pas la même chose, en vivant de la foi, avec l'aide des croyants ?" Elle oubliait, affolée qu'elle se trouvait, que le Spiritisme ne peut pas être comparé "aux autres croyan­ces", parce qu'il est dans la Loi que "chacun mange le pain obtenu à la sueur de son front". Dans le même sens, le médium qui n'est pas un être exceptionnel et reste un simple instrument, ne peut rien recevoir parce que, ce qu'il fait, provient toujours du Christ, jamais de lui-même. Les avertissements se poursuivaient néanmoins, constants mais non écoutés !

A leur tour, les Esprits malfaisants s'attachaient aux consultants moins avertis et ceux-ci la harcelaient de leurs demandes, lui offrant de l'argent et d'autres biens acquis souvent dans des activités malhonnêtes ou dans les crimes qu'ils cherchaient habilement à cacher.

En changeant tout à coup le sens que prenait la con­versation, la Bienfaitrice expliqua :

« L'un des plus grands ennemis des médiums est celui qui cherche l'intercession en proie à des soucis, en demandant des "consultations". Personne ne peut résoudre les problèmes des autres, surtout pas au moyen de procédés médiumniques. Celui qui se trouve vraiment angoissé, doit aller chercher la Doctrine Spirite; c'est elle qui lui fournira les instruments pour la solution. Il ne doit pas requérir le médium parce que ce dernier est presque toujours l'âme angoissée, accablée de difficultés, dans son besoin de renou­vellement intérieur. »

Et, reprenant le sujet principal de la conversation, elle poursuivit :

« Etourdie, elle s'émerveillait devant les effets des affections nouvelles et généreuses qui lui offraient le pain et la lumière du bonheur sur Terre. Il lui devenait néces­saire, croyait-elle, de s'éloigner du Foyer des travaux collec­tifs, où elle se perdait dans le nombre sans que ses "dons médiumniques" fussent reconnus. Il lui fallut créer sa MAISON DE CHARITE. En plus, concluait-elle, le nombre de personnes qui venaient lui demander aide était si grand qu'elle n'avait plus le temps de fréquenter le Cercle Spirite. »

En donnant un nouveau cours à son exposé, soeur Zé­ia profita du moment pour m'expliquer :

« Ma fille, quand un médium abandonne le Groupe d'études et, sous des prétextes pas toujours très justes, crée "son" propre Cercle d'activités ou continue à "travailler" chez lui, il s'expose à un grave danger.

Le Cercle Spirite est une forteresse, un abri. Quand il lui manque les données désirables, le médium doit coopérer davantage, et se consacrer au service médiumnique avec dévouement. Il laisse alors aux Guides le soin d'éclaircir et de renforcer les renseignements qui orienteront les direc­teurs vers l'ordre, selon les bases établies par Kardec et les sublimes leçons de Jésus-Christ.

Cela nous préoccupe, d'ailleurs, que les Esprits malheu­reux se servent de l'imprévoyance des médiums et des pré­cepteurs. A l'heure actuelle, en divisant les groupes à leur fantaisie, ils cherchent à créer chaque jour de nouveaux secteurs de travail des groupuscules, presque tous fruits de la division, de la vanité et de la présomption. »

« C'est ce qui arriva à cette médium-là. » repris-je.

« Pleine d'enthousiasme, poursuivit mon interlo­cutrice, elle ouvrit "les portes du Foyer à la Charité tota­le", comme elle avait l'habitude de dire, en se faisant terri­blement illusion. Plus les faveurs humaines l'entouraient, plus elle se rendait inaccessible aux voix des Amis Spirituels.

Entourée d'entités paresseuses ou vicieuses, avec lesquelles elle s'accordait en pensées communes, ahurie par le volume des exigences de la clientèle insatiable et toujours croissante, elle se laissa, peu à peu, conduire dans les inspi­rations désordonnées. Ne voulant pas perdre la place obtenue de "Pythie" moderne ou dispensatrice de bénéfices pour âmes, elle se livra de façon insensée à des aventures dans le domaine de la sorcellerie, s'enlisant dans le réseau cruel d'exercices dangereux qui l'ont, finalement, terrassée.

Il est vrai que, souvent, quand la pensée la brûlait d'inquiétude, elle priait et, dans la douceur de la prière, elle se rappelait le vieux précepteur à la parole douce et aux exemples salutaires, et se laissait envahir par les larmes de regret. Elle aurait désiré recommencer, retourner aux jours révolus, à l'état de pauvreté d'autrefois. Mais comment ? Elle se connaissait trop d'amis tous plus ou moins sei­gneurs despotiques auxquels elle ne pouvait pas se soustrai­re. Elle éprouvait, depuis longtemps, l'absence de forces pleines de vie. Au travers des réseaux de la pensée, il lui semblait percevoir, parmi les ombres épaisses, une forme horrible qui lui maîtrisait le domaine psychique, la tirant, l'étranglant, la poussant devant elle dans un passage affreux et au moyen de tenailles puissantes.

Torturée, fatiguée à l'extrême, elle s'endormait sans forces, prête à tout abandonner et à recommencer tant qu'elle disposait encore de temps devant elle lui offrant des occasions dont elle pourrait profiter.

Le lendemain, cependant, très tôt, avant que s'évanouisse la nuit pénible, les visages souriants des consultants, tous faux malades et affligés fainéants, cherchaient son concours en des ententes terribles avec les esprits farceurs, irrespon­sables, méchants. . .

Des années s'écoulèrent. A quarante ans, Mathilde sem­blait une vieille femme. Les cheveux blanchissaient rapidement, les yeux se couvraient d'amertume et le coeur saignait d'angoisse. Elle possédait le confort pour son corps matériel, mais à quel prix ?, et elle souffrait énormément de maux dans l'âme.

Quelques-uns la cherchaient encore en proie à l'angoisse. Ils réclamaient des bénéfices dans des affaires obscures, de la chance en amour, le règlement d'engagements et toute une longue liste de spéculations mensongères. D'autres, cependant, jetaient la malédiction sur elle. L'oubli des uns et la médisance des autres la crucifiaient.

L'obsession d'autrefois envahit peu à peu ses centres neuro-psychiques et, une nuit d'horreur, affolée, elle mit le feu à ses habits déchirés. Elle fut dévorée par les flammes en poussant des rires d'effroi. Avant qu'un quelconque secours de la part des voisins pût être tenté, elle quitta la chair dans des circonstances effrayantes, foudroyée dans le sentiment et brisée dans la médiumnité. »

L'amie spirituelle se tut et, en proie à une pitié immen­se, elle regarda l'infirme qui continuait à dormir, le visage crispé, comme si elle était encore sous le coup de terribles cauchemars.

L'OBSESSION ET LE SUICIDE

Je restais étonnée, ayant entendu le récit calme et luci­de de soeur Zélia.

Je remarquais, à chaque instant de ce récit, que le phé­nomène était celui que l'on constate toujours chez les hom­mes troublés, devant les devoirs sanctifiants proposés par l'Evangile éclairé par le Spiritisme.

Nous nous trouvions à peu près à dix mètres de distance et nous entendions les soupirs douloureux de la souf­frante. Je voulais obtenir d'autres explications ; je deman­dai d'un ton soucieux :

« Comment s'était-elle réveillée au-delà du rideau phy­sique ? Dans quelles conditions avait-elle traversé la grande frontière ? »

L'interlocutrice, bien disposée à me satisfaire en m'ini­tiant dans la sagesse de la Loi, répondit, avec bienveillance :

« Mathilde a été, pendant plus de quinze ans, dévorée par les souffrances nées du suicide. . .

« Suicide ? » demandai-je, étonnée.

« Pourquoi pas ? » demanda-t-elle à son tour.

« Mais n'était-elle pas folle ? Ajoutai-je, persé­cutée par les génies malfaisants qui l'ont traînée jusqu'à la mort ? »

« Oui, c'est ça. Bien que son état mental se présente en atténuation appréciable, il ne faut pas oublier que la pensée du médium n'a jamais été abandonnée de l'appui divin.

S'il y a eu une influence du mal, c'est Mathilde elle-même la seule responsable du mépris de la Loi et du Devoir. Tous les faits postérieurs à son déséquilibre découlent de son passé. Dans ce cas-là, la folie n'est que la conséquence directe du mépris du devoir naturel. Lorsque nous nous jetons dans un abîme, nous ne subissons pas uniquement le mouvement de déplacement du corps, mais aussi la chute et les douleurs correspondantes à celle-ci. »

« Bien sûr. » répondis-je.

« La Justice Divine, poursuivit-elle, est parfaite et la Loi est immuable. Pendant les années d'efforts très durs, lorsque sa pensée, dans les Gouffres de la Folie, réussissait à faire des pauses et à rassembler des idées, elle était assail­lie par les esprits malins, démoniaques, auxquels elle s'était liée. Elle se rappelait certains amis qui se trouvaient encore dans la chair et qui, de certaine manière, étaient les artisans de son malheur; ils lui avaient ouvert la voie à l'oubli des engagements pris sur l'autel du Devoir.

La pensée déséquilibrée se trouvait alors troublée par la haine et, en traversant les espaces, allait à la rencontre des incarnés qui, tout à fait irresponsables, persistaient dans les jeux de la chair, parmi les frivolités de la vie. Ces souvenirs devinrent si fréquents que l'infirme se mit à trans­mettre, inconsciemment, les vibrations qu'elle émettait et qui agissaient chez les anciens consultants comme des pen­sées angoissées, des cauchemars et des inquiétudes en affi­nités totales. »

« Oh Ciel ! » m'écriai-je.

« Il n'y a rien de surprenant à cela. » me répondit l'orientatrice. Et elle poursuivit :

« Les actions sont des agents puissants dans les échan­ges psychiques. Les erreurs et les crimes de tous ordres relient leurs personnages par des chaînes puissantes tissées avec les élémentaux nourris par les vibrations constantes qui les attirent. Victimes et criminels permanents sont liés par le rapport : victime-bourreau.

Il ne pourrait pas en être autrement ; ceux qui ont con­tribué, au, départ à la ruine morale du médium sont les co-auteurs de la tragédie qui entraîna Mathilde.

Nous gardons tous, en conscience, l'idée du Bien et de la Dignité. L'usage délibéré de ce message de la Vie nous entraîne, on peut aisément le constater, aux succès ou aux échecs selon son bon ou son mauvais usage. »

J'étais profondément frappée par ces phrases. L'éclair­cissement entraîne une sensation de responsabilité. Savoir signifie aussi connaître les conséquences de ce que l'on a déjà fait. En réfléchissant, je comprenais mieux la parole du Seigneur : "à chacun selon ses oeuvres".

« Voilà les maillons du crime, expliqua soeur Zélia. Une fois noués, ils enchaînent les criminels et les châtient jusqu'au moment où s'annonce le renouveau souriant. »

« Et maintenant, demandai-je attristée, qu'arrive­ra-t-il à notre pauvre pensionnaire ? »

« L'aide et l'amour ne lui feront pas défaut, répon­dit-elle avec calme, au nom du Grand Amour et de ceux qui le partagent ; néanmoins il n'y a que le temps, cet infati­gable polisseur, qui pourra répondre. Attendons et efforçons-nous d'apprendre. Nous rendrons tout ce que nous aurons gaspillé par notre inconscience et nos illusions. »

En me serrant cordialement dans ses bras, la bienfai­trice conclut :

"Profitons du temps et remercions la douleur. L'arbre élagué réunit ses énergies et repoussera en nouvelles bran­ches, résistant aux intempéries ; il offrira de nouveau son ombre, ses fleurs et ses fruits. Des branches coupées naî­tront des objets utiles grâce au travail du menuisier".

Avec un sourire légèrement teinté de mélancolie, elle s'en alla s'occuper de ses affaires sacrées, tout en m'indi­quant encore :

« Une fois la période d'assistance urgente terminée, Mathilde sera conduite aux Chambres de régulation, où elle sera soignée doucement. »

Je regardai la malade. Elle dormait en proie à l'inquié­tude, toujours attachée à ses propres souffrances.

Voilà un exemple parmi des milliers que la Terre garde sous l'aspect doré des illusions. Combien d'autres êtres, com­pagnons de médiumnité, n'étaient-ils pas en train de créer la douleur, en tressant des lianes de tentation qu'ils seront obligés, plus tard, dans le Grand Demain, de délier ?! Son­geais-je, intriguée.

La nuit, enveloppée de silence, se parait des éclats de lumière des étoiles s'envoyant des messages de paix. Vingt-deux heures sonnèrent. Je ne pouvais pas dormir. Après des événements d'une telle nature, j'étais incapable de trouver le sommeil. Je sortis dans le jardin. Il fallut que la brise parfumée touchât mon visage pour que je me rende comp­te, que j'étais toute en larmes.

Combien j'avais trop peu médité sur Terre ! Une fois de plus, je compris clairement avec quelle légèreté j'avais gaspillé le temps dans l'inutilité. Les problèmes du corps avaient été mieux soignés que les autres. Je ne saurais pas expliquer, en me souvenant du passé, comment j'avais pu dépenser presque cinquante années de ma vie physique en intercalant à peine quelques minutes de Spiritualité, dans une moitié de siècle !

Comment m'avait-il été possible de vivre si longtemps bercée dans la croyance et tellement loin de la communion avec l'Esprit ?

Maintenant, l'examen détaillé de tous mes actes, l'obser­vation et l'attention portées à des mots pleins de sagesse, m'ouvraient un monde réel, que jamais je n'aurais pu ima­giner. Une anxiété incontrôlable grandissait dans mon âme, me criant le besoin de te raconter, ma fille, toutes ces expé­riences pour alerter les amis incarnés les plus proches, sur les réalités de l'après-mort. Je me souvenais, pourtant, du Maître Jésus qui avait tant et si bien averti les hommes et qui n'avait pas été compris comme il l'aurait fallu. Je songeais alors au Spiritisme, méprisé par les uns, ridiculisé par d'autres, pourtant baume et consolation, qui cependant n'avait même pas été respecté par ceux qui disaient le sui­vre mais ne vivaient pas de manière à témoigner de cette profession de foi. Je me souvenais de ce que l'évolution devra toucher tous les êtres et comme cela m'était arrivé a moi-même, tous, à un moment donné, devront franchir la grande porte, en s'éveillant enfin.

Mais, pourquoi ne pas le dire ? La faiblesse humaine et la tendresse limitée aux proches me chuchotaient : "ne serait-ce pas juste que tu parles à tes êtres aimés, à ceux qui ont confiance et espoir dans la doctrine spirite ? »

Peut-être recevraient-ils les paroles mouillées de la rosée de tes lar­mes comme un testament fraternel, plein d'affection.

Je me rappelais, aussitôt, la parole lucide de l'Instruc­teur Icare : "n'oubliez pas que Dieu est Père plein de zèle et que Son amour se déploie, également, pour tous"… Il parlait alors dans le Temple de la Prière à ceux qui vou­laient envoyer de leurs nouvelles aux autres tenus encore dans le labyrinthe de la matière.

J'évoquais d'autres observations, entendues en différen­tes occasions, au sujet de l'obsession, comme cause prin­cipale du suicide. Je me souvenais combien j'étais restée étonnée de l'apprendre. En vérité, tout obsédé qui s'est laissé entraîner au déséquilibre psychique, par mégarde, est, lui aussi, un suicidé lorsqu'il ne se préoccupe plus du vase de chair si précieux qu'il a reçu, lui amoindrissant sa résis­tance et lui abrégeant son séjour sur terre.

Mais les conflits chez moi étaient trop nombreux.

Combien de fois, en proie à l'émoi et à la pitié, j'avais entendu les manifestations psychophoniques des âmes tor­turées et m'étais contentée de balbutier une rapide prière ! La chose n'allait-elle pas se passer de la même façon dans le cas où je réussirais à avoir un bref entretien avec les frè­res incarnés ? La situation restait la même pour eux, com­me elle l'avait été pour moi, avant la mort charnelle. Elle n'avait changé que pour mon âme.

Il fallait donc absolument attendre et surtout, avoir confiance.

L'absence des miens, leurs regrets, me déchiraient. Le besoin de te parler, ma fille, l'envie de retourner dans notre foyer, de revoir ceux que j'avais laissés derrière moi, m'an­goissait. Je demanderais à soeur Zélia l'autorisation de le faire, aussitôt que possible. Je lui confierais à l'avenir mon anxiété.

CHÂTIMENT DU CRIME

Parmi les malades à l'Infirmerie, Clélia, une jeune personne épileptique, était une de celles avec qui je m'étais le plus familiarisée. Son visage candide et pâle, avec quelque chose d'enfantin, me poussait à la tendresse.

Chaque fois que j'étais affectée au service du linge, je m'attardais à la regarder. Aussitôt que je disposais de quel­ques minutes de repos, je m'approchais de son lit, cherchant à lui être utile et à l'encourager au moyen de promesses de bonheur et de joie. Malgré tous mes efforts, la jeune personne restait repliée sur elle-même, telle une perle insérée dans son écaille.

A la fois intriguée et touchée de pitié, aussitôt que je le pus, je demandai à l'Administrateur Aurélio, qui nous visitait presque chaque jour, des indications m'offrant des possibilités de l'aider plus efficacement.

« Il s'agit d'un cas typique, me dit-il, de Châti­ment du Crime. Personne ne pourra rejeter l'existence dans la chair, manquant de respect envers son corps, puis échap­per à la Justice. Sur Terre, il est encore possible de cacher le crime de mille façons et d'échapper à la Loi. Cependant, aucun criminel, même s'il ajourne au maximum le moment du règlement de comptes, n'échappera au réveil de la cons­cience, n'importe quand et n'importe comment, au nom de la Vérité.

Le crime, connu de la vieille sagesse comme "l'ombre qui persécute l'âme", agit de manière à ce que victimes et bourreaux se retrouvent sur la même voie dans le monde de l'esprit. C'est pour cela que la chair offre un immense bénéfice à l'âme par les occasions qu'elle procure soit de l'oubli temporaire du passé avec la possibilité de recommen­cement ou l'occasion de rechuter. Avec son éventail de disci­plines différentes, la Terre est l'Usine-Ecole où nous appre­nons à bâtir le vaisseau de la libération de l'Esprit.

L'esprit dans la chair peut être comparé à un corps fluide enfermé dans un récipient clos. Il dispose d'une action limitée et ne subit point d'influences extérieures violentes. Désincarné, pourtant, il se trouve comme le gaz libéré, il se répand, se combine à des similaires à lui-même. Il en résulte des rencontres, des rajustements négligés auparavant, des dettes non payées, des remords cuisants. »

Après un court silence, il poursuivit :

"C'est le cas de Clélia. Elle garde en elle un drame ter­rible, comme nous-mêmes lorsque nous sommes arrivés ici, ce qui demande silence, aide et compréhension. Aidez-la comme vous pourrez."

Je compris la délicatesse et la pudeur de notre admi­nistrateur et je tus l'envie d'évoquer le chemin de souffran­ces de Clélia.

Dès ce moment, je cherchai à l'entourer de prières et de tendresse, en l'encourageant toujours davantage, lui par­lant de la Tendresse Paternelle de Dieu ; en lui montrant, enfin, que le passé vit en nous inexorablement, avec tout ce qu'il engendre de conséquences et tout ce qu'il nous demande de force et de détermination.

Toutefois, beaucoup plus que de paroles et de compas­sion, la malade avait besoin d'amour, lequel nécessite entente fraternelle et compréhension. Pour aider vraiment quelqu'un, il faut l'aimer. De nombreuses écoles et bien des organisations sur Terre se trouvent remplies de maîtres de la parole et de pieux intercesseurs ; cependant il y a très peu disposant d'assez d'amour pour en donner vraiment au pro­chain. Les mots sont donc vains parce que tout conseil s'avère inefficace s'il ne porte pas en lui la marque de la compréhension et de la charité.

Je me proposai de considérer l'infortunée infirme, non seulement comme une soeur, mais aussi comme la fille de mon coeur qui avait besoin de quelqu'un près d'elle.

Le temps passant, la source des sentiments se chargea de transformer mon souci à son égard en une grande ten­dresse et, assez souvent, nous échangions ensemble nos sou­venirs dans un état de grand émoi.

Clélia descendait d'une famille respectable de la ville de Sâo Paulo dans laquelle elle avait vécu presque un quart de siècle.

Elle était née avec de graves problèmes spirituels du côté affectif ; elle devrait garder l'honneur et l'humilité pour guider sa famille dans la voie respectable de laquelle elle s'était écartée depuis fort longtemps.

Belle et fragile, elle devint très tôt le centre d'intérêt des membres de sa famille et des cercles d'amis ; on jalou­sait sa beauté sereine et ses qualités d'intelligence qui s'épa­nouissaient de plus en plus, sous la conduite d'excellents professeurs chargés de sa formation culturelle. La vie lui souriait avec des joies et des promesses de bonheur. Elle ne se sentait pourtant pas heureuse. Des moments d'une tristesse accablante la chagrinaient, ce qui chargeait de dou­leur le manoir où elle habitait. Elle se trouvait souvent en proie à des états douloureux, qui s'aggravaient quand elle était déprimée, comme si elle évoquait un passé épouvan­table flottant dans le brouillard et dans les ombres. En ces occasions-là, elle tombait invariablement évanouie et quand elle reprenait ses sens, elle était inondée de sueur et sous l'emprise d'atroces souffrances.

Les médecins spécialisés parlaient de fatigue mentale, de besoin de distractions, d'amusements ... La crise passée, seul le souvenir douloureux, comme une vision de rêve qui se défait, subsistait et elle restait angoissée jusqu'au mo­ment où les occupations reprenaient leur place dans sa pen­sée. "Quelque chose", pourtant, la suivait souvent, comme une sorte de peur ou une prémonition fantasmagorique.

Elle comptait vingt-deux ans quand elle fit la connais­sance d'un jeune homme issu d'une humble famille, fils d'immigrés, qui la séduit immédiatement. Fascinée par la beauté physique de ce Carlo (il travaillait dans une des En­treprises de sa famille) Clélia s'engagea dans un processus qui annonçait pourtant, dès le début, de graves consé­quences.

Bien que sachant les obstacles qui se dresseraient con­tre la réalisation d'un mariage heureux, elle ne pouvait pas oublier l'homme qui l'attirait tant.

Ce fut alors que les états d'angoisse augmentèrent en elle, l'obligeant à s'aliter, ce qui déplut fort à son entourage.

Supposant que cet état plus grave pouvait provenir de l'exaltation due au secret qu'elle cachait, Clélia décida d'en parler à sa mère, pour lui demander conseil. Dès le premier entretien, toute en larmes, elle exposa nettement son angois­se. Devant la réaction de sa mère, elle comprit qu'elle ne parviendrait jamais au bonheur rêvé avec ce jeune homme ; elle put le constater tout de suite après.

Quelques jours plus tard, sur ordonnance du médecin, elle partit en France se reposer à Vichy, dont les eaux re­nommées lui seraient, sûrement, du plus grand profit.

Pendant six mois longs et tristes, elle resta sur le Vieux Continent, où elle reçut les soins médicaux. Elle apprécia la tendresse maternelle, en visitant des villes, en s'attardant auprès des lacs célèbres et des magnifiques montagnes de Suisse, ainsi que sur les plages de la Riviera.

Elle s'efforçait sérieusement d'oublier le jeune homme, mais elle n'y réussissait point, se laissant dévorer par les flammes désastreuses d'une passion qui n'annonçait que perspectives sombres.

Carlo, dépensier et ingrat, avait vite deviné la passion de la fille de ses patrons ; il espérait uniquement qu'on lui ouvrît la voie à la fortune et au pouvoir. Il attendait ainsi le retour de la candide jeune fille.

La maman rentra à Sâo Paulo, accompagnée de sa fille. Elle croyait le "roman" d'amour oublié ; mais bien que sem­blant avoir récupéré des forces, Clélia conservait les traits de mélancolie habituelle.

Chez la pauvre fille, le volcan de l'amour ne s'était pas vraiment éteint. Au contraire, il s'agitait avec violence.

Rentrée à Sâo Paulo, elle chercha moyen de rencon­trer le jeune homme. Peu après, en toute irresponsabilité, elle se donna à lui, croyant ainsi lui témoigner l'affection qu'elle éprouvait.

Dans le foyer familial, tout semblait sourire.

Quelque temps après, cependant, Clélia commença à éprouver d'alarmants symptômes... Elle alla, incognito, chez un gynécologue renommé. La réponse de celui-ci la terrassa : elle allait être mère.

L'inquiétude lui revint, l'envie de rejeter l'enfant non désiré. L'honneur de la famille, la honte, lui frappèrent l'esprit, comme si la faute consistait uniquement dans l'aveu public de l'irrémédiable et non pas dans l'action elle-même.

Elle commença à avoir des visions désordonnées, de plus en plus fréquentes ; des cris d'une personne ensanglan­tée l'obsédaient, lui demandant pitié et secours. La vision affreuse lui demandait la chance d'une renaissance, le baume de la vie. Elle s'éveillait subitement, toute en sueurs froides, en proie, de plus en plus, à l'idée fixe du crime décidé.

Au cours du troisième mois de grossesse, moyennant un bon salaire, certain spécialiste de la grande ville, la libé­ra du petit être et, après quelques jours de repos dans la maison de campagne, elle retourna à la vie en société.

Les crises, qualifiées alors d'épilepsie, se succédaient, se rapprochant de plus en plus, ce qui la faisait dépérir et présentait les signes d'une maladie grave. Pendant les atta­ques, se prolongeant en affreux cauchemars, l'avortement lui revenait à la pensée. L'enfant rejeté grandissait devant ses yeux, devenait une vision ténébreuse du bourreau im­placable, lui montrant son propre corps déchiré et criant, parmi d'affreuses convulsions : "Vengeance ! Vengeance !" il la poursuivait jusqu'à ce qu'elle plonge dans les eaux trou­bles de l'évanouissement.

Quelque quatorze mois écoulés après l'avortement, elle ne pouvait même plus se lever du lit. La tuberculose la sapait lentement et cruellement, prenant de grandes proportions, lui dévorant les dernières énergies du corps affaibli.

De son côté, Carlo, victime d'un accident de la rue après toute une nuit d'ivresse, mourait dans un hôpital de l'Assistance Publique ; il ignora l'état de celle qui l'aimait tant.

Trois jours plus tard, Clélia, à son tour, entreprit le grand voyage, ignorante aussi de la tragédie dont son bien-aimé avait été la victime.

Entourée de la sympathie de la société, elle reçut des fleurs, et eut droit à un ensevelissement honorable, à des larmes, à des adieux et à des prières.

Personne n'apprit ni son secret ni son crime.

Quand elle se réveilla dans le tombeau empuanté où son corps se décomposait, elle vit à ses côtés le fantôme ensanglanté, tout comme dans les cauchemars antérieurs. Elle essaya de s'enfuir, mais le personnage repoussant se dressa debout et ses morceaux, comme s'ils avaient été re­constitués, s'avancèrent rapidement vers elle et, de ses mains crispées, commencèrent à l'étrangler impitoyablement. La stupeur l'empêcha d'ébaucher le moindre mouve­ment. Effrayée, elle entendit le récit de ses crimes d'hier et de jadis et on lui apprit sa désincarnation, en même temps que l'oppression cruelle l'asphyxiait longuement.

Elle tremblait de tout son être et son coeur, qui avait perdu son rythme, semblait devoir éclater. Elle éprouvait l'impression qu'elle allait bientôt succomber. Mais quand cette idée-là lui vint, la même voix caverneuse lui cria : "Tu es déjà morte... C'est ça la mort... C'est la fin..." Et il montrait, d'un air arrogant, les déchets transformés en boue, dans le cercueil.

En regardant, ahurie, autour d'elle, Clélia constata que ses pieds se trouvaient attachés aux chairs pourrissantes, tandis qu'un noeud puissant la liait à la tête inerte, couchée sur la soie du cercueil.

Une angoisse affreuse la prit tout d'un coup. Elle était une morte-vivante dans l'enfer.

Les souvenirs des récits religieux auxquels elle s'était attachée dans sa dernière vie sur Terre, se réveillèrent en elle, prirent corps et présentèrent des images diaboliques qui la torturaient jusqu'à l'épuisement total.

Des années s'écoulèrent de la sorte, lentes et lugubres, jusqu'au moment où, sans qu'elle puisse le préciser, on la conduisit chez nous, sous la pitié de Jésus-Christ.

Bien qu'avertie quant à sa propre infirmité, elle sentit se dérouler devant elle, et pour de longues années, une route pénible de réparations à entreprendre.

Libérée du trouble causé par son ennemi, elle revenait psychiquement, à plusieurs reprises, aux souvenirs impri­més dans sa mémoire, mais les crises, de temps en temps, la reprenaient.

Le fils rejeté, motif indirect de sa mort, était la même âme blessée qui avait essayé de rentrer au sein maternel à la recherche du redressement et de l'orientation. Etant donné la réaction déchaînée par elle du fait de son carac­tère faible, Clélia avait ajourné de façon injustifiée le re­dressement, élargissant ainsi un gouffre de larmes et de sang, d'infirmité et de douleur pour son avenir.

Oh, ma fille ! Sur le chemin de la chair, nous rencon­trons, à chaque instant, des oeuvres à redresser, du perfec­tionnement à poursuivre, vers la libération qui nous attend. Ne méprise point l'apport de la souffrance le long de ton chemin à la recherche de la Vérité. Sers-toi de l'épreuve avec le même entrain et la même reconnaissance dont fait preuve l'assoiffé recevant un verre d'eau pure.

Les épreuves, comme l'ont enseigné les Esprits du Sei­gneur au grand Allan Kardec, dans la réponse à la question 266 du "Livre des Esprits", sont les fruits d'un choix. Lorsque l'esprit "est dégagé de la matière, l'illusion cesse, il pen­se autrement". Il préfère, pour cela même, les tâches les plus douloureuses. Parce que, l'explique le savant Lyonnais : "L'homme sur la terre, placé sous l'influence des idées char­nelles, ne voit, dans ces épreuves, que le côté pénible. C'est pourquoi il lui semble naturel de choisir ce qui, à son point de vue, peut s'allier aux jouissances matérielles ; mais dans la vie spirituelle, il compare ces jouissances fugitives et grossières avec la félicité inaltérable qu'il entrevoit ; dès lors, que lui font quelques souffrances passagères ?".

Elle est donc bénie, la larme qui glisse dans le silence de la nuit, lorsque le renoncement et l'espoir enveloppent le cœur !

Tant que nous nous attardons dans l'attente du monde à coups d'ambition déchaînée, donc déséquilibrée, prolon­geant l'illusion éphémère du bonheur par la possession de biens ou par un cercle d'amis, nous ajournons le moment de la véritable jouissance.

Tous se plaignent quand ils souffrent trop et beaucoup se déchaînent. Les temples regorgent de croyants qui recher­chent toujours davantage à fuir les problèmes grâce à des faveurs quelconques ; ils en espèrent la solution autrement que par le travail ou par le sacrifice. Ils deviennent des mar­chands de bonheur. Ils achètent la paix au moyen de la prière rapide et du visage faussement pieux; et ils se trom­pent, assurément.

Les faveurs du Ciel sont la miséricorde renforçant no­tre espoir débile.

A ceux qui souffrent dans la montée vers l'évolution, je dis : Bon courage ! Il vaut beaucoup mieux souffrir que faire souffrir, délivrer qu'emprisonner. Il faut évoluer pour aider le prochain. Dans l'avant-garde ou dans l'arrière-gar­de, il y a plusieurs êtres pleins d'amour qui comptent sur nous. Ceux qui marchent en tête nous soutiennent et nous inspirent ; ceux qui viennent derrière, supplient notre aide et ont confiance en nous :

Tâchons donc de conquérir pour pouvoir offrir ; tâ­chons de monter nous-mêmes pour pouvoir porter secours à autrui : rachetons-nous pour racheter les autres.

Jésus et nous, nous et le prochain. La route est la même vers l'oasis bénie. Avançons !

HEUREUSE RENCONTRE

Les jours se succédaient tous marqués d'apprentissa­ges précieux.

Lorsque, après une longue période de cécité, nous re­couvrons la vue, nous restons éblouis par la beauté de ce que nous apercevons de nouveau et nous tombons en exta­se. Les décors les plus connus présentent de nouveaux mo­tifs et des détails qui n'avaient pas été perçus ; ils nous invitent alors à un examen détaillé et à une observation méticuleuse. Le phénomène est le même lorsque l'âme re­tourne à la Patrie spirituelle.

Le cadre qui entoure l'Ecole-Hôpital de notre Colonie ressemble fort aux paysages terrestres ; il n'y a de différent que l'intensité des couleurs et la beauté plus réelle de l'envi­ronnement. C'est parce que la vision plus large aide l'obser­vation. Même sur Terre, fort souvent nous traversons la campagne sans y faire très attention. Très peu de gens sont capables de s'extasier devant un beau crépuscule au prin­temps ou par une nuit de pleine lune en été.

Les yeux voilés de mélancolie pendant sa vie dans la chair, l'homme voit de la tristesse partout. Le Seigneur, cependant, a peuplé le foyer terrestre d'éblouissantes merveilles s'adressant à la sensibilité et au bonheur des esprits incarnés.

Chez nous, pourtant, fascinés que nous sommes par l'envie de croître, d'évoluer et de nous remettre des erreurs passées, la Nature nous réserve un message d'harmonie perpétuelle, rendant sublime la nostalgie du passé, faisant appel à l'élan généreux et apportant de la joie au cour.

Grâce au travail, les souvenirs moins heureux s'estom­pent peu à peu et font place au devoir, poussés par les besoins de renouvellement intérieur.

Pour mon deuxième anniversaire de désincarnation, j'ai reçu une heureuse nouvelle que m'apporta Adriâo : j'allais recevoir la visite de ma mère.

Mon émoi fut si fort que, sur le moment, je pensai tomber en syncope. Je me sentis le visage tout à coup enfié­vré ; il se couvrit de sueur et ma pensée se reporta aux sou­venirs anciens :

Je me rappelais le coeur maternel, ce qui me remplit de regret et de gratitude. Cette humble femme de haute taille, habituée à la souffrance et aux privations me revint à l'esprit une fois de plus : elle s'était tellement sacrifiée au bénéfice de ses enfants !

Dans mes interrogations muettes, je la cherchais habi­tuellement à travers la prière. Où se trouvait-elle ? Quel était son état? Etait-elle heureuse ? Etait-elle encore désincarnée ou déjà retournée sur Terre ? Et où, cela ?

Néanmoins, à l'idée que j'allais la revoir malgré mon indigence, je ressentais une joie, ma fille, que je ne suis pas capable de te la décrire.

Le jour semblait ne pas finir, malgré mes occupations habituelles qui accaparaient tout mon temps. Nous allions nous rencontrer le soir, vers dix heures, dans le jardin de l'Infirmerie où je logeais.

Dès avant le moment du rendez-vous, je cherchai à revoir mentalement les faits de ma vie sur Terre; bien que fort émue, je me troublais à l'idée de ce que j'avais des mains vides à présenter à ma mère. Si elle me demandait ce que j'avais fait de l'existence physique dont Dieu m'avait fait cadeau, au moyen de son renoncement à elle et de sa pro­pre chair, que lui répondrais-je ? Machinalement, je me rap­pelais le passage de "l'Evangile selon le Spiritisme" qui se rapporte à la piété filiale. Je souffrais au souvenir de tant de chagrins causés à cette âme pleine de beauté et de sim­plicité; et le remords répondit à ce rappel.

Le moment venu, accompagnée de soeur Zélia, entra dans le petit jardin celle qui provoquait, maintenant plus que jamais, la plus grande joie de mon âme. Je m'efforçai d'étancher les larmes, sans pourtant y parvenir. Elle portait des vêtements d'un tissu blanc et léger. Je remarquai com­bien elle était belle. Elle montrait comme jadis, un sourire teinté de tristesse énigmatique. Ses grands yeux brillaient aussi, mais tout prêts à pleurer. Nous nous sommes jetées dans les bras l'une de l'autre; nous sommes restées ainsi assez longtemps et tout un tourbillon d'angoisse que je portais en moi, se traduisit dans des larmes que je ne maî­trisais point. Je me sentais de nouveau toute petite, sur ses genoux, devant la porte de notre très humble maison, cela sans mot dire, sans aucun raisonnement, sans aucune inter­rogation. L'immense regret s'imposait en maître et, bien qu'éprouvant une grande envie de parler, je n'y réussis pas, ma voix se trouvant étranglée dans la gorge.

« Ma fille, remercions le Seigneur Jésus, ce furent ses premiers mots, du bonheur de ce moment que nous ne méritons pourtant pas. »

« Maman ! » voilà tout ce que j'ai réussi à dire.

Ses paroles étaient nettes, imprégnées d'une tendresse immense. Elle me raconta doucement quelles étaient ses occupations actuelles ; elle ne cacha pas les obstacles qui avaient précédé ce moment-là, tout en louant le Seigneur. Elle le remerciait de l'extrême pauvreté, des angoisses de toute sorte, tout l'éventail de déceptions et d'abandons qu'elle avait subis, mais qui avaient servi d'enseignement correctif à son esprit en lui rendant l'équilibre.

La Terre avait été pour elle une école bénie de rédemp­tion ; elle y avait appris la brillante leçon de la souffrance, et avait pu réparer ainsi d'anciens dérèglements. Elle aurait voulu retourner sur Terre pour recommencer ; cependant, pour l'instant, cela ne lui était pas possible. Papa était déjà retourné et se trouvait à présent en train de poursuivre des rectifications nécessaires…

Elle coopérait sur Terre à ce moment-là, avec des équi­pes spirituelles qui s'occupaient des ivrognes, pour les délivrer des vampires, tout en portant aide aux persécuteurs implacables. Pour ces raisons et d'autres circonstances, malgré son vif désir, elle n'avait pas eu la possibilité de me ren­dre visite auparavant. Elle avait été près de moi dès après ma mort charnelle et le temps que je suis restée à l'hôpital, c'est à dire pendant la période la plus difficile de ma libéra­tion physique. Je ne l'avais pourtant pas aperçue.

Notre chère Zélia suivait notre rencontre avec vif inté­rêt fraternel. Elle donnait son opinion, elle apportait des éclaircissements, elle ajoutait des détails chaque fois que cela se révélait nécessaire.

Le temps s'écoula vite, trop vite !

J'aurais voulu poser des questions, montrer mon bo­nheur et aussi mes inquiétudes. Mais, avant que j'en aie eu la possibilité, la voix maternelle m'avertit :

« Ma fille, le temps constitue un trésor précieux dans la Banque Divine. Nous ne pouvons pas le gaspiller en expressions creuses de bonheur sans portée, ni en phrases pessimistes au sujet de souffrances inexistantes. Remercions Dieu sans cesse et avançons. Je suis au courant de tes nou­velles responsabilités et j'en suis ravie. Le verbe le plus indiqué pour nous en ce moment est le verbe : Réparer. »

Au loin, l'aube lavait de clarté le promontoire. Nous étions restées ensemble plus de six heures de suite. Il fallait nous quitter.

« Restons unies par la pensée et reliées par la besogne dans le domaine du Bien, dit maman. Nous nous ren­contrerons toutes les fois où nos tâches respectives nous le permettront. Travaille, renouvelle-toi et persévère dans la voie sacrée de l'aide au prochain. N'épargne ni efforts ni sacrifices. La monnaie de l'amour est difficile à acquérir, ma fille, souviens-toi de cela. »

Nous nous sommes embrassées et de nouvelles émo­tions nous envahirent. Un peu plus loin, soeur Zélia et maman m'ont fait signe et elles s'en allèrent, baignées de la lumière du matin naissant.

Je ne réussis pas à rentrer. Je demeurai sur le banc où nous nous étions assises, en proie à des souvenirs à des reconstitutions.

Le jour, en effet, pointait avec l'aube. Il me fallait commencer ma nouvelle journée.

Alors, je me souvins de toi, ma fille, restée sur le che­min des Hommes et je compris qu'il me fallait grandir et me déployer. Jésus m'invitait, en silence, à suivre la voie du sacrifice.

Je respirai l'air embaumé du matin et je regardai le disque solaire. Une mélodie délicate berçait la nature entiè­re. Était-elle extérieure, ou simplement celle du recueillement et de la gratitude que mon coeur chantait ?

BONNES NOUVELLES

Pendant ce temps l'équipe de ceux qui faisaient les im­positions de mains aux désincarnés avait été choisie. Les leçons apprises avec Adriâo auprès du lit de Clélia m'ouvri­rent les portes aux possibilités d'aide, autant que je ne l'aurais jamais imaginé auparavant.

Grâce à la tendre bienveillance du Docteur Cléofas, qui m'engagea avec certains de ses assistants, j'appris lentement de nouvelles méthodes de secours grâce aux ressources de l'imposition magnétique. Je réalisai peu à peu les procédés de traitements dont nous pouvons disposer et si rarement exploités.

Je compris que la condition essentielle à la réussite de l'imposition magnétique consiste dans l'amour pur et dé­sintéressé, ajouté à une disposition au renoncement et à la confiance dans les Sources d'Energie.

"Celui qui perd sa vie la sauve" enseigna le Maître. La conception de l'Instructeur Divin peut être appliquée à la tâche du guérisseur lorsqu'il va, au service du Christ, assister quelqu'un qui souffre. Le désir de se donner, de "perdre sa vie" pour que d'autres soient heureux, procure la Force Vitale au donateur et au bénéficiaire.

Jour après jour, aux côtés du Bienfaiteur dévoué, et auprès des nouveaux venus, je récoltais des renseignements précieux concernant des expériences sans succès lorsque nous sommes encore dans la chair. Je me suis rendu compte que pendant la grande traversée, la plupart des hommes se laissent entraîner par les tourments du passé et retombent dans les mêmes types de déséquilibre, alors qu'ils devraient s'en libérer pendant la réincarnation. J'appris que les idées qui troublent le plus et les faits négatifs qui exercent le plus d'influence, doivent être vaincus à n'importe quel prix. Nous portons dans la pensée les valeurs de la veille qui continuent à nous assujettir et qui nous emmènent vers des dérègle­ments.

L'amour sauvage, les dérèglements alimentaires, l'al­cool, la colère et l'égoïsme se révèlent être les responsables de la chute brutale des âmes, de l'immense quantité des crimes sur Terre, comme des états de douleur, d'horreur et de folie au-delà de la tombe.

Je constatai plusieurs fois que l'excès de nourriture emporte plus d'âmes à la mort que la disette.

La passion criminelle de la possession concernait un grand nombre de névrosés ; en proie à la déraison, ils se jetaient dans les gouffres terribles de l'anarchisme de tout genre. Derrière tous ces échecs se retrouvaient les dettes d'hier, qui rattachaient des âmes à d'autres âmes, les fau­tes aux réparations non opérées, les bourreaux aux sicaires dans des disputes continues. J'en conclus que Jésus, deux mille ans après avoir vécu parmi les hommes, continuait d'être ignoré.

Sa doctrine m'apparaissait très simple et très nette maintenant :

"Pardonner soixante-dix fois sept fois.

Aimer les ennemis.

Pardonner aux calomniateurs.

Faire deux mille pas avec celui qui nous demande d'en faire mille avec lui.

Ignorer le méchant et tolérer ce qu'il y a de cruel chez lui.

Donner en plus la tunique à celui qui nous demande le manteau"

Je me rappelais, ma fille, combien de fois, j'avais moi-même manqué à ces commandements pourtant simples et si bien exprimés ! Combien de chutes avaient affecté mon âme par manque d'attention à cette synthèse profonde.

C'étaient l'orgueil, l'égoïsme et la colère qui étaient les res­ponsables de ce défaut d'application. Ennemi, depuis des millénaires de notre engagement sur la voie de la frater­nité, le "moi" gouverne quantité de gens et déchire les coeurs. Le choc de cet égoïsme anéantit des résolutions plei­nes de valeurs et de promesses louables.

"Celui qui voudra me suivre, enseigna Jésus, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa Croix et qu'il me suive". Depuis l'enfance, nous nous sommes habitués à entendre cet avertissement lumineux ; cependant... on en déplore partout l'absence de résultats . . . !

La Terre réserve à tous l'adorable promesse de l'immor­talité victorieuse ; néanmoins, la multitude qui arrivait cha­que jour à la Colonie, ressemblait davantage à des groupes de malheureux navigateurs anéantis par un orage inatten­du. Les chambres réservées à la folie se remplissaient, cons­tituant un motif de souci aux Messagers de la Paix, dans le domaine Administratif de la Maison, d'après ce que m'avait expliqué certain médecin dévoué.

Les hypnotisés, en état d'hibernation mentale, remplis­saient plusieurs salles et gardaient sur le visage les marques des horreurs vécues durant leurs derniers jours dans la chair et leurs premiers jours dans l'au-delà ; ils étaient en­core sous les coups impitoyables de leurs ennemis ; ils res­semblaient à des morts-vivants, momifiés ; seule la respi­ration affaiblie signalait à peine la présence de la vie. Dans d'autres moments, sous l'effet de la paix apportée par la prière et par l'imposition des mains, ils semblaient se réveiller, mais ne prononçaient qu'avec difficulté des sons incompréhensibles, pour retomber très vite dans le même état de prostration.

Ils faisaient penser à un défilé sans fin d'estropiés d'une guerre atroce.

Des coopérateurs dévoués se remplaçaient à la suite des uns et des autres dans les activités de secours, par des prières et des aides de tout genre. Je fus intégrée dans l'un de ces groupes ; je me sentais heureuse et me trouvais pleine de l'envie de me renouveler intérieurement, ce qui se montrait d'évidence plus que nécessaire.

Trois années s'étaient écoulées depuis ma désincarna­tion lorsque la chère Zélia me signala la possibilité d'un sé­jour au Foyer pour une durée d'une semaine, avec un grou­pe sous sa conduite dont les membres retournaient dans leurs familles.

Je n'en pouvais plus d'impatience et d'anxiété. Je pen­sais bien ne pas mériter cette bénédiction si désirée. Plusieurs amis nouveaux m'avaient expliqué auparavant les dif­ficultés de réussir une rencontre sur Terre. Devant cette invitation, je ne pouvais plus me retenir, tant j'étais remuée de joie et d'émotion.

Après un travail fatigant de secours à des accidentés du Chemin de Fer recueillis dans notre Colonie, l'amie spiri­tuelle m'avertit que le lendemain, un mercredi, à 19:30 h, j'irais chez moi sur terre, en visite. Je me rappelai que j'entendais toujours ta voix lorsque tu priais, les mercredis, pendant le Culte à l'Evangile avec mes petits-enfants. Sans pouvoir maîtriser mon propre bonheur, j'embrassai les mains de la bienfaitrice qui sourit, d'un air heureux, ce qui nie rendit songeuse.

Le jour déterminé, après les travaux habituels, nous fûmes réunis dans le Temple par soeur Zélia, qui nous dit :

« Nous voici comblés par cette heureuse occasion d'apporter un peu d'amour chez nous ; nous retournerons dans nos familles d'affection, mais nous ne retrouverons pas obligatoirement les personnes que nous avons aimées dans les conditions que nous souhaiterions. La souffrance, les soucis, les difficultés, les maladies marquent peut-être plusieurs des foyers envisagés pour cette visite. Ayons confiance en Jésus. Nous savons déjà que le bonheur ne se construit pas sur l'illusion et les aspects extérieurs du monde n'amènent pas forcément à la paix désirable. Nous avons déjà appris pendant notre séjour ici que le sacrifice et la souffrance sont très souvent utilisés dans la Construction du Royaume de Dieu. Ne nous inquiétons donc pas. »

Après une pause brève, comme si elle cherchait à réunir de nouveaux arguments, elle poursuivit :

« La Justice Céleste nous suit n'importe où et la Loi nous trouvera dans n'importe quelle situation ; elle nous recherche pour un compte-rendu avec la vie. Ayons confiance dans le Maître Suprême et remercions-le du don qu'il nous fait maintenant.

Nous n'avons pas le droit d'essayer, sous n'importe quel prétexte, au nom de l'amour, de résoudre les problèmes que nous trouverons sur l'écran mental des membres de notre famille, mais nous devrons leur inspirer le bon courage et l'entrain pour entreprendre la lutte nécessaire ; inspirons-leur seulement la résignation et la confiance dans la victoire du Bien.

Nous ne devons pas non plus leur confier nos propres inquiétudes. . .

Servons-nous du don du Seigneur comme les abeilles travailleuses qui trouvent du plaisir dans le bonheur de la fleur ! »

Et comme le silence continuait, l'amie spirituelle conclut :

« Nous allons constituer un groupe d'âmes rattachées les unes aux autres par la prière, concentrées dans la tâche que nous trouverons à faire ; et nous userons de volition mentale pendant le voyage sur Terre. »

LE RETOUR AU FOYER

Quand les vingt heures sonnèrent, le coeur battant, nous entrâmes à la maison, soeur Zélia et moi. Tu préparais la table, ma fille, pour le banquet spirituel de l'Evangile.

« Depuis quelques jours, m'avait renseigné l'Orienta­trice, tu avais été avertie de ma visite pendant ton som­meil par tes protecteurs spirituels. Nous nous étions déjà rencontrées, en communion agréable, lorsque ton corps dormait. Et c'est pour cela que tu gardais l'impression de quelque chose que tu n'aurais pas su expliquer. De façon désordonnée et très rapidement, tu cherchais à fouiller dans la mémoire antérieure, essayant de te rappeler la nouvelle qui t'annonçait les moments que nous allions vivre maintenant. Tout cela, cependant, fut inutile. »

Moi aussi, bien qu'encouragée par la Bienfaitrice bienveillante qui offrit de m'aider, j'éprouvais une anxiété et une émotion indescriptibles. Il s'agissait de ma première sortie hors la Colonie et cette aventure me semblait une concession d'un tel prix que je ne savais pas l'évaluer.

La rencontre, ma fille, occasionne toujours un émoi indéfinissable à ceux qui ont traversé le seuil du tombeau. C'est que les sensations qui semblaient amorties, du fait du rappel momentané dû à la vision, retournent les souve­nirs, en conduisant l'esprit à des états pleins d'angoisse et de souffrances.

Sans réussir à surmonter des évocations si vives, me revinrent les souvenirs de certains endroits, tandis que de légères sensations de souffrance se succédaient dans mon âme. Comme par un effet magique, de vieilles et insignifian­tes habitudes de chaque jour, des satisfactions et des sou­cis, maintenant sous la "forme-pensée", me réapparurent à la mémoire. Les voix des enfants, joyeuses et gaies, secouaient mon être et un désir immense de leur parler, de les embras­ser, d'annoncer ma présence momentanée, l'envie de respi­rer l'air qui jadis me remplissait les poumons, troublèrent assez vite mon équilibre encore précaire. Soeur Zélia, qui connaissait le drame que j'étais en train de vivre, où le temps n'était plus, où le passé disparaissait pour ne laisser exister que le présent, vint à mon secours :

« Otilia, ne laisse point l'anxiété anéantir en toi le don du Ciel dont tu es en train de bénéficier. Penser fermement c'est construire ; se souvenir avec intensité c'est revivre. Le moment n'admet pas de plainte mentale ni d'envie person­nelle sans aucun profit. Accorde leur vraie valeur aux mi­nutes présentes et cherche à tranquilliser ton âme pour la réussite de notre entreprise. »

Ainsi sermonnée, je cherchai à me remettre sous l'effort de la patience, tandis que je me confiais au Seigneur, en le remerciant du bonheur de ce moment-là.

La nuit ajoutait à la grande joie de notre communion affective. Une impression de grande sérénité imprégnait l'air léger, transparent, couronné d'étoiles scintillant dans l'infini.

Le vieux compagnon qui avait été mon ange tutélaire pendant ma vie charnelle pour la plus grande joie de nos coeurs, se trouvait à table ; les enfants l'entouraient. Tu mis en évidence la carafe d'eau à magnétiser et le Culte de l'Evangile commença. Le texte lu parlait de la "parenté cor­porelle et la parenté spirituelle"[7].

Après la lecture, devant un public attentif de frères désincarnés, poussée par l'Amie dévouée, j'approchai mes lèvres de tes oreilles et, ayant posé la main ouverte sur ta tête, je me mis à te parler du sujet en question.

Ta pensée devint peu à peu toute en filets bleutés de lumière, un peu comme le gaz néon ; bientôt du milieu de ta tête, une grande fleur aux pétales brillants et multiples sembla surgir, prenant forme et s'agrandissant au fur et à mesure qu'elle versait des tonalités violettes bleutées qui couraient dans le sang, coloriant peu à peu la tête, la poitri­ne et tout le corps.

De la main, j'avais appuyée là où siège l'endroit appelé « oeil de Siwa" (glande pinéale), en liant les pointes des doigts à la très petite glande interne de la tête ; alors, de fi­nes lignes brillantes parurent, fermant un circuit électrique qui nous enveloppa bientôt toutes les deux. J'ai alors cher­ché à te parler au moyen d'appels réitérés :

« Parle, ma fille ! ... Parle ! ... Répète ! .. . »

Et, peu à peu, en te concentrant de plus en plus, tu traduisis ma pensée. Nous avons alors expliqué ensemble, communiant toutes deux dans le grand idéal de la Charité, sous le patronage du Christ, le texte admirable.

Les mots inspirés par les esprits supérieurs me péné­traient la pensée et passaient chez toi dans une harmonie parfaite. Autour de nous se tenaient ceux qui, bien que n’appartenant point à notre corps ni à notre sang, sont nos frères ; fils du très bon Père, ils sont aussi en voie de régénération. Ils constituaient la même caravane immense de malheureux, fustigés par la faim, par le froid, par les infirmités ; ou bien c'étaient des êtres sans foi ni loi, dominés par la haine, la révolte, l'inquiétude, attachés aux vices, au crime, à la misère morale, plus malheureux que les autres. Ou bien il s'agissait d'autres encore, embarqués sur le vaisseau de la mort se retrouvant maintenant dans des situa­tions difficiles, déchaînés, assoiffés de possession, en proie à l'horreur. Nous étions tous frères, d'une famille disper­sée de différents pays, tenus par les limitations de l'incompréhension, mais tous aimés et tous ayant besoin d'aide mutuelle.

Pendant ce temps-là, des Amis dévoués nettoyaient notre Maison ; ils détruisaient les larves des vices psychiques très nombreuses et faisaient la guerre aux bactéries menta­les qui infestent, presque toujours, les foyers familiaux.

Parmi les plus grands bienfaits apportés par le Culte à l'Evangile, dans le domaine de la foi, outre la fraternité et la compréhension, l'imposition des mains et la magné­tisation de l'eau, un bien supérieur émergeait, celui de l'har­monie et de l'unification de la pensée dans une aspiration élevée, celle-ci offrant les éléments nécessaires à l'élimina­tion des vibrations négatives qui pullulent dans les collec­tivités.

Notre "communication" dura quelque vingt minutes ; puis nous avons invité les amis présents à l'oeuvre de Cha­rité, depuis la compassion pleine d'émoi jusqu'au secours matériel consistant en dons personnels de distribution de pain, de médicaments, d'habits chauds.

Nous comprîmes que l'homme, apparemment méchant, n'est qu'un infirme qui souffre de maux divers et que le coeur qui baigne dans les eaux troubles de la haine n'est qu'un esprit en déséquilibre ; sans route établie, sans discer­nement, il ne peut profiter avec sagesse des occasions offer­tes par les circonstances. Etant donné cet état de choses, notre tâche consiste à soutenir le malade en traitant sa maladie, à aider le mauvais et vaincre le trouble de sa constitution spirituelle, tout cela selon les enseignements de Jésus.

Les lumières éteintes pour favoriser les vibrations et les prières, je profitai du moment pour coopérer dans la transmission d'énergies, en imitant en cela nos Amis les plus instruits. Je t'offrais, à toi et aux nôtres, le don mater­nel de tendresse et de courage, la confiance dans l'avenir et l'acceptation de la douleur, cette grande libératrice, en élargissant, avec l'aide divine, nos réserves spirituelles pour l'avenir.

La réunion de la soirée terminée, je participai à l'allé­gresse générale, dans les conversations qui suivirent, atta­chant ma pensée à affermir ta confiance hésitante sur la réalité de ma présence dans le foyer familial en ce moment.

Un grand bonheur m'envahissait toute entière. Encore une fois, j'appréciai l'excellence de la foi et la valeur du foyer familial chrétien dans les périodes cruciales de la vie.

La leçon du Maître Divin me revint en mémoire : "Celui qui croit en moi a déjà quitté la mort pour la vie", et je compris que, dans la vie victorieuse, au-delà de la mort, le Message chrétien, est un phare béni.

Grâce au Spiritisme qui nous a offert les moyens permettant l'entretien entre les deux mondes, les âmes peuvent apporter des nouvelles aux incarnés du plan physique, en échange continu d'amour, afin que les affections ne cessent point.

C'est grâce à Allan Kardec, qui tua la mort, que nous pouvons répéter aujourd'hui qu'en effet "personne ne meurt ". La vie est intarissable. Après la destruction du corps, l'esprit vole au-dessus des contraintes matérielles et continue son ascension. Dans ma joie, je n'ai pu m'empêcher de remercier, en une immense gratitude, le professeur lyonnais qui, en dépit des plaisanteries de ses contemporai­ns, l'opprobre et la malédiction, démontra la survie après destruction de la dépouille matérielle.

Ce n'est que lorsque la nuit s'avançant, tu te couchas, que je pus t'avoir dans mes bras pendant que tu dormais et que nous sommes allées ainsi, toujours accompagnées de la bienveillante Bienfaitrice, jusqu'à l'endroit où nous devions demeurer pendant notre séjour d'apprentissage sur Terre.

Très haut, les étoiles pointillaient d'une éclatante lumière argentée le velours épais dont la nuit magnifique se couvrait. L'air mélangé d'ozone et d'iode apporté par la brise marine, jouait dans le silence nocturne. Jésus sem­blait plus rapproché de nous, sans doute parce que, grâce à l'amour, nous nous trouvions plus rapprochées de lui.

MÉDIUMNITÉ AVEC JÉSUS

Sur le plan des études et des travaux, une séance de désobsession était prévue dans notre ancien Cercle, où jadis, je m'étais proposée au service du Bien.

Le seul fait d'y retourner en tant que désincarnée, de revoir des amis qui se consacraient au secours médiumni­que, liés par la prière, constituait quelque chose d'émou­vant pour moi. En outre, l'ensemble de connaissances que je pouvais assimiler en une seule nuit, constituait un apport d'observations précises que je ne pouvais pas négliger.

Le jour convenu, à dix-huit heures, nous nous dirigeâ­mes, groupées sous la conduite de soeur Zélia, vers les locaux que nous devions préparer pour les opérations médiumni­ques de la soirée sur Terre.

A ce moment-là l'empressement était grand. Des entités dévouées se tenaient à l'entrée de la salle pour garder et défendre les locaux contre l'invasion d'Esprits malveillants.

Un mur bizarre d'environ quarante centimètres d'épais­seur entourait les locaux ; comme cela m'étonnait, la Bien­faitrice expliqua qu'il s'agissait de construction fluidique pour la défense de l'Institution. A l'intérieur, des Esprits familiers s'affairaient à des soins méticuleux depuis le net­toyage fluidique de l'endroit, jusqu'à la mise en place de sortes de machines, dans un arrangement compliqué et disposées de façon variée.

A dix-neuf heures, les premières âmes souffrantes et troublées désincarnées commencèrent à arriver de notre milieu ; elles s'assemblaient avec celles qui se trouvaient déjà là depuis la veille. D'abord apparemment seules, puis réu­nies en groupes, elles se parlaient les unes aux autres, inquiètes, plongées dans les détails les plus insignifiants qui leur semblaient pourtant très importants. Elles étaient acheminées vers des emplacements qui leur avaient été réservés. D'autres arrivaient, accompagnées d'infirmiers aux habits blancs. Parfois ces âmes étaient même couchées sur des brancards, comme dans les infirmeries terrestres.

On en voyait dont les visages exprimaient la douleur et l'inquiétude, qui gémissaient ou pleuraient, tandis que d'au­tres avaient l'air moqueur, malgré l'aspect déplorable de leurs vêtements et de leur état spirituel. Ces derniers sem­blaient ne pas avoir conscience d'eux-mêmes ; ils avaient employé le trésor du temps dans l'exacerbation de leur orgueil et dans la critique continue et mordante. Des reli­gieux moqueurs, à la mine cruelle et faisant des observations blessantes, n'eurent pas accès à la salle médiumnique. Ils restèrent à la porte, en proie à la colère, dans des atti­tudes lamentables. Quelques-uns gardaient une certaine distance et observaient ceux qui les aidaient, tandis que d'autres, sans aucune sensibilité, semblaient beaucoup trop éloignés ; ils ne venaient jusqu'à l'emplacement des travaux magnétiques que par la force de suggestion des guides spirituels. D'autres encore, étrangers à tout, se montraient pourtant à l'aise, bien que la scène, douloureuse à voir, n'of­frait que désolation.

Les premiers incarnés commençaient à arriver à la séance sur le plan terrestre.

Conduite par la Bienfaitrice, je remarquai que quelques-uns d'entre eux apparaissaient suivis d'un grand nombre d'esprits vulgaires et vicieux qui étaient retenus hors des défenses magnétiques, sans pouvoir les traverser avec leurs comparses habituels.

« Ils attendront leurs victimes, informa l'Instructrice, quand elles quitteront les locaux. Plusieurs de ceux qui viennent à la séance, aussitôt qu'ils s'éloignent du Temple, des liens magnétiques de la prière et de l'endoctrinement, reviennent à leurs problèmes mentaux, à demi hypnotisés par les obsesseurs qu'ils traînent après eux et qui leur trans­mettent des idées erronées et des hypothèses fausses au point que les énergies défensives précaires assimilées pen­dant les travaux s'épuisent. Ils retournent ainsi, les mains vides, aux bras de ces vampires avec lesquels ils ont des rapports de plusieurs types.

Quelques autres, poursuivit-elle avec compassion, bien que libérés momentanément de l'atmosphère d'obses­sion, viennent ici avec des attitudes de manque de respect et d'indifférence. Pendant la séance, ils se laissent aller au sommeil résultant de l'intoxication mentale qu'ils portent en eux, ou bien se laissent entraîner par les pensées qui les enchaînent habituellement. Cela menace le travail efficace, car il devient alors possible à leurs bourreaux tenus à distance de faire irruption dans les locaux s'ils aperçoivent des failles dans l'ensemble, pourtant protégé et défendu par tous les moyens de notre côté. »

Le Directeur responsable du service de la soirée, entra à dix-neuf heures trente.

Les coopérateurs spirituels lui exposèrent alors les tâ­ches accomplies, en présentèrent les difficultés. Ils lui expo­sèrent les différentes particularités de certains Esprits désincarnés, les mesures prises et l'état mental des incarnés en ce moment réunis.

Après une inspection bienveillante et de rapides obser­vations, des Entités gardiennes demandèrent la possibilité de communiquer avec des personnes de leur famille présen­tes ou bien sollicitèrent de l'aide en faveur d'êtres aimés en situation difficile qui persistaient attachés aux "vieux pro­blèmes de la chair", soignant leurs anxiétés par le secours matériel au préjudice de l'expérience provenant de la souf­france de leur corps.

Certaines mères angoissées, des époux soucieux, des frères et des amis qui souffraient demandaient une inter­vention directe et de l'aide. La plupart demandait la possi­bilité de rapports au moyen des intermédiaires "médiumniques".

Poliment, mais de manière énergique, le Directeur donna des éclaircissements aux uns, expliqua aux autres que le service à faire se trouvait pré-établi et que les diffi­cultés étaient nombreuses qui s'opposaient à la satisfaction de ces demandes.

Sur le plan terrestre physique, la lecture et la conver­sation préparatoires ne faisaient que commencer ; il s'agissait de conversation saine, de propos édifiants.

« Bien que les rapports ne soient possibles qu'à partir de vingt heures, expliqua soeur Zélia, ce moment doit être consacré à l'harmonisation psychique des mé­diums avec les désincarnés qui vont se manifester. »

Ce fut alors que le Directeur Spirituel, en se rappro­chant de notre Groupe, salua soeur Zélia et nous félicita de notre présence dans les activités de la soirée.

Vieil ami, il m'embrassa, m'annonçant que j'allais disposer de la médiumnité de Marcos pour prononcer quel­ques mots. « Le médium, m'expliqua-t-il, s'en trouve averti depuis la veille, bien qu'il ne se le rappelle pas cons­ciemment.

Comme vous le savez, dit-il en souriant, le "hasard" résulte d'un effort accompli très à l'avance. »

En me souhaitant un échange heureux, il partit s'occuper d'autres cas un peu plus loin.

Moi, j'étais à la fois toute émue et très reconnaissante.

Presque au moment de la prière, au début de la séance, deux retardataires entrèrent, ce qui troubla sérieusement la stabilité psychique générale.

« Ce sont des malheureux indisciplinés, remarqua soeur Zélia, constatant la consternation généralisée de la part des opérateurs présents.

Nos frères, poursuivit-elle, se sont malheureusement habitués à la négligence et bien qu'on les avertisse, ils se tiennent dans l'attitude d'indifférence entre le plaisir et le devoir. »

Et elle ajouta pour conclure :

« Troublés et confus comme ils se trouvent, ils ne pourront pas prendre part à la réunion. Ils seront tenus hors des lignes de défenses internes jusqu'à ce qu'ils se mettent en harmonie avec l'ambiance locale. »

La prière fut prononcée par le Directeur incarné qui, pendant ce temps-là, se trouvait partiellement incorporé par le Directeur spirituel et fortement inspiré.

Les paroles simples et sincères du "vieil" ami d'hier m'ont encore émue davantage.

Un Instructeur spirituel de notre milieu énonça les di­rectives pour le début de la réunion à travers la médiumnité de Marcos.

Le premier échange se produisit tout de suite. Il s'agissait d'une âme impertinente attachée au médium ; elle se trouvait, dans un processus difficile de redressement sous le poids d'une faute, renouvelée à plusieurs reprises au cours de différentes incarnations, un échec pour tous les deux ; c'est ce que nous expliqua l'orientatrice, toujours bienveillante.

A ce moment-là, je remarquai quelques tâches, comme des boules sombres qui tombaient sur le médium.

D'un regard interrogateur, je demandai un éclaircissement à soeur Zélia; celle-ci ne tarda point à me le donner :

« Ce sont des vibrations du public incarné. » répondit-elle tristement.

« Quelques-uns de nos compagnons de travail encore incarnés, poursuivit-elle à demi-voix, non seulement ne coopèrent pas mais entravent les travaux de leurs pensées chargées de doutes, d'indifférence et même de moquerie. Ils ne se rendent pas compte du drame poignant qui me­nace ces deux âmes; ils troublent l'échange entre l'esprit et le médium qui ne peut plus rien faire. »

L'amie infatigable me désigna une dame à l'air très digne et me dit :

« Remarquez-vous quelque chose chez cette dame ? »

« Oui, elle dort. »

« Justement. Le phénomène que vous voyez là, c'est l'hypnose à distance. L'ennemi qui la persécute est resté derrière, mais il continue d'être attaché à elle par la pensée. »

« Et l'on ne peut rien faire pour la dame ? » deman­dai-je, attendrie.

« C'est ce que nous sommes en train d'essayer, répondit-elle. En ne quittant pas le travail et en cherchant à être utiles, nous l'invitons à la coopération et à la veillée, en faveur des autres souffrants. Il ne faut pas oublier que la Loi reste toujours la même, invariable, pour tous. Chaque âme reçoit du secours ; son évolution toutefois, ne se fera que d'après la marche ascendante de ceux qui veulent vraiment monter.

« Malheureusement, poursuivait-elle, dans son in­tention de me procurer des explications, notre soeur, comme beaucoup de monde, arrivée là, croit se mettre à l'aise ; elle oublie l'attention sérieuse et le respect dus au Seigneur qui conduit nos destinées. Soit à cause de la fati­gue, soit par simple négligence, elle se livre au sommeil sans opposer la moindre résistance. »

« Que faire ? » demandai-je, pleine de pitié.

« Prier pour elle et pour tous, en faisant confiance au temps. Dans quelques années, elle se réveillera peut-être, mais elle se sentira malheureuse parce que l'infirmité spirituelle se compliquera, et la plongera dans une mala­die plus grave. La chandelle ne s'allume que lorsqu'elle a sa mèche, malgré l'huile abondante où elle flotte. »

A côté, un monsieur, assis sur une chaise, se montrait inquiet. Il bâillait sans cesse, tandis que de sa pensée, suin­tait une substance sombre et visqueuse comme s'il s'agissait d'un fruit pourri.

« C'est un apprenti ; il est esclave de la gourmandise, précisa-t-elle. Malgré les avertissements du Directeur de la séance, malgré les règles pour conserver la santé, cet ami a surchargé son estomac et il arrive ici dans un état d'abru­tissement et d'ennui, comme s'il venait à la séance sous une obligation quelconque. »

Indiquant plusieurs causes d'insuccès des activités mé­diumniques, en général dues au manque de respect de la part des incarnés, la messagère bienveillante me rappelait que l'abrutissement et l'ennui parviennent cependant, avec le temps et la persévérance du Maître, à bâtir le bonheur et la oie de l'avenir.

Les échanges se succédaient.

Tandis que le Directeur s'occupait des esprits qui allaient transmettre des messages, des Entités éclairées exposaient des vérités à des groupes nombreux, des infirmiers conduisaient des souffrants, des magnétiseurs venaient au secours des affligés...

« La médiumnité sur les deux volets de la vie, éclair­cit Zélia, médiumnité avec Jésus en pansant des blessures, en consolant des coeurs malheureux, en formant des pen­sées, en faisant de la lumière autour de soi et en prêtant secours. . . Médiumnité et Jésus sont en train d'aimer l'hom­me et de renouveler le monde. »

Le temps s'écoulait.

Le Directeur s'approcha de moi et m'invita à l'incorpo­ration.

« Vous disposez de six minutes, m'informa-t-il, avec bienveillance. Dépêchez-vous. L'essentiel est de ne pas prononcer trop de mots ; mais de dire le maximum avec un minimum de mots, dans le laps de temps le plus court possible. »

Je m'approchai du médium, aidée par l'Orientatrice dévouée et, en même temps que je priais, je maîtrisais de plus en plus l'appareil psychophonique éprouvant les sensa­tions les plus complexes. Tandis qu'un certain trouble des facultés envahissait mon esprit, une grande lucidité s'em­parait du médium qui se tenait concentré. Comme j'allais m'évanouir, j'entendis une voix pleine d'énergie qui m'or­donnait :

« Vous pouvez parler. Vous vous trouvez déjà incor­porée. »

Une angoisse subite s'empara de mon cerveau, ce qui faisait tourbillonner mes idées. Dans mon domaine mental des évocations et des désirs se heurtaient, mélangés à une grande peur.

Je me souvins alors de l'Ami Céleste et, en essayant de revoir son allure vénérable, je me rappelai une toile que je connaissais sur Terre où il médite en regardant Jérusa­lem endormie. Je constatai que la bouche du médium, en s'ouvrant pour exprimer des voeux de bonheur aux frères et soeurs, prononçait les premiers mots d'après ma volonté. Éblouie, je remarquai que le corps du médium s'entourait de clarté délicate et que de son cerveau et de son coeur partaient des faisceaux brillants, aux couleurs différentes dont l'intensité variait au fur et à mesure que ma pensée était enregistrée et transmise.

Réunissant toutes mes forces pour résister à l'émotion croissante qui me guettait, je me remis les idées en place. Et, au fur et à mesure que la parole, vacillante au début, puis plus rythmée, traduisait mes pensées, je me sentis confondue dans les vibrations du médium, éprouvant en moi le bonheur de témoigner aux êtres aimés, la victoire de la vie sur la fragilité de la chair.

Le temps s'épuisait. Sous la conduite du Directeur, je ressentis le besoin de freiner l'anxiété grandissante et je dis au revoir, en même temps pleine d'émoi et de joie.

Un grand bien-être m'emplissait toute entière et je con­tinuais à entendre les mots de remerciements adressés au Ciel pour cet instant accordé de si grand bonheur.

Tout de suite après, l'Ami Spirituel, en se servant du même médium, nous dit des mots d'explications très encou­rageants où se mélangeaient sagesse et bonté, nous rappe­lant le chemin commun de la Charité et de l'Amour.

A l'heure prévue, après la prière de remerciement, la séance fut close.

CHARITÉ ET RENONCEMENT

La tâche médiumnique terminée sur le plan physique, les travaux se poursuivirent pourtant parmi les désincarnés.

Des malheureux qui, pendant les prières, avaient reçu des soulagements, attendaient d'être transportés, assistés d'infirmiers bienveillants.

L'angoisse de certains Esprits qui n'avaient pas été traités pendant le programme de secours, me faisait de la peine. Toutefois, la sérénité dont témoignaient les Bien­faiteurs dévoués m'amenait à me consoler et à garder confiance.

Une fois les lampes allumées dans le Cercle, on voyait certains incarnés dans des attitudes lamentables du point de vue spirituel.

Ils reprirent vite les conversations bruyantes, effrénées, comme s'ils se trouvaient dans un endroit de plaisir physi­que, oubliant sans doute que là où la médiumnité travaille, le lieu devient une Infirmerie-Ecole d'aide immédiate et d'apprentissage.

D'autres en revinrent aux vieilles idées et aux anciens points de vue auxquels ils s'attachaient depuis longtemps sans avoir réussi, malgré tout l'effort de leurs Guides et Esprits Protecteurs, aucune amélioration sur le plan mental.

Quelques visages présentaient des signes évidents d'ennui et de fatigue sans la moindre trace d'allégresse ou de bonheur devant l'occasion de prêter secours à autrui, ce qui les aurait aidés eux-mêmes.

Chez d'autres incarnés, je constatai la profonde indifférence pour la séance à laquelle ils avaient assistée. Poussée par soeur Zélia, je vérifiais et j'en fus grandement surprise, qu'ils n'avaient participé d'aucune manière aux réalisations de la soirée.

Ce n'est que chez quelques-uns qu'on remarquait le respect et la joie intérieure en même temps qu'ils procé­daient à une analyse sincère, à un examen méticuleux de tout ce qu'ils avaient entendu. J'ai pu en déduire que ce groupe peu nombreux, une fois la séance close, continuait à s'atta­cher à l'organisation spirituelle directrice des activités et offrait du plasma mental et des fluides salutaires utilisés par les opérateurs au profit de l'assistance aux désincarnés.

Les entités malheureuses qui se tenaient à l'entrée, en­touraient de leurs bras leurs habitués psychiques, dans des ébats de raillerie. Ils entreprenaient à grand renfort de rires et d'attitudes ridicules, des conversations irrespectueu­ses et pleines d'ironie dont l'incarné participait par la trans­mission de la pensée, doutant de tout, sans tenir absolument aucun compte du culte et comme pour jeter des points de suspicion sur l'honorabilité des médiums.

En m'approchant d'un monsieur respectable que j'avais connu pendant que j'étais incarnée, je sentis ses doutes mentaux, où la défiance dangereuse et la cruauté s'unis­saient pour dresser des points de vue, apparemment res­pectables, mais profondément faux. Il se parlait à lui-même avec un sourire de supériorité.

Guidé par un ennemi terrible de l'Au-delà, ce sceptique s'approcha du médium Marcos dans l'intention de lui ino­culer le venin de la méfiance et de l'amertume.

Le Directeur qui l'observait, devançant son plan exé­crable, enveloppa immédiatement le médium en isolant son canal d'inspiration et attendit l'attaque de l'impiété.

« Intéressant, le message de notre Otilia, avança le pupçonneur invétéré. Elle s'est montrée plus raffinée dans sa façon nouvelle de parler, en renforçant ses idées de raisonnements très différents de la formation dont elle disposait jadis. Sa voix, ses expressions se montraient fort différentes de celles que je connaissais chez elle. »

Et, d'un ton arrogant, il jeta son argument bien préparé :

« Si ce n'était pas un message fait par ton intermé­diaire, j'avoue, moi, que je douterais de son authenticité. Je ne l'ai reconnue qu'à la fin, lorsque elle s'identifia par son prénom. »

Le médium, surpris, essaya d'expliquer, en énumérant des raisons qui auraient pu influencer le changement :

« En matière de médiumnité, dit-il, avec l'idée d'ap­porter des précisions, des subtilités existent qui échappent à une observation superficielle. Il faut un examen plus approfondi, une étude plus poussée des circonstances et des données du moment pour aboutir à une conclusion au sujet des échanges entre les incarnés et les désincarnés. »

Il allait continuer. Mais le guide, soucieux des respon­sabilités du moment, ne permit point au médium conscien­cieux d'apposer de la résistance aux attaques de cet indi­vidu sans tact. Il fit taire l'impertinent par une réponse vague, inexpressive du médium.

« ... En effet, je ne sais vraiment pas expliquer. » acheva-t-il.

Comme le monsieur essayait d'insister par des ques­tions désagréables, le médium, fortement soutenu, mit un point final à la conversation, en ajoutant :

« Je ne me souviens plus de ce que l'amie spirituelle a recommandé ; toutefois, je vous conseillerais d'examiner à fond ses enseignements et de raisonner là-dessus, car cela pourra vous être utile. La question de l'identité n'est pas si importante que ça. »

Et, discrètement, il alla plus loin, pour esquiver de nouvelles attaques.

L'individu partit énervé, se promettant de ne plus re­tourner au Cercle et se disant, en sentiments partagés de colère et de victoire : "Tout cela n'est que de la fraude!"

Quelques minutes plus tard, la salle reprenait son silence, après le départ des personnes incarnées.

Quelques entités, prises par d'autres engagements, parti­rent s'occuper de leurs affaires.

Le Directeur, toutefois, nous dit :

« Accompagnons le médium Marcos jusque chez lui parce que, plus tard, nous aurons encore besoin de sa colla­boration.

Et, se tournant vers moi, il ajouta, complaisant :

« La médiumnité avec Jésus, c'est la vie dans la Chari­té et dans le renoncement, dans le sacrifice et dans l'abné­gation. Nous sommes obligés de faire appel à des coopéra­teurs plus dévouées, bien que surmenés parfois, parce … les désoeuvrés "ne disposent pas de temps pour le travail"…

Il est vrai que "à ceux qui ont beaucoup reçu, il leur sera beaucoup demandé ; de même, celui qui contribue beaucoup au bénéfice d'autrui recevra beaucoup au nom de tous." Il dit encore, en poursuivant les explications :

« Considérons le médium comme une bêche indispen­sable au travail de la terre. D'autant plus utilisée, elle ne sera que plus éclatante. Si, au contraire, elle refuse de servir, s'altère par la rouille.

Lorsque le Seigneur organisa le Collège galiléen, il pré­féra des hommes rudes mais habitués au travail, dont le corps, exercé par le labeur, se présentait prêt aux combats. Il n'alla point chercher les docteurs, habitués aux soieries et aux chaires, mais craignant la fatigue physique.

D'après l'enseignement du Maître, nous apprenons que le meilleur serviteur est celui qui ne ménage pas ses efforts pour la réalisation d'une tâche donnée ; celui en somme, qui dispose toujours d'énergies renouvelées lorsqu'il faut se donner soi-même totalement. »

Nous en étions là de la conversation, lorsque nous sommes parvenus devant la maison du médium qui, lui, n'était pas encore arrivé.

Un spectacle tout à fait insolite m'attendait.

Des entités révoltées entouraient la maison du médium dans une attitude hostile, en discutant à haute voix, sur les moyens de casser son influence sur leurs victimes habi­tuelles.

Quelques-uns commentaient, en proie à une grande exaltation, la possibilité de l'assassiner, préconisant des moyens capables de faire réussir l'attentat. D'autres suggéraient que le siège autour de lui soit intensifié par des ca­lomnies bien ourdies et par la médisance sournoise en disposant sur son chemin railleries, difficultés, inquiétudes.

Un jeune dégénéré désincarné, cria :

« Exploitons chez lui la tendance à la sensibilité, en dressant contre lui des obstacles affectifs et en l'éloignant des compagnons de travail les plus proches ; il n'y a personne qui résiste dans ce cas… »

Et, après une brève pause, avec un sourire triomphal :

« L'ingratitude et la calomnie, la solitude et le mépris anéantissent n'importe quelle résistance. A ce moment-là donc... »

Quelqu'un conclut :

« A nous, alors, agissons ! »

Le débat se poursuivit, plein d'entrain. L'Instructeur Elsior qui nous accompagnait, me regarda d'un air entendu et ajouta :

« Charité et renoncement avec prière et amour sont les seules armes de défense que le médium peut utiliser en vue des efforts bénis du maintien de la paix et du travail. »

Après s'être fait reconnaître, le Bienfaiteur entra chez Marcos accompagné de nous tous, tandis que les Esprits irresponsables se dispersaient bruyamment en criaillant des expressions grossières.

DETTE ET ACQUITTEMENT

A vingt-trois heures trente, le médium chercha son lit et après les prières habituelles, avant de s'endormir, chercha à se mettre en rapport avec le Maître Béni.

L'Instructeur-dirigeant, Elsior, en le magnétisant, le poussa au dédoublement par le sommeil.

Marcos, joyeux et franc, nous salua avec enthousiasme. Quelques minutes après, nous l'avions à nos côtés.

« Dépêchons-nous, avertit l'Instructeur. Le devoir nous appelle. »

Nous retournâmes rapidement au Cercle, conduisant avec nous l'ami libéré momentanément de son corps. Les locaux, maintenant, présentaient un aspect tout à fait différent. Sur les chaises se trouvaient assis des Esprits attentifs dont les groupes marquaient un profond respect. Tous plongeaient dans la prière, conscients des responsa­bilités qui leur étaient assignées. Il y avait une table, quelque peu éloignée du public spirituel, avec dix chaises tout autour, où des Entités consacrées au travail plongeaient également la pensée dans la réflexion et dans le recueillement. Les murs de la salle présentaient, dans leur simplicité, une blancheur irréprochable.

L'Instructeur Elsior conduisit le médium à une des chaises disposées un peu plus loin, près d'un lit très propre où un esprit au visage épouvantable de férocité reposait dans un sommeil agité.

« C'est l'ennemi d'un jeune homme qui travaille au Cercle, expliqua soeur Zélia, il va recevoir des soins un peu plus tard. »

Quelques minutes après, entra une jeune fille, également dédoublée par le sommeil et dont le visage présentait les marques évidentes de l'obsession profonde qui la dominait. Elle venait, appuyée sur deux amis dévoués de no­tre sphère spirituelle.

On la fit approcher doucement d'un siège vide. Elle gardait sur le visage une expression de peur, bien que puis­samment soutenue par les forces magnétiques émises par les présents. Elle semblait ne pas se rendre compte de ce qui se passait autour d'elle.

Une nouvelle séance médiumnique allait commencer.

Je demeurais près de soeur Zélia dans l'assistance.

Après une prière intense de l'Instructeur Elsior, la ma­lade, un peu plus sereine, ébaucha une expression de luci­dité ; elle repérait peu à peu, l'endroit où elle se trouvait.

C'était le Cercle où elle avait déjà été quelques heu­res auparavant. La joie dessina sur son visage altéré un sourire de contentement, ayant reconnu le médium ; elle lui fit de la main un signe discret et lui demanda pourquoi on se trouvait là.

Le médium Marcos, tout attentif aux recommandations de l'Instructeur que la jeune fille ne voyait point, lui expli­qua qu'il s'agissait de soins adressés à son propre persé­cuteur, suivant des ordres supérieurs. On lui demandait, par conséquent, de garder calme et confiance, courage et compassion ; d'utiliser la prière pour la réussite de l'entreprise. Marcos lui apprit que plusieurs amis spirituels dévoués se trouvaient présents et la rassura quant aux dangers éventuels de la séance.

« Depuis longtemps, continua-t-il avec sollicitude, secondé par l'ami désincarné si dévoué, cette entreprise d'acheminement du persécuteur au monde physique était devenue nécessaire en vue de son redressement. »

Après l'avoir préparée doucement et soigneusement, L'Instructeur Elsior se laissa voir et, présenté par le médium, il expliqua par des éclaircissements convenables de justesse, le travail qu'on allait engager ; il influença ­le centre visuel de la malade pour améliorer sa perception visuelle de la salle.

Le visage d'Angela se marqua de la joie qui envahissait son âme souffrante. Ensuite, on lui montra le malheureux persécuteur de sa pensée placé en suggestion hypnotique engourdissante.

Une fois les soins préparatoires achevés, des auxiliaires ­pleins de calme et conscients de leurs devoirs réalisèren­t des impositions de mains sur l'obsesseur qui se réveilla, d'abord encore un peu ensommeillé, mais qui reprit ensuite l'expression froide et dure sous des blasphèmes atroces.

En défiant les forces du Bien et en déblatérant de manière irresponsable, il montrait l'autre visage de l'homme, plutôt fauve qu'être humain, accompagnant ses mots de gestes de révolte brutale.

Sommé par la parole inspirée du médium et sous l'effet fluides puissants, il se calma un peu avant sa rencontre avec celle qui subissait son influence maléfique, fruit de la haine implacable.

Quand ils se retrouvèrent l'une devant l'autre, victime et bourreau, la jeune fille prit très peur. Une grande pâleur et des larmes envahirent son visage, comme si elle reconnai­ssait dans cet adversaire inattendu quelqu'un de très aimé, plongé dans les eaux troubles de la haine et de la rébellion. Le persécuteur, cependant, la regarda froidement, en riant, et lui demanda rudement : « Tu pleures ? Tu me reconnais ? »

« Pardonne-moi ! » supplia-t-elle, se mettant instinc­tivement à genoux.

Comme si la pensée d'Angela avait été secouée par un ouragan la faisant reculer dans le temps, elle retourna dans la maison des Braganças, au moment difficile du départ de la Famille Royale Portugaise pour le Brésil, au XIXème siècle.

« Moi, te pardonner ? Jamais !... Jamais je ne te pardonnerai ! Rugit le persécuteur farouche. Malgré ton retour à un corps de chair pour me fuir, moi et ma justice, vilaine et déshonorée que tu es, j'ai réussi à te retrouver après des efforts épuisants et je ne te laisserai point partir. »

« Aie pitié de moi, je t'en supplie ! »

« En as-tu eu envers moi ? As-tu eu pitié de mon foyer familial, maudite ? »

« J'avais cru, répondit-elle avec amertume, que tu étais mort dans les rues de Lisbonne quand les troupes de Junot étaient entrées dans la ville... J'ai tellement attendu de tes nouvelles  !... Tu ne m'as jamais plus écrit… »

La voix s'étrangla dans sa gorge. Et, après un grand effort, elle poursuivit :

« La faim, la misère, le besoin de vivre... Je recon­nais que j'aurais dû mourir mille fois au lieu de me corrompre. Néanmoins, jeune et toute seule, en ces jours de tourments et de sursauts. . . Je n'ai pas trouvé d'autre moyen... »

« Dévergondée ! Réagit-il avec cruauté. Si tu pen­ses toucher mon coeur de tes plaintes, va-t-en; tu n'y réussiras point. »

J'ai juré de me venger et je me vengerai. La tache dont tu m'as sali l'honneur, je la laverai au cours des années avec tes larmes jusqu'à ce qu'elles épuisent leur source et jusqu'à ce que tu te consumes dans le désespoir, comme moi-même j'ai été dévoré par lui. »

« Oublie ! Balbutia-t-elle, anéantie. Au nom de Dieu, oublie tout ! »

Je remarquai que l'Instructeur Elsior et les Auxiliaires Spirituels soutenaient la jeune fille, pendant qu'ils cher­chaient à faire entrer un peu de compassion chez le malheureux bourreau.

En même temps, secondée par le Frère Elsior, Angela se mit à prier.

Ses mots émouvants confessaient l'erreur criminelle et sa punition rédemptrice par l'atteinte de la folie causée par les remords et des excès, ce qui l'avait conduite au tombeau dans la deuxième moitié du siècle dernier.

Au fur et à mesure que ses paroles ajoutaient à son envie effective de redressement, elle s'engageait à aider l’objet de son amour d'hier, même au prix du sacrifice, pour le retour dans la voie du Bien.

Désarmé, touché dans la profondeur de son être par l’amour encore latent chez lui, bien que troublé par le sentiment de révolte, Antoine chercha à s'enfuir. Dans un état de demi folie, il semblait vouloir se faire mal à lui-même, en prononçant des propos désespérés.

Sous la force magnétique d'énergies bien dirigées vers lui, il retomba dans le sommeil. Il fut alors préparé à l'incorporation dans le médium présent. Avec l'aide du corps spirituel de celui-ci, au moyen d'un certain engourdissement la mémoire, Antoine entendit les paroles toutes de sagesse de l'Instructeur éclairé au sujet de son retour prochain dans la chair.

Angela le recevrait, non plus comme son mari, mais comme son fils. Non pas un fils de la chair, mais un fils de son coeur, meurtrissant ses jours sur Terre, de soupçons cruels au sujet de son honneur de fille.

Après avoir été sermonné avec tendresse, Antoine fut conduit à la Colonie préparatoire à la réincarnation. Bientôt la séance se termina. La jeune fille et le médium furent conduits chacun chez soi, après avoir joué un si grand rôle dans les scènes précédentes.

Une infinité de questions bouillonnaient dans mon cervea­u et cependant je n'osais pas les poser…

Après la clôture de la séance, l'Instructeur déclara, en s’approchant de soeur Zélia :

« Notre Antoine renaîtra dans quelques mois dans une ville des environs. Angela sera en congé de maladie à ce moment-là, cherchant à guérir de ses souffrances intimes. Elle ira, par tout un réseau de circonstances qu'il n'est pas nécessaire de préciser, voir un nouveau-né et elle prometytra, devant le lit de la mère tuberculeuse, de le garder. »

Et après une pause brève :

« Elle l'emmènera avec elle à la Capitale où elle subira le poids du doute sur son honneur de la part de beaucoup, concernant l'origine de cet enfant. Ironiquement, ce sera le résultat de son geste de charité, de renoncement et de réparation de ses fautes passées…

C'est la Loi. Ceux qui y désobéissent, en subissent la rigueur par le moyen des réparations. La dette réclame ine­xorablement sa liquidation. »

NOTES IMPORTANTES

Vivement saisie par le phénomène dont je venais d'être témoin, je n'ai pas réussi à taire mon envie d'en savoir plus. A la première occasion, je m'approchai de soeur Zélia je lui demandai :

« Est-ce que le médium se souviendra des événements qui se sont déroulés pendant la nuit ? La jeune Angela garde­ra-t-elle les souvenirs qui pourront lui rafraîchir l'âme ? »

Généreuse comme toujours, la Bienfaitrice expliqua :

« Sans doute. Cependant, les souvenirs seront diffé­rents. Le médium, parce qu'il est plus habitué aux problè­mes d'ordre spirituel, saura qu'il a participé à une opération de secours et il retiendra vaguement les scènes dans sa mémoire. Angela, elle se rappellera un cauchemar terrible et elle se réveillera effrayée, en pleurs et profondément triste. Mais elle aura l'appui de la Miséricorde Infinie du Ciel qui prête secours à n'importe qui. »

L'explication me sembla très nette.

Nous avons alors, quitté la salle.

La nuit tranquille semblait pénétrée par le chant de Immortalité, interprétée alors dans ses mystères et dans ses secrets.

Les enseignements récoltés m'amenaient à des réflexions sur la médiumnité. Malheureusement, je ne possédais point assez de connaissances pour pénétrer dans les subtilités des enseignements nouveaux. Modeste ménagère que j'avais été, Dieu m'avait toujours paru un Père plein de miséricorde. Je l'aimais avec la candeur d'une âme simple qui ne se fourvoie pas dans des questions inquiétantes. Le Spiritisme m'apprit à l'aimer comme le Père plein de sagesse et maintenant, après les leçons reçues, je me plai­gnais de l'étroitesse de mon entendement qui m'avait rendue inapte à retenir des enseignements d'aussi grande valeur.

Ayant remarqué ma mine sérieuse, la préceptrice zélée me demanda les raisons de mes soucis et quand je les lui présentai, elle me dit avec encore plus de bonté :

« Il ne faut pas vous décourager. Rappelons-nous que l'évolution est un programme pour l'éternité. La vie physi­que constitue une marche dans la montée que nous devons tous entreprendre. Toutefois, il faut ne pas oublier qu'une fois la période des réincarnations terminée, l'âme continue à se développer en amour et en connaissances, loin des vi­brations de la Terre et dans d'autres foyers d'évolution. »

Et après un moment de silence :

« Nous avançons par étapes. Dans une incarnation, nous acquérons la couronne de la culture ; dans une autre, le laurier de l'amour. Il y en a peu qui réussissent à acqué­rir d'emblée bonté, culture intellectuelle et le rayonnement de l'amour. La plongée dans la chair condense des vibra­tions qui se mettent en syntonie avec le climat mental d'autres vibrations résultant de vies antérieures auprès d'autres êtres, ce qui, d'une certaine manière, nous rend plus difficile la montée vers le sublime et vers la libération. Sans dédaigner la culture intellectuelle, l'âme réussit une excel­lente opération quand elle développe le sentiment, en affi­nant son caractère au moyen de la souffrance. A l'inverse, ils ne sont pas toujours heureux ceux qui développent beaucoup les qualités du cerveau sans s'occuper suffisam­ment des sentiments. »

Et elle poursuivit, encourageante :

« S'il est vrai que l'amour peut tout, l'âme moins cul­tivée mais pleine de bonté trouve les moyens spirituels de se rapporter aux connaissances amassées et enregistrées dans sa mémoire au cours d'autres étapes. Cela ne peut pas sans la bonté, se produire pour la culture intellectuelle.

L’homme savant, mais sans amour, peut devenir un monstre. Désincarné, il constatera combien sont étendues ses connaissances, mais portant un coeur vide, il sera astreint à une longue suite de réincarnations par les chemins étroits de la souffrance, privé du savoir, dans des expiations purifi­catrices. »

Et elle conclut, en riant un peu :

« Si j'avais le choix, pour ma prochaine étape dans chair, entre les moyens de progresser dans la culture intellectuelle et le sentiment de l'amour selon les enseigne­ments du Maître, je serais très heureuse de choisir l'occa­sion d'aimer et de souffrir, en apprenant dans le secours à autrui la raison des énigmes de la vie. »

Un véritable bain de paix me lava le coeur. Tout me semblait plus net et un souffle prometteur m'invitait à prendre un nouveau chemin vers l'évolution. Je comprenais si je ne pouvais pas évaluer intellectuellement l'expé­rience acquise, guidée par la lumière de la raison, je pourrais retourner au même sujet en me servant des connaissances enregistrées dans mes archives mentales.

Nous avancions dans la rue. L'aube éclairée par la lune constitue, sans aucun doute, une bénédiction de la grande mère-Nature à l'homme sur Terre.

Des vibrations d'harmonie et de tranquillité descendaient par les rayons argentés et rafraîchissant la Terre, l’enveloppant de paix.

Devant nous s'allongeait l'avenue déserte et silencieuse. On entendait très peu de bruits. Etant donné la densité mentale plus déliée pendant le sommeil des habitants humains, la nuit accueillait des visiteurs d'autres Sphères. C’était le moment de l'aide intensive, des apports de secours, des affections qui ne s'éteignent jamais. Des groupes d'enti­tés désincarnées surgissaient, tout d'un coup, pour disparaî­tre un peu plus loin au milieu d'une grande agitation. Ils ressemblaient à des nuages sombres se faufilant furtivement.

D'autres groupes passaient rapidement, grisâtres, "humides" ; leurs liens périspritaux présentaient un aspect maladif et craintif. C'étaient des esprits vicieux et inquiets, en accord les uns avec les autres et qui allaient à la recherche d'antres de corruption et d'animalité.

La Bienfaitrice, qui marchait à mes côtés, me conduisit au bord de la mer et, sous le ciel étoilé et devant l'abîme liquide presque à nos pieds, elle m'invita à la réflexion silencieuse et au repos.

Cette période finie, nous rentrâmes heureux et pleins de regrets...

Les jours de communion spirituelle avec toi, ma fille et avec les frères et soeurs dans la Foi, m'ont rappelé les temps où j'étais incarnée. J'avais été là pendant le séjour terrestre voyant avec l'âme le champ de notre bonheur, là où nous devons nous améliorer. J'ai éprouvé des joies inouïes au cours des activités d'échanges dans la séance évangélique, autour du personnage unique qu'est Jésus Christ; j'ai revécu les promesses de mon ancien Foyer ; cependant le devoir m'invitait à la poursuite de l'effort dans le site béni qui m'accueillait.

Le temps s'écoulait occupé tout entier aux activités permettant une étude par l'enrichissement intime à travers le travail. Il fallait absolument récupérer les moments gas­pillés dans l'inutilité et dans l'ignorance.

L'ACCUEIL AU VIEIL AMI

Les séjours sur Terre devenaient plus fréquents. Quel­ques mois après t'avoir revue, soeur Liebe me dit, à l'occa­sion d'une de ses visites à la "Colonie Rédemption" :

« Otilia, comme tu le sais, la maladie de Gonçalves devient de plus en plus grave. L'âge avancé ne lui procure plus une bonne résistance. Nous croyons que le décès se fera dans quelques jours. Des Amis Spirituels qui l'accom­pagnent pendant l'étape actuelle nous ont fait part de l'approche du moment du retour. Si tu le veux bien, soeur Zélia pourra te donner un congé de cinq jours pour que tu l'assistes au moment de son trépas. »

D'un sourire plein de bonté où l'on devinait toute sa tendresse, elle conclut :

« N'oublie pas la vigilance, il faut qu'elle soit totale, à n'importe quel moment. L'ami est un frère en Jésus et il traversera la frontière de la mort en portant les ressources qu'il aura amassées au cours des années. Ton aide ne pourra point porter de marques de l'enthousiasme personnel. Aie confiance en Jésus et prie. »

Je me sentis en même temps toute joyeuse et pourtant préoccupée. Gonçalves fut le père que je connus au moment le plus difficile de mon existence sur terre. Il m'offrit, plein de bonté, son appui dans le mariage. L'avoir à mes côtés constituait pour moi un motif de bonheur ; les circonstances, pourtant, pourraient ne pas nous permettre de rester ensemble encore pendant un certain temps. J'attendis donc en silence et confiante, l'occasion de l'accueillir.

Le matin suivant, dimanche, à l'aube, j'entrai accom­pagnée de l'Esprit du frère franciscain François d'Avila dans la chambre où le vieil époux quittait lentement la chair.

La dyspnée l'attaquait et son coeur affolé s'arrêtait dans les affres d'une agonie prolongée.

Un ami incarné, qui l'accompagnait pendant cette pé­riode difficile, dormait à ses côtés. Son esprit pénétré de fraternité, se tenait attentif. Il nous vit arriver et nous reçut amicalement.

Le Docteur Carneiro, vieux compagnon désincarné, qui développe habituellement des activités soutenues dans les orientations spirituelles du Cercle, nous expliqua aussitôt :

"La désincarnation est prévue pour ces jours-ci. Nous avons déjà commencé à délier les centres de vitalité. Notre frère, cependant, par formation religieuse précaire, redoute beaucoup la mort. Bien que rattaché dernièrement au Spi­ritisme, il garde dans son subconscient le fantôme de la peur et pour cette raison, il s'attache à la chair, en proie au désespoir et à la crainte.

Nous espérons, dans quelques instants, le faire venir jusqu'à notre foyer de vibrations ; nous lui ferons compren­dre le besoin de garder confiance et tranquillité. Le matin, nous inspirerons les incarnés qui l'entourent d'affection de façon à ce que la conversation tourne autour du problème de la mort".

Sous l'effet d'impositions de mains faites avec soin, le cher malade, après une longue veille, s'endormit ; à demi délié par le Docteur Carneiro, il entendit, dans une semi­ conscience, des mots stimulants et apprit le chemin à suivre pour le voyage qu'on ne peut pas ajourner.

Il se réveilla angoissé, bien que gardant dans la mé­moire l'idée de la fin de son voyage physique.

Plus tard, lorsque les amis s'approchèrent pour la con­versation habituelle, le médecin dévoué parla de façon à conduire les propos vers le problème de la nouvelle vie.

Tout en tissant des commentaires pleins de sagesse et profondeur au sujet de la vie, en deçà et au-delà de la frontière chamelle, l'ami lui fit part de la nouvelle de son décès physique, l'encourageant au beau voyage vers le pays la lumière.

Après les prières et la lecture de quelques psaumes, le malade devint plus tranquille, raffermi dans la foi par la certitude de l'immortalité.

Le Docteur Carneiro nous expliqua :

« Il semblera être un peu mieux et il se détachera de la chair dans quatre jours seulement pour éviter de le brusqu­er, car il n'y est pas préparé. Il aura, ainsi, assez de temps pour réfléchir, et reprendre l'espoir.

Suivant la prévision du médecin spirituel, la période d’une certaine amélioration une fois écoulée, l'état général malade présenta des changements subits et les troubles cardiaques se succédèrent de manière désordonnée, précipi­tant le moment de la désincarnation.

Assise à ses côtés et entourée des amis sûrs, j'entendis le Docteur Carneiro qui disait :

« Demandons aux amis qui se trouvent en séance doctrinaire de presser les activités, ce qui nous procurera des vibrations utiles. »

Au même instant, une lueur orangée, apportant du ré­confort et des baumes, baigna la pièce.

« Ce sont les vibrations d'amour apportées par les frè­res dans la Foi. » murmura le frère François d'Avila, qui coopérait dans les impositions des mains visant au déliement entre la chair et l'esprit. »

Occupé à l'opération délicate d'écartement des liens périspritaux qui, durant toute l'existence sont implantés au corps, le médecin déclara :

« Dans quelques minutes, il sera délivré. »

Je suivis le processus de désincarnation, en proie à une forte émotion. La mort ne semblait pas être quelque chose de très aisé. J'observai des fluides du corps du moribond se détachant, en particulier des zones où les forces dispersives avaient été appliquées en plus grand nombre ; ces fluides semblaient mûs par d'habiles instruments et recomposaient à côté de l'organisme qui s'éteignait, un double parfait en tous points identique au corps matériel. La respiration, auparavant accélérée, diminuait peu à peu d'intensité, jusqu'à ce qu'elle s'éteignît. La mort physique était accomplie. Malgré cela, il persistait, rattaché à la région des coronai­res un lien épais d'une couleur brune-grisâtre.

Tandis que les incarnés priaient ou pleuraient discrètement, le médecin spirituel continuait l'activité de déliement, en nous informant avec sollicitude :

« Ce n'est que dans quelques heures que nous coupe­rons ce lien. Cliniquement, Gonçalves est "mort". Nous sa­vons, cependant, que c'est maintenant que commence le grand cheminement pour son âme active. Saluons le frère qui nous arrive, par nos prières de reconnaissance au Vivant Céleste. »

Après huit jours, pendant lesquels le vieil ami resta dans un profond sommeil, on le conduisit à la Colonie, où il se réveilla dans une attitude d'inquiétude et de souffrance.

La maladie prolongée avait laissé des marques profon­des. Il continuait à présenter des signes de fatigue, suivis de dyspnées prolongées et d'évanouissements successifs.

Cependant, assisté par le Docteur Cléofas, il reprit peu à peu de la sérénité. On le transporta dans une Infirmerie spécialisée. Quarante jours après, soeur Zélia me conduisit jusqu'à lui, déjà conscient mais encore anxieux.

En proie à une grande inquiétude à mon tour, je parcourus la petite distance qui nous séparait, tandis que je causais avec la Bienfaitrice dévouée. Arrivant à la salle, j'aperçus à côte du cher ami, l'adorable Liebe reconnaissa­ble à sa taille délicate et à sa gaieté joyeuse.

Accueillie avec tendresse par la douce messagère du Ciel, j'entendis à nouveau sa voix sonore, quand elle annon­ça, en soulevant le nouveau-désincarné :

« Gonçalves, Jésus t'accorde le bonheur d'une rencon­tre. Notre Otilia est venue te rendre visite. La mort n'existe pas ! Sens la vie en toi-même ! Tu es libre, maintenant ! »

Je m'approchai du lit en m'inclinant, je le pris dans mes bras, heureuse et reconnaissante, embrassant sa tête encore pleine de souvenirs et de soucis. Et, comme jadis, j'appuyai mon visage sur sa poitrine.

Je vins ensuite visiter le compagnon de ma joie sur Terre autant que mes activités me le permettaient, tout en respectant, naturellement, le règlement de la Colonie Spiri­tuelle dont je faisais partie.

Le temps passant, on nous permit de poursuivre la conversation. Peu à peu le convalescent s'habituait à notre condition ; il risqua ses premiers pas dans ce monde nouveau.

Dès que l'occasion se présenta, soeur Zélia nous invita à visiter le Jardin de la Santé. C'était la première fois que j'entendais parler d'un tel endroit ; tout en souhaitant avoir plus de renseignements, j'attendis ce moment avec allé­gresse.

La nuit suivante, nous prîmes une voiture qui nous conduisit tous les trois dans la banlieue de la ville. Un bocage plein de couleurs scintillait devant notre regard surpris.

Des fleurs menues embaumaient l'air. Elles ressem­blaient à celles des jardins terrestres, la seule différence consistant en ce qu'elles étaient lumineuses.

Devant mon étonnement, notre Conductrice expliqua :

« Il s'agit de fleurs aux propriétés curatives. Pendant la journée, elles absorbent les rayons solaires et, la nuit venue, quand elles émettent leur lumière, elles aident les Esprits sans force par leurs émanations fluidiques, qui ont un grand pouvoir de guérison. Approchons-nous. »

Nous nous sommes approchés d'un parterre de géra­niums et de roses d'une blancheur éclatante. Nous nous assîmes sur un banc également blanc et moelleux. Une mu­sique harmonieuse se faisait entendre dans la nuit.

Observant le silence, nous nous sommes calmés, tout en contemplation devant le jardin béni de la Nature.

SPIRITISME ET CHRISTIANISME

Une année après l'arrivée de Gonçalves, je prenais déjà part activement aux voyages successifs sur Terre, soit dans des séjours d'apprentissage, soit dans des activités de secours. Le Docteur Cléofas décida que nous pourrions l'accompagner à une réunion le lendemain après-midi pour entendre les mots sages et consolateurs de certain prédi­cateur spirite, désincarné depuis quelques années.

Arrivés sur place, je m'étonnai devant la foule de gens qui attendaient et dont les visages traduisaient la joie.

Quelques instants après, accompagné du Directeur de la Colonie, parut sur l'estrade de vénérable José Petitinga, grand défenseur de la cause spirite à Bahia.

Ce chrétien respectable, présenté avec affection, se diri­gea vers la tribune très simplement et, après un instant d'observation de l'ambiance, entouré d'une lumière très pure, il salua les présents du salut enseigné par le Maître :

"Mes frères aimés, que la paix soit avec vous !

Une longue nuit s'est abattue sur la Terre et continue d'y régner, impitoyablement.

La souffrance, moqueuse, raillait la Foi, y versant son amertume et le désespoir.

Des patrimoines respectables de croyance se déman­telaient avec grand fracas.

Le crime et la peur avaient libre cours.

L'immoralité vainquait les résistances et déshonorait les foyers familiaux.

Les haines et les vengeances couvraient de deuil les coeurs, détruisant des familles entières.

Des sanctuaires respectables étaient violés par le man­que de respect de leurs propres gardiens.

Le masque repoussant de l'horreur se présentait et, à grands cris, en appelait au plaisir abrutissant, à la possession illégale, aux vols commis avec violence, à la destruction.

Quelques obstinés désirant dresser des barricades tout autour des trésors de l'honneur, de la famille, du Bien, étaient terrassés et vaincus. La raillerie se déversait de toutes les bouches et croire avec foi, était presque tenu pour une infir­mité inspirant de la réprobation aux cyniques.

Le Royaume de la Folie s'était établi.

Après les siècles d'obscurité et de dominations guerriè­res, la Raison et la Justice se sont dressées pour détruire les chaînes de l'esclavage mais une ère de nouvelles misères s'est instituée.

Au nom de la raison empirique, des idées absurdes sur­gissaient qui détruisaient des principes vénérables. Dieu était méconnu en France et le matérialisme sorti des théories hasardeuses de certains penseurs, élargissait ses domaines.

Lorsque la raison s'avança, appuyée sur le scientisme moderne pour poursuivre ses recherches, le déséquilibre provoqua des résultats qui traduisaient la folie de l'époque. "Science et Raison, voilà mes dieux" proclamaient les chercheurs du phénomène vie, en proie au trouble.

En même temps, la Justice, née de l'Idéal et qui avait osé rompre les chaînes de l'Absolutisme pour proclamer les Droits de l'Homme, provoqua dans un moment de désarroi, elle aussi, des hécatombes comme celles qui anéantirent des populations entières pendant le dernier quart du XVIIIème siè­cle. L'avenir, qui semblait plein d'espoir, agita les eaux en menaçant le bateau de l'Humanité, ballotté par les vagues déchaînées dans d'affreuses tempêtes.

La Science examinait et cherchait, en se libérant de tous les préjugés, à renouveler des thèses et à étendre les décou­vertes.

La Philosophie cherchait et grandissait, en proclamant des idoles et en les jetant ensuite à terre, dans l'envie effre­née d'apporter des réponses aux questions philosophiques.

L'âme du peuple subissait l'effet du déséquilibre des conducteurs de la pensée générale.

Toutes les têtes se tournaient vers le Ciel, qui restait éloigné, semble-t-il, des problèmes terribles du moment.

Mais en cet instant d'angoisse, l'Esprit lumineux d'Allan Kardec, tant de fois entraîné dans les grands témoignages dans le domaine du Bien, se sent appeler vers le tourbillon de la chair.

Des citoyens Français vont étudier ailleurs, après l'effondrement des principes philosophiques qui provoquè­rent la chute de la Bastille, celle-ci suivie de tant d'horreur. Le jeune Denisard Rivail fut envoyé à Yverdon, en Suisse, pour approfondir des études auprès de Pestalozzi, le Pro­fesseur Idéal, en vue des grands combats d'idées auxquels il se livrera plus tard.

Appelé au champ de l'action au moment des tables tour­nantes et parlantes, il reçoit, d'abord avec froideur, ensuite avec un esprit de recherche très méticuleux et, finalement, avec enthousiasme, le message révolutionnaire de l'Au-delà. Il répond à l'invitation de se mettre à la tâche de propager les idées nouvelles, de vivre et souffrir pour elles.

Les voix recommencent à parler.

Les tombeaux rompent leur silence et les morts parlent. Le Spiritisme paraît ; il éclaire les consciences et console les coeurs.

Des questions millénaires trouvent des réponses claires à la lumière de la raison scientifique ; l'immortalité est affirmée par les plus grands maîtres.

Des théories puériles, acceptées depuis des siècles, tremblent sur leurs bases et des constructions de fausse science tombent à terre dans la poussière.

Des idéologies cachées dans le long silence des siècles, reprennent leur actualité et s'imposent, fortifiées par la Philosophie nouvelle.

Les mystères d'Eleusis et d'Isis sont expliqués.

La mort se laisse abattre dans le repaire où elle se ca­chait et reste anéantie sous la réalité de l'esprit libre.

Kardec paraît sur la scène de la vérité.

Les déchaînements de la pensée sont maîtrisés.

Mais des persécutions extrêmes se liguent contre lui en essayant de lui couper la voie sans cependant y réussir. Il apporte un message au monde et il le transmet avec l'ardeur de l'apôtre et l'enthousiasme de l'idéaliste.

Sa parole, concise et logique, affronte les superstitions et les efface.

Sa plume lumineuse provoque la polémique et l'éclaircit en même temps.

Sa volonté d'acier le fait maîtriser la couardise des uns et la préciosité des autres, le poussant à la marche lumineuse.

La Doctrine Spirite brille, scintille, déchire les ténèbres et devient enfin victorieuse.

Des âmes angoissées cherchent le Consolateur.

Des coeurs pleins de regrets plongent la pensée dans de nouvelles conceptions et l'amour se renouvelle sous le patronage de l'Éternité.

Des gens simples et souffrants frappent aux portes du Paraclet, chargées de problèmes et d'inquiétudes et trouvent le réconfort vivifiant.

Lorsque l"` Evangile selon le Spiritisme" diffuse les idées du Maître, éclairées par les enseignements des immortels, la Doctrine Spirite plante la semence de la Foi incomparable et s'élargit en abritant des foules. C'est parce qu'au sein de cette Croyance il y a des mains pour toutes les larmes, de la consolation à toutes les souffrances et des soins pour toutes les maladies.

Jésus-Christ, qui semblait s'être éloigné du monde, y retourne et scintille dans le coeurs.

Dieu, qui avait été délaissé, réapparaît et reste au-dessus de toutes les Églises comme l'Architecte Suprême, aimé et respecté.

Le dogme maladif et poussiéreux est remplacé par le libre examen.

L'intolérance est échangée contre la compréhension.

La suprématie religieuse est vaincue par le bon sens. L'égoïsme est dominé par la charité.

Les hommes redeviennent frères.

C'est pour cela que le Codificateur a dit: "La Charité est l'âme du Spiritisme. Elle résume tous les devoirs de l'homme envers lui-même et envers ses semblables. C'est pour cela que l'on peut dire qu'il n'y a point de spirite sans Charité".

Le vrai Christianisme, le Christianisme pur, enseigné par Jésus et ses disciples pendant les trois premiers siècles de notre Histoire, réapparaît.

Avec le Spiritisme, l'amour reprend son empire glorieux.

"Nous n'avons pas le droit d'être heureux, mais le devoir de contribuer au bonheur du prochain" enseignent les Voix.

Nous ne sommes privilégiés ni de l'honneur ni de l'allé­gresse, mais plutôt redevables des grâces et des dons de grand prix.

Nous ne disposons point de titres nous concédant un privilège d'angélisme ou de paix. Nous portons en nous les marques des points négatifs nous appelant à l'arrière-garde afin de nous perfectionner.

L'homme pleure — voilà pour nous l'occasion de servir ; L'homme haït — voilà pour nous la chance d'aimer ; L'homme se désespère — voilà pour nous le moment de prêter secours ; L'homme court affolé — voilà pour nous l'occasion de le soutenir ; L'homme aspire à la liberté — voilà pour nous l'instant de nous remettre dans la chair pour monter avec lui vers la vie supérieure. La nouvelle règle consiste en cela. Jésus est la porte donnant accès au bonheur. Kardec est la voie d'accès.

Le Christianisme est la réponse céleste à l'appel du monde angoissé.

Le Spiritisme est le guide de l'homme vers les bras du Pasteur Divin.

Avançons dans le Bien, demeurons dans la bonté, exer­çons le renoncement.

Ne doutons point que le Seigneur nous attend. A nous­ mêmes incombe uniquement la décision d'avancer vers lui. La paix soit avec vous !"

Ayant fini et tout couronné de lumière, il s'écarta, humblement, et alla reprendre la place qu'il occupait auparavant.

L'émotion nous emplissait tous. Des joies et des regrets, des souvenirs et des anxiétés multiples parlaient dans nos âmes.

De fins pétales de roses tombaient du toit et se dissol­vaient dans la pièce, nous imprégnant d'un parfum délicat.

C'était la réponse du Ciel, dans ce moment de com­munion avec les Hauteurs.

SENSATION DE CONFIANCE

Le temps remplissait ma vie de satisfactions grâce aux excellentes occasions de travail et d'apprentissage.

La mort n'avait pas altéré mon désir de me consacrer à l'oeuvre commune. Au contraire, elle avait déployé en moi les possibilités de réalisations.

La vie qui ne cesse pas est mise en action par les tâches qui ne s'arrêtent point. Celles-ci constituent partout le le­vier indispensable au maintien de l'équilibre. Patrimoine légué par Dieu, le travail signifie honneur et gloire à l'esprit assoiffé d'évolution et d'amélioration personnelle.

Tout le temps que nous restons attachés à la vie phy­sique, nous ne sommes pas capables d'estimer la véritable valeur du travail en tant qu'élément déterminant dans la voie de l'intégration dans le Bien absolu. Il nous semble un devoir désagréable dont nous voulons nous libérer, plutôt qu'une bénédiction proprement dite, bénédiction essen­tielle d'harmonie intérieure et de satisfaction évolutive.

A cause d'une formation déficiente, nous voyons dans le travail un moyen de subsistance et d'accumulation des biens matériels qui disparaissent, néanmoins, avec le temps qui passe.

Dans le monde de l'esprit, nous constatons avec une grande surprise, qu'au lieu de constituer une obligation, il s'avère être en réalité, une chance inouïe. Comme tout est en progression dans l'univers, l'âme se sent honorée de la possibilité de coopérer dans cet acheminement de toute la création vers le sublime.

Absorbée par l'intérêt des choses immédiates, l'âme incarnée dans le corps physique s'engourdit, envisage la vie de façon erronée et manque de respect envers la chance que procure le travail. L'homme recherche toujours des moyens d'y échapper et d'en tirer des profits. Des lois subtiles et habiles diminuant les temps de travail, risquent de favoriser la paresse et le repos immérité de la pensée qui, libre de responsabilités et de préoccupations élevées, se laisse prendre dans les lacets des habitudes dépressives ; l'homme perd alors la joie et le courage et fait du travail un adversaire de sa paix intérieure...

Oubliant le but plus noble suggéré par le travail, l'hom­me devient un automate inconscient, sans itinéraire précis et il s'égare dans des inquiétudes et des recherches de faux besoins. Il en résulte pour lui des névroses et des psychoses qui finissent par détruire l'expression de sa libre volonté.

Dans le domaine de nouvelles activités où je me trouve à présent, l'Esprit qui n'est pas habitué au devoir subit d'atroces souffrances parce que l'évolution est le fruit d'efforts incessants et que le bonheur provient du devoir bien accompli.

Ce n'est que le devoir terminé, vécu véritablement, qui puisse répondre par des faveurs réciproques aux appels véhéments de l'esprit.

C'est pour cette raison que j'ai cherché à m'appliquer au programme des conquêtes intérieures, à m'affermir dans la décision de travailler humblement et de m'efforcer par le développement des possibilités, au dévouement dans les activités de coopération.

Devant tant de concessions offertes par la vie, mon esprit troublé se sent tout endetté ; un horizon glorieux s'ouvre à mon âme assoiffée de liberté et d'espace.

La miséricorde du Ciel peut être comprise hors des limites étroites du dogmatisme religieux ; le Père semble s'épanouir en moi de façon saisissante et enthousiaste.

Partout, ma fille, la vie se déploie dans un ensemble merveilleux de promesses et d'harmonies.

A la nuit, succède le jour.

La souffrance est écartée par la santé.

La haine est supplantée par l'amour.

La peur est maîtrisée par la ferveur du courage.

Et la foi, scintillante et imposante, éclaire aujourd'hui nos chemins, en nous invitant à la grande conquête inté­rieure.

Les chaînes des croyances traditionnelles se brisent et l'action intellectuelle offre un patrimoine sans prix à la vic­toire qui se montre certaine.

L'âme pleine de confiance, je contemple l'avenir.

Des obstacles multiples et successifs se dresseront en­core devant moi en attendant d'être surmontés et maîtrisés. Mais, avec le Seigneur dans le coeur et dans l'âme, je n'ai pas peur.

Sous la lumière de l'entendement lucide, le règlement des comptes qui m'appelle au retour dans la voie de la réin­carnation me fait réfléchir profondément, mais ne me fait pas peur, bien que je conçoive combien de chutes et de reculs sont inévitables au cours des combats.

Je suis au courant, à présent, de ce que plusieurs échouent dans les activités auxquelles ils se consacrent, avant même de s'y engager. Les adversaires d'hier nous har­cèlent, nous empêchent d'avancer, sèment des difficultés sur nos possibilités, dressent des épines sur nos chemins ou nous amollissent le caractère dans les facilités de la vie et le plaisir.

Mais je poursuis, en renouvelant toujours ma confiance au Seigneur Jésus, notre Guide et frère, qui n'oublie jamais de porter secours aux malheureux engagés dans des combats douteux.

J'ai confiance en Lui. Je dépose en Lui tous mes espoirs, en Lui offrant mon existence, mille fois si cela est nécessaire, pour le bonheur infini de L'honorer et de L'aimer.

GRATITUDE

Fille de mon coeur,

Je sèche mes yeux humides et je dépose aux pieds de la Mère très Sainte de l'Humanité, les fleurs les plus belles de mes sourires d'espoir.

Dans son amour qui apaise la souffrance et calme le désespoir, je maintiens toujours ma coupe de sollicitations incessantes, en lui demandant l'aide et la paix.

Pleine de dettes, tant de fois échouée et rampant sur des chemins dangereux, empêtrée dans l'ignorance et la misère, je suis la fille prodigue qui retourne aux bras de sa charité et de sa compassion.

Sans même mériter les privilèges d'espoir et de travaux qui enrichissent mes jours, j'ai eu les heures de ma vie remplies de la joie ineffable de pouvoir te parler, j'ai pu réveiller ton âme, comme toute mère dont le souci est de faire profiter intelligemment ses enfants de leur vie.

Dans ces derniers mots, à travers lesquels j'offre mon baiser de tendresse sans limites à ton coeur toujours présent pour moi, j'essaie de m'élever au-dessus de ma peti­tesse personnelle pour tenter de parler à la Reine des Cieux, en même temps que de lui offrir la gerbe de fleurs de ma gratitude.

Madame !

Au nom de toutes les mères qui souffrent dans l'Au-delà, je vous offre la joie incomparable de ces moments présents, moi qui suis une de ces mamans.

Oh! Rose Mystique de Nazareth, ayez pitié de toutes les femmes qui, manquant de respect au caractère sacré de la maternité, se jettent, affolées, dans les abîmes du crime ;

Des femmes qui ont ajourné le ministère saint de la procréation ;

Des femmes qui se sont enivrées dans la coupe des vices ;

Des femmes qui ont sali le vase sublime de la conti­nuité de l'espèce ;

Des femmes qui ont dédaigné l'idéal suprême de toute création de vie ;

Des femmes qui ont empoisonné la vie par la liqueur de la vanité et de la passion, jusqu'à descendre au vallon sombre du meurtre ;

Des femmes aveuglées par la jalousie et qui se sont pré­cipitées dans le gouffre sans fond du suicide,

Et portez secours à ces autres femmes qui :

Mères, se sont sacrifiées dans l'anonymat et dans le renoncement ;

Mères, ont bu l'amertume dans le silence et dans l'oubli en retenant leur propre douleur personnelle ;

Mères, méprisées et vilipendées, sont restées méconnues ;

Mères, ont lutté et ont souffert sans perdre courage et sans avoir peur;

Mères, sont mortes dans l'holocauste du foyer domesti­que pour que leurs enfants deviennent des produits de votre amour, dignes de votre Fils.

Oh! Vous qui avez accepté les plus grandes souffrances sans vous plaindre, buvant jusqu'à la dernière goutte la coupe de fiel et d'amertume au nom de l'amour du Fils aimé, pardonnant à vos bourreaux, ouvrez les yeux et re­gardez la femme souffrante et défaillante ; redressez-la et invitez-la encore aux devoirs sacrés du Foyer domestique et de la Maternité.

Notre-Dame à nous, à genoux à vos pieds, je vous offre mon insignifiance dans la tâche de l'Amour, au moins en faveur de moi-même.

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION.. 2

PREFACE.. 4

ECLAIRCISSEMENTS OPPORTUNS. 6

LA VIE CONTINUE.. 8

VERS LE TOMBEAU.. 11

L'INTERVENTION DE LIEBE.. 14

HORS DE LA TOMBE.. 16

AU BORD DE LA MER.. 19

FRATERNITÉ — DON DE DIEU LOI UNIVERSELLE.. 22

AU CÉNACLE.. 25

A L'HÔPITAL.. 28

RESIDENCE DE LA « COLONIE REDEMPTION ». 31

PRIÈRE DANS LA COLONIE.. 35

LE DOCTEUR CLEOFAS. 39

EN PROIE À LA MÉDITATION.. 43

L'IMPOSITION DES MAINS. 45

LA COLONIE VUE DU DEDANS. 48

AU DÉPARTEMENT "ESPOIR". 51

LE TEMPLE DE COMMUNION AVEC LES SPHERES SUPERIEURES. 54

ENTENDRE ET APPRENDRE.. 59

LA FOLLE.. 62

MANQUE DE VIGILANCE — SIMONIE.. 66

MÉDIUMNITÉ DÉCHUE.. 70

L'OBSESSION ET LE SUICIDE.. 74

CHÂTIMENT DU CRIME.. 77

HEUREUSE RENCONTRE.. 82

BONNES NOUVELLES. 85

LE RETOUR AU FOYER.. 87

MÉDIUMNITÉ AVEC JÉSUS. 91

CHARITÉ ET RENONCEMENT. 95

DETTE ET ACQUITTEMENT. 98

NOTES IMPORTANTES. 101

L'ACCUEIL AU VIEIL AMI. 103

SPIRITISME ET CHRISTIANISME.. 106

SENSATION DE CONFIANCE.. 109

GRATITUDE.. 111


[1] Otilia Gonçalves fut directrice de la "Mansâo do Caminho", à Salvador, Bahia, pendant quelques mois (Note de la Maison d'Edition).

[2] Marc, XI, 24 (Note de l'Auteur Spirituel).

[3] Luc XI : 1 à 4 (Note de l'Auteur Spirituel).

[4] Marc, 14-38 Note de l’auteur spirituel.

[5] Potiguar : mon d'une tribu indienne du Nort-Est du Brésil (note de la traductrice).

[6] Elle se rapporte à un des ouvrages écrits par voie médiumnique par l'esprit André Luiz ; médium Francisco Cândido Xavier, Edition de la Fédération Spirite Brésilienne. — Note de l'Editeur.

[7] Chapitre XIV — 8 de l'Evangile selon le Spiritisme (note de l'auteur spirituel).

2 comentários:

  1. Mon nom est aspirateur, ma fille de 18 ans, Tricia a été diagnostiquée d'herpès il y a 3 ans. depuis lors, nous allons d'un hôpital à l'autre. Nous avons essayé toutes sortes de pilules, mais tous les efforts pour se débarrasser du virus étaient vains. Les cloques ont réapparu après quelques mois. Ma fille utilisait des comprimés d'acyclovir 200 mg. 2 comprimés toutes les 6 heures et crème de fusitine 15 grammes. et H5 POT. Le permanganate avec de l'eau doit être appliqué 2 fois par jour mais tous ne montrent toujours aucun résultat. J'étais donc sur Internet il y a quelques mois, à la recherche de tout autre moyen de sauver mon enfant unique. à ce moment-là, je suis tombé sur un commentaire sur le traitement à base de plantes dr imoloa et j'ai décidé de l'essayer. Je l'ai contacté et il a préparé des herbes et me les a envoyées avec des directives sur la façon d'utiliser les herbes via le service de messagerie DHL. ma fille l'a utilisé comme dr imoloa dirigé et en moins de 14 jours, ma fille a retrouvé sa santé .. Vous devriez contacter le Dr imoloa aujourd'hui directement sur son adresse e-mail pour tout type de problème de santé; lupus, ulcère de la bouche, cancer de la bouche, douleurs corporelles, fièvre, hépatite ABC, syphilis, diarrhée, VIH / sida, maladie de Huntington, acné au dos, insuffisance rénale chronique, maladie addison, douleur chronique, maladie de Crohn, fibrose kystique, fibromyalgie, inflammatoire Maladie intestinale, mycose des ongles, maladie de Lyme, maladie de Celia, lymphome, dépression majeure, mélanome malin, manie, mélorhéostose, maladie de Ménière, mucopolysaccharidose, sclérose en plaques, dystrophie musculaire, polyarthrite rhumatoïde, maladie d'Alzheimer, maladie de Parkison, cancer vaginal, épilepsie Troubles anxieux, maladies auto-immunes, maux de dos, entorse dorsale, trouble bipolaire, tumeur cérébrale, maligne, bruxisme, boulimie, maladie du disque cervical, maladies cardiovasculaires, néoplasmes, maladies respiratoires chroniques, troubles mentaux et comportementaux, fibrose kystique, hypertension, diabète, asthme , Médiateur auto-immun inflammatoire arthrite. maladie rénale chronique, maladie articulaire inflammatoire, impuissance, spectre d'alcool féta, trouble dysthymique, eczéma, tuberculose, syndrome de fatigue chronique, constipation, maladie inflammatoire de l'intestin. et beaucoup plus; contactez-le sur email- drimolaherbalmademedicine@gmail.com./ également sur whatssap- 2347081986098.

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  2. Mon nom est aspirateur, ma fille de 18 ans, Tricia a été diagnostiquée d'herpès il y a 3 ans. depuis lors, nous allons d'un hôpital à l'autre. Nous avons essayé toutes sortes de pilules, mais tous les efforts pour se débarrasser du virus étaient vains. Les cloques ont réapparu après quelques mois. Ma fille utilisait des comprimés d'acyclovir 200 mg. 2 comprimés toutes les 6 heures et crème de fusitine 15 grammes. et H5 POT. Le permanganate avec de l'eau doit être appliqué 2 fois par jour mais tous ne montrent toujours aucun résultat. J'étais donc sur Internet il y a quelques mois, à la recherche de tout autre moyen de sauver mon enfant unique. à ce moment-là, je suis tombé sur un commentaire sur le traitement à base de plantes dr imoloa et j'ai décidé de l'essayer. Je l'ai contacté et il a préparé des herbes et me les a envoyées avec des directives sur la façon d'utiliser les herbes via le service de messagerie DHL. ma fille l'a utilisé comme dr imoloa dirigé et en moins de 14 jours, ma fille a retrouvé sa santé .. Vous devriez contacter le Dr imoloa aujourd'hui directement sur son adresse e-mail pour tout type de problème de santé; lupus, ulcère de la bouche, cancer de la bouche, douleurs corporelles, fièvre, hépatite ABC, syphilis, diarrhée, VIH / sida, maladie de Huntington, acné au dos, insuffisance rénale chronique, maladie addison, douleur chronique, maladie de Crohn, fibrose kystique, fibromyalgie, inflammatoire Maladie intestinale, mycose des ongles, maladie de Lyme, maladie de Celia, lymphome, dépression majeure, mélanome malin, manie, mélorhéostose, maladie de Ménière, mucopolysaccharidose, sclérose en plaques, dystrophie musculaire, polyarthrite rhumatoïde, maladie d'Alzheimer, maladie de Parkison, cancer vaginal, épilepsie Troubles anxieux, maladies auto-immunes, maux de dos, entorse dorsale, trouble bipolaire, tumeur cérébrale, maligne, bruxisme, boulimie, maladie du disque cervical, maladies cardiovasculaires, néoplasmes, maladies respiratoires chroniques, troubles mentaux et comportementaux, fibrose kystique, hypertension, diabète, asthme , Médiateur auto-immun inflammatoire arthrite. maladie rénale chronique, maladie articulaire inflammatoire, impuissance, spectre d'alcool féta, trouble dysthymique, eczéma, tuberculose, syndrome de fatigue chronique, constipation, maladie inflammatoire de l'intestin. et beaucoup plus; contactez-le sur email- drimolaherbalmademedicine@gmail.com./ également sur whatssap- 2347081986098.

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